(CROISSANCE AFRIQUE)-C’est un homme politique, donc mauvais. C’est un acte politique, donc pas sincère. C’est une parole politique, donc mensonge. Voici la façon dont on perçoit la chose politique sous nos cieux aujourd’hui. Mais pouvons-nous conduire une démocratie sans la politique, sans les politiques ?
Pouvons-nous tout simplement diriger un pays sans faire de la politique ? C’est-à-dire sans faire recours à la science de la gestion de la cité? Car c’est cela la politique, l’exercice du pouvoir, l’organisation de la société. Peut-on diriger des milliers, voire des millions d’hommes, et pouvoir leur apporter satisfaction sans être Dieu ? Voilà ce qui est demandé aux politiques de nos jours, satisfaire des peuples informés, qui savent tout, sans pourtant savoir tous les enjeux en présence. L’homme politique du 21eme siècle doit diriger en Live, ce qui a tendance à mettre ce dernier à nu pour des œuvres qui ont besoin d’être planifiées minutieusement avant d’être implémentées, parce que gouverner c’est choisir des priorités. Et l’homme politique malien, a encore plus à faire, parce qu’il doit lui, gérer des passions terribles, des émotions phénoménales, et beaucoup de savants incultes. L’ancien Président de la République ATT disait, qu’il fallait savoir nouer trois œufs ensemble.

Le Mali actuel a choisi la démocratie comme système de gestion publique, sans véritablement mettre au point des préalables. Après 23 ans de gestion autocratique militaire, qui avait remplacé une autocratie civile de 8 ans, le malien voulait seulement un changement, et s’il apportait en plus la possibilité à tout le monde d’être impliqué dans la gestion du pays, c’était la cerise sur le gâteau. Contrairement aux vieilles démocraties modernes, qui avaient résulté de luttes politico-sociales longuement pensées et voulues, la démocratie malienne, a elle été décrétée hors du pays, livrée pratiquement clé en main. Elle n’a pas été élaborée par les intellectuels et les politiques du peuple du Mali. Mais, elle était là désormais, debout dans toute sa forme. Cependant, elle avait un besoin criard d’une construction de fond, il lui fallait des fondements sûrs. Pourtant ce volet n’avait pas été la grande préoccupation de ses conducteurs.
Les démocrates maliens n’ont fait que prendre une locomotive déjà prête, pour la mettre directement en marche. Ensuite, ils ont pris l’enthousiasme ambiant comme un quitus à vie. Dès lors, chacun a pensé qu’il pouvait conduire la nation. Que tout était permis ad vitam æternam. Et le monde politique malien est entré dans un ring, laissant découvrir de féroces combats pour accéder au pouvoir, oubliant tout le reste. Ainsi, de jeunes politiciens gonflés d’idéaux, avec d’énormes visions pour bâtir un pays de rêve, se sont carrément métamorphosés lorsqu’ils sont parvenus aux commandes. Des fortunes se sont constituées avec une célérité extraordinaire, l’objectif unique est devenu le pouvoir à tout prix. La politique saine, patriotique s’est dissipée en un tournement devant des ambitions individuelles, au profit du tout pour soi. Et le peuple n’a plus vu rien de positif dans la nouvelle démocratie, qui avait été désignée comme étant la seule en faute.
Les hommes politiques ont donc été regardés comme des pouvoiristes, des baratineurs, des profiteurs, des ingrats gloutons, au lieu d’être des bâtisseurs, des visionnaires, des leaders. Ce qui a fait perdre à la politique toute sa noblesse et son utilité pour une nation. L’eau s’est troublée faisant remonter tous les débris à la surface.
L’opinion a alors confondu les mauvais politiciens, avec les politiques patriotes et avec les intellectuels engagés qui peuvent réfléchir et mener réellement le pays vers une sortie stratégiquement maîtrisée. On ne doit aucunement négliger la part des intellectuels dans la construction d’un pays, car ce sont eux qui doivent observer l’environnement, proposer les solutions et définir les orientations. L’émotion, la passion et le clivage ne peuvent rien porter de bénéfique, ils apportent plutôt pertes et chaos. Le Mali actuel a vraiment besoin de ses politiques, mais pas de tous. Une sélection rigoureuse s’impose.
Aussi, la démocratie doit être expliquée dans ses bases. Le peuple doit comprendre comment son État tient, comment il fonctionne. Il doit se reconnaître dans ses institutions, dans ses principes fondamentaux, c’est seulement à partir de cette vulgarisation qu’il pourrait se laisser convaincre, sera en mesure de les respecter, et être prêt à mourir pour défendre son pays, parce qu’il saura que sa vie, et celles de ses descendants dépendent de leur stabilité. Il saura que l’alternance au pouvoir est une nécessité, que sa maîtrise est une garantie contre l’instabilité. Il respectera la liberté de parole et ses corollaires, sera disposé à combattre ses excès, stopper ses entraves. Il se battra pour l’accessibilité de la gestion de la nation aux meilleurs citoyens dans un cadre réglementaire sérieux, collectivement adopté.
Un peuple qui ne sait pas faire le tri des hommes qui doivent le diriger, laisse mourir sa classe politique, et aucune nation ne peut survivre sans des politiques consciencieux et engagés, cela doit être toujours possible. Ne plus pouvoir trouver de dignes leaders politiques devient le véritable échec d’une nation. Sachons, qu’une personne qui dirige un État, militaire ou civil, femme et homme, devient automatiquement homme politique, car seul la politique dirige les hommes.
Ne bannissons pas la politique, mais sachons choisir les leaders les plus intégres parmi nos hommes politiques pour le bonheur du pays. Le Mali a perdu présentement son âme, on a donc obligation de maintenir la structure physique, afin de pouvoir faire exister un réceptacle fiable pour pouvoir nous réinventer une nouvelle âme, une âme qui nous correspondra mieux dans ce contexte en mouvement perpétuel.
Par Moussa sey Diallo, élu communal