(CROISSANCE AFRIQUE)-Le 11 janvier 2025, le Général Assimi Goïta, Président de la Transition du Mali, et son homologue soudanais, le Général Abdel Fattah Al-Burhan, se sont rencontrés dans une atmosphère empreinte de gravité et d’espoir, à Bamako.
Cette visite traduit la volonté commune des deux États de naviguer dans un monde fracturé, où l’Afrique cherche à redéfinir son rôle entre les héritages du passé et les défis de demain. À 10 h 40, sur le tarmac de l’aéroport international Modibo Kéïta de Bamako-Sénou, la descente d’avion du Président Al-Burhan marque plus qu’une arrivée officielle. Elle symbolise l’atterrissage, au cœur d’une Afrique en mutation, d’un acteur clé des révolutions silencieuses du continent.
Après un bref entretien dans le pavillon présidentiel, les deux dirigeants se sont retirés au palais de Koulouba pour une journée d’intenses discussions, émaillée de gestes solennels et d’analyses stratégiques.
Deux nations en quête de souveraineté
À l’intersection des dynamiques locales et des grandes manœuvres globales, le Mali et le Soudan partagent une trajectoire similaire : celle de pays confrontés à l’instabilité, mais résolument attachés à leur souveraineté. Les propos du Président Al-Burhan lors du point de presse résonnent comme un manifeste : « Nous sommes deux pays frères vivant dans des régions tourmentées. Je viens explorer les voies de coopération entre nos nations, riches de potentialités dans divers domaines. ».
Ce qui se joue ici n’est pas seulement une alliance bilatérale, mais un repositionnement stratégique. Le Mali, épicentre de la crise sahélienne, et le Soudan, théâtre de tensions entre puissances globales, incarnent deux piliers d’une Afrique en quête de voix propre. Les discussions ont mis en lumière des axes cruciaux : sécurité, économie, culture — autant de domaines où des commissions mixtes seront créées pour transformer les idées en actions.
Une coopération encore embryonnaire
L’analyse historique éclaire ces retrouvailles. Le Soudan, qui a traversé des décennies de conflits internes et externes, est aujourd’hui dirigé par un homme forgé dans les tumultes : Abdel Fattah Al-Burhan. Issu d’un village modeste au nord de Khartoum, il est le produit d’une armée qui, malgré ses divisions, reste l’épine dorsale de la stabilité nationale. Après avoir gravi les échelons militaires et s’être formé en Égypte et en Jordanie, il a joué un rôle central dans des négociations majeures, notamment avec Israël en 2020, où il a amorcé un rapprochement historique.
De son côté, le Mali, sous l’égide du général Assimi Goïta, cherche à reconstruire son autorité dans un Sahel écartelé entre jihadisme, rivalités ethniques et influences extérieures. Cette convergence de trajectoires ne peut être anodine : elle révèle une prise de conscience croissante des élites africaines face à la nécessité d’une autonomie stratégique.
Cependant, la coopération entre le Mali et le Soudan reste timide.
En dépit de l’établissement de relations dans le commerce (2002), le transport aérien (2003) et l’enseignement supérieur (2020), les avancées concrètes sont rares. La fermeture du Consulat général du Mali à Khartoum en 2023, suite à la crise sociopolitique soudanaise, témoigne des obstacles persistants.

Pourtant, les potentialités sont immenses. Les deux nations disposent de ressources naturelles, humaines et culturelles qui pourraient constituer le socle d’un partenariat stratégique. Mais pour cela, il leur faudra surmonter les logiques fragmentaires qui minent souvent les collaborations africaines.
Une nouvelle étape dans l’éveil africain
Cette rencontre pourrait marquer un tournant dans l’arsenal diplomatique africaine et internationale. Elle traduit une prise de conscience que les réponses aux défis africains ne viendront ni de l’Occident ni de l’Orient, mais d’une Afrique capable de se projeter comme un acteur global à part entière.
À travers la création de commissions mixtes et la réaffirmation de leur engagement dans les organisations régionales, le Mali et le Soudan posent les bases d’une vision partagée.
Notons que ce que nous révèle cette rencontre, c’est avant tout la volonté de deux nations de s’extraire des injonctions extérieures pour tracer leur propre chemin. Elle illustre une dynamique plus large : celle d’un continent qui, à force de crises, réapprend à se tenir debout. Mais la route reste longue.