(CROISSANCE AFRIQUE)-Interviewé par Sputnik Afrique, l’éminent économiste Modibo Mao Makalou a exprimé son souhait de nuancer les propos souvent pessimistes entourant l’évolution économique du continent africain.Contrairement à de nombreuses analyses qui prévoient l’année 2025 comme étant particulièrement difficile et semée d’embûches, il soutient fermement que l’Afrique a en réalité enregistré une performance économique qui se révèle supérieure à celle de 2024, avec une croissance moyenne estimée à un impressionnant 3,5 %.
Selon M. Makalou, cette dynamique positive est le fruit de divers facteurs interconnectés. Premièrement, la consommation intérieure, qui se maintient comme un moteur essentiel de la croissance économique, a joué un rôle déterminant dans ce rebond. De plus, les investissements privés et publics, qui ont connu une hausse significative dans plusieurs nations africaines, reflètent une volonté de développement et une stratégie visant à améliorer les infrastructures locales. Enfin, la stabilisation monétaire, qui a réussi à réduire l’inflation de manière tangible, a également contribué à renforcer la confiance des consommateurs et des investisseurs, rendant ainsi l’environnement économique bien plus favorable.
Il souligne que cette amélioration constitue un point de départ encourageant pour l’avenir économique du continent africain, mais qu’elle ne doit pas occulter les défis structurels profonds et persistants qui freinent un véritable décollage économique tant attendu. Pour l’économiste averti, l’Afrique doit impérativement apprendre à mobiliser ses propres ressources et à développer d’éventuelles solutions internes, plutôt que de dépendre à chaque fois des capitaux étrangers qui peuvent s’avérer instables ou inaccessibles en période de crise.
« Le continent devrait pouvoir se suffire à lui-même. Les apports extérieurs ne doivent être qu’un complément », insiste-t-il avec ferveur, soulignant ainsi l’importance de l’autonomie financière. Cette vision repose sur une conviction profondément ancrée : l’indépendance économique n’est pas seulement un idéal, mais la clé essentielle de la souveraineté et de la résilience face aux crises économiques et sociales mondiales, souvent extérieures et imprévisibles.
Makalou appelle également à un arbitrage stratégique judicieux entre les dépenses militaires, qui, bien qu’indispensables pour la sécurité nationale, ne doivent pas éclipser les investissements sociaux, tout aussi cruciaux. « On ne peut pas assurer la sécurité et la défense sans développement », rappelle-t-il avec une insistance qui témoigne de son engagement pour un développement équilibré et durable, qui mènerait à un véritable progrès pour l’ensemble de la société.
Il plaide avec conviction et détermination pour une allocation plus équilibrée des ressources vers des secteurs essentiels tels que l’éducation, la santé et les infrastructures, qui sont considérés comme les piliers fondamentaux d’une croissance inclusive et durable. Selon lui, ces domaines ne sont pas seulement des besoins sociaux, mais constituent également des investissements stratégiques qui peuvent catalyser le développement économique à long terme. Au-delà des mines et des matières premières, qui ont longtemps été les points focalisés de l’économie dans certaines régions, l’économiste insiste sur l’importance cruciale du capital immatériel, qui inclut des éléments vitaux tels que la Science et la recherche, la Technologie et l’innovation, ainsi que les Universités et les centres de formation qui préparent la prochaine génération de penseurs et de leaders.
Pour Modibo Mao Makalou, la quatrième révolution industrielle, qui est signifiée par l’émergence des nouvelles technologies et de l’automatisation, ne pourra se réaliser sans l’Afrique, à condition que le continent valorise réellement ses ressources naturelles localement, favorisant ainsi une transformation économique significative et durable. Cela nécessite un investissement massif et ciblé dans la connaissance, dans la formation des talents et dans le renforcement des capacités locales. En conclusion, Modibo Mao Makalou met de manière appréhensive en garde contre la tentation de rester enfermé dans une logique d’économie de traite, un modèle dans lequel les grandes puissances dictent incessamment les règles du jeu économique à leur avantage. « Si nous persistons dans ce modèle démodé, nous resterons à jamais prisonniers des intérêts extérieurs », avertit-il, soulignant l’urgence de rompre avec une dépendance qui retarde le véritable potentiel de prospérité du continent.
Daouda Bakary KONÉ

