(CROISSANCE AFRIQUE)-Le 29 mai 2025, lors d’un vote décisif à Abidjan, Sidi Ould Tah, originaire de Mauritanie, a été élu 10e président de la Banque africaine de développement (BAD). Succédant à Akinwumi Adesina, dont le mandat de dix ans a été marquant pour l’institution, cette élection ouvre une nouvelle ère pour la BAD.
Il a été élu président de la Banque africaine de développement (BAD) à l’issue du troisième tour de scrutin, ce 29 mai 2025 à Abidjan. Au terme du troisième tour, le mauritanien a obtenu 76,18% des voix, contre 20,26% pour Samuel Maimbo et 3,55% pour le sénégalais Amadou Hott. L’ancien président de la BADEA s’impose donc au terme du troisième tour dans l’une des élections les plus courtes de l’histoire de la BAD. Plus que le score c’est le consensus africain qui a frappé les esprits. Sidi Ould Tah a obtenu 72, 37% du vote des non régionaux.
La sélection de Sidi Ould Tah, parmi un panel de candidats hautement qualifiés, témoigne d’un choix à la fois stratégique et symbolique. Son expérience en matière de réforme des institutions financières et sa vision panafricaine inclusive ont renforcé sa candidature, ainsi que sa capacité à établir des liens entre les États, les régions et les partenaires de développement.
Avec plus de 30 ans d’expérience dans l’économie du développement, la finance publique et la coopération internationale, Sidi Ould Tah a dirigé, depuis 2015, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), qu’il a modernisée pour en faire un acteur central de l’architecture financière du continent. Son élection reflète le désir des actionnaires de rapprocher la BAD des réalités des États, tout en visant efficacité, souveraineté et réactivité. Reconnu tant par les pays francophones qu’anglophones, ainsi que par les institutions continentales et la société civile africaine, il incarne une voix du Sud dotée d’une légitimité régionale.
Dans son discours d’acceptation, le nouveau président a affirmé sa volonté de réinscrire la Banque dans les priorités concrètes des Africains, mettant l’accent sur des enjeux tels que l’industrialisation du continent, l’investissement dans les infrastructures de base, la transformation agricole, et l’autonomisation des femmes et des jeunes. Sa feuille de route s’articule autour de trois axes : rapprocher la BAD des États pour mieux répondre à leurs besoins, renforcer son agilité pour accélérer les décaissements et réduire les délais de mise en œuvre des projets, et promouvoir une BAD souveraine en augmentant les investissements dans le capital africain, qu’il soit fiscal, naturel, humain, commercial ou financier.
Dans un continent où 587 milliards de dollars sont perdus chaque année à cause de fuites de capitaux, alors que le potentiel mobilisable est évalué à 1 430 milliards de ressources internes, Sidi Ould Tah plaide pour une Banque qui accompagne les États dans la reconquête de leur souveraineté budgétaire. En tant qu’architecte d’un renouveau de la coopération arabe-africaine au sein de la BADEA, il défend une approche pragmatique du partenariat, respectueuse de la souveraineté, favorisant la complémentarité des financements et la logique de co-développement. Son élection est perçue comme un rééquilibrage géopolitique en faveur des institutions africaines et de la coopération interrégionale Sud-Sud.
Notons que la BAD, avec un portefeuille de 318 milliards de dollars et une présence dans plus de 50 pays, se trouve à un tournant. Dans un contexte marqué par des tensions budgétaires, des mutations climatiques et des attentes sociales croissantes, elle doit se réinventer. La stratégie décennale 2024–2033, qui appelle à une transformation systémique de l’économie africaine, attend maintenant un leader capable de réaliser ces ambitions.
Sidi Ould Tah devra donc allier impact et proximité, discipline financière et flexibilité stratégique. En ce 29 mai 2025, la BAD change de visage, mais son objectif demeure clair : accélérer le développement d’une Afrique forte, intégrée, prospère et souveraine.
Daouda Bakary KONE