(CROISSANCE AFRIQUE)- Au Mali, le niveau de pauvreté du débat public a atteint un stade préoccupant. En scrutant les sujets d’actualité, il est alarmant de constater qu’une grande majorité des intervenants, soit 99%, n’ont souvent pas une compréhension claire des enjeux. Beaucoup ne prennent même pas le temps de s’informer avant de donner leur avis.
Concernant la récente déclaration d’Alssénou Sanou, le Ministre de l’Économie et des Finances, sur le problème du chômage, il a commencé par définir ce qu’est un chômeur selon des normes économiques. En résumé, sa définition stipule qu’un chômeur est un demandeur d’emploi en âge de travailler qui, après avoir soumis une demande, n’a pas reçu de réponse dans un délai de deux mois. Pour calculer le taux de chômage, on divise le nombre de ces demandeurs en attente par le total des demandeurs d’emploi.
C’est sur cette base qu’il a avancé des prévisions de 3,5% pour 2025, contre 6,1% en 2020. Toute contestation de ces chiffres, que le Ministre présente avec rigueur, doit obligatoirement : 1) démontrer que sa définition du chômage ainsi que sa méthode de calcul ne reposent pas sur des fondements économiques valables ; 2) fournir une définition alternative et une méthode de calcul réelle pour que nous puissions évaluer les chiffres en question.
Aussi, ce n’est qu’à partir de là que nous pourrons réellement éclairer la situation. Par ailleurs, des contradictions basées sur nos observations du terrain sont également valables, notamment lorsqu’elles révèlent un fossé entre les statistiques et la réalité vécue.
À mon avis, le secteur économique en général est entaché par de nombreuses théories dont l’application engendre souvent des résultats erronés dans nos pays africains, soit en raison de leur décalage avec la réalité, soit à cause d’un manque de données fiables au moment de leur mise en œuvre.
C’est précisément ce que démontre la notion de chômage présentée par le Ministre Sanou, qui ne se base que sur les demandes d’emploi du secteur formel. Or, selon le rapport de l’ODHD-LP, le secteur informel au Mali regroupe 91,5% des travailleurs, tandis que le secteur formel n’en représente que 8,5%.
Notons que ce chiffre du Ministre repose donc sur une catégorie d’emploi extrêmement minoritaire. Cette tendance est une vérité partagée parmi les pays à faibles revenus. Ainsi, nous pouvons conclure que cette théorie ne peut en aucun cas apporter de clarté sur les questions d’emploi tant qu’elle néglige le secteur qui emploie la majorité de la population active.
Résoudre nos problèmes économiques avec des théories déconnectées de notre réalité est impossible. Par conséquent, il est impératif que la question de la souveraineté soit précédée par la mise en œuvre de mesures qui prennent en compte nos réalités afin de progresser.
Zangouna KONE