DECLARATION DE S.E.M. MAMADOU HENRI KONATE, AMBASSADEUR, REPRESENTANT PERMANENT DU MALI, A L’OCCASION DU DIALOGUE INTERACTIF SUR LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME AU MALI, LORS DE LA 46ème SESSION DU CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME A GENEVE |
22 mars 2021
Merci Madame la Présidente,
Je voudrais, tout d’abord, exprimer le plaisir que j’éprouve à prendre la parole au nom de mon pays, dans le cadre du présent dialogue interactif sur la situation des droits de l’Homme au Mali.
Permettez-moi, Madame la Présidente, de vous adresser les chaleureuses félicitations de ma délégation pour la qualité du travail accompli au quotidien, en vue de renforcer l’efficacité du Conseil des droits de l’Homme, malgré un contexte sanitaire particulièrement difficile.
Excellences, mesdames et messieurs,
La délégation du Mali prend note du rapport de Monsieur Alioune TINE, Expert indépendant sur la situation des droits de l’Homme au Mali et le remercie pour sa présentation.
Nous prenons également bonne note des commentaires et des recommandations qu’il a bien voulu formuler à cette occasion.
Je voudrais, à présent, partager avec vous quelques informations sur la situation des droits de l’Homme au Mali et faire quelques commentaires sur ledit rapport élaboré, comme vous le savez, dans une conjoncture qui n’a pas permis à l’Expert indépendant de visiter le Mali durant la période de référence.
Nous espérons que le prochain rapport verra le jour dans des conditions bien meilleures.
Excellences, mesdames et messieurs,
Au cours de l’année écoulée, mon pays, le Mali a été secoué par une crise sociopolitique dont les développements ont conduit, le 18 août 2020, à un changement institutionnel ayant ouvert la voie à une Transition politique qui est en cours actuellement.
En dépit de cette évolution politique, le Mali a réaffirmé, par la voix de son Ministre des Affaires étrangères, son attachement profond aux droits de l’Homme, à l’occasion du Segment de haut niveau de la présente session, le 24 février dernier. Cet attachement multiséculaire aux valeurs de respect de la dignité humaine plonge ses racines dans la célèbre « Charte de Kurukan Fuga » datant du 13ème siècle et inscrite, depuis 2009, sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Cela démontre à suffisance que la question des droits humains n’est ni nouvelle ni étrangère au Mali.
Il est toutefois indéniable aujourd’hui, que le pays rencontre de réelles difficultés et des contraintes de tous ordres, en lien avec sa situation sécuritaire et le contexte de lutte contre le terrorisme. En dépit de cela, il reste déterminé à respecter et à faire respecter les droits de l’Homme sur l’ensemble de son territoire. C’est un défi qu’il a à cœur de relever pour peu qu’il bénéficie d’un accompagnement accru et d’une meilleure compréhension de la communauté internationale.
Madame la Présidente,
Excellences, mesdames et messieurs,
Le Plan d’Action du Gouvernement présenté par le Premier ministre et adopté par le Conseil National de Transition (CNT), le 22 février 2021, fixe des priorités au premier rang desquelles figure le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national. Cela passe nécessairement, même si ce n’est pas de manière exclusive, par la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali.
Sous ce rapport, la reprise des travaux du Comité de suivi de l’Accord (CSA) avec la tenue à Kidal, le 11 février 2021, de la 5ème réunion de haut niveau du CSA, apparaît comme une étape importante pour faire avancer le processus de paix. Lesdits travaux avaient été suspendus durant plusieurs mois à cause des évènements qui ont précédé le changement institutionnel.
Cette reprise devrait permettre de réaliser des progrès importants dans la concrétisation de la Feuille de route actualisée des actions prioritaires pour la mise en œuvre de l’Accord sur ses différents volets, à savoir la redynamisation du processus de DDR ; l’accélération des réformes politiques et institutionnelles ; le soutien aux actions de développement et la relance du chantier de la réconciliation nationale.
En outre, il importe de souligner que des efforts ont été déployés pouraccroître le nombre de femmes participant aux travaux du Comité de Suivi de l’Accord (CSA) et les parties s’accordent à renforcer cette participation au sein des sous-commissions du CSA. Aussi, l’adoption du nouveau Plan d’action national 2019-2023 sur la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU devrait-elle contribuer à conforter cette dynamique.
S’agissant de la situation dans les régions du centre du Mali, elle reste malheureusement marquée par la poursuite des activités criminelles des groupes terroristes qui continuent d’attiser les violences intercommunautaires dont l’impact sur les populations civiles demeure source de préoccupation.
C’est pourquoi, le Gouvernement multiplie les initiatives visant à renforcer la cohésion et l’entente nationales avec l’implication des notabilités traditionnelles et d’autres bonnes volontés, afin de favoriser un dialogue direct entre les différentes communautés, tout en renforçant la sécurité et la protection des civils et de leurs biens. La mise en place des Comités communaux de réconciliation procède de cette volonté de résoudre la difficile équation des violences intra et intercommunautaires.
La contribution de la MINUSMA à cette dynamique est à cet égard très appréciable.
Madame la Présidente,
Excellences, mesdames et messieurs,
La dimension de la justice dans une crise comme celle que vit le Mali n’est plus à démontrer.
A cet égard, les progrès enregistrés en matière de justice transitionnelle sontencourageants. Il est heureux de constater qu’à ce jour, la Commission vérité, justice et réconciliation a recueilli plus de 19 800 témoignages de victimes dans plusieurs régions du Mali et tenu deux audiences publiques, les 8 décembre 2019 et 5 décembre 2020. Une troisième est attendue pour le 27 mars courant.
Par ailleurs, la coopération avec la Cour pénale internationale a permis l’ouverture, le 14 juillet 2020, d’un procès contre un individu pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, quatre ans après un premier jugement prononcé par la Cour en septembre 2016 contre un autre individu reconnu coupable de crimes de guerre.
Madame la Présidente,
Excellences, mesdames et messieurs,
Les juridictions nationales compétentes jouent, non sans difficultés, leur partition pour briser la chaîne de l’impunité dans des affaires de violations présumées des droits de l’Homme impliquant des acteurs étatiques comme non-étatiques.
S’agissant des acteurs étatiques, plus d’une dizaine d’affaires impliquant des éléments des forces de défense et de sécurité maliennes en opération sont en instruction devant les Tribunaux militaires de Mopti et de Bamako, suite à des allégations de violations des droits de l’Homme dans les localités de Boullékessi (Douentza), Nantaka (Mopti), Doma (Bandiagara), Malémana (Tenenkou), Diabali Sokolo (Niono) et de Massabougou (Macina), pour ne citer que celles-ci. C’est la preuve que la lutte contre le terrorisme ne saurait justifier la commission d’actes répréhensibles.
Pour ce qui est des violations des droits de l’Homme commises par les acteurs non étatiques, des poursuites judiciaires ont été engagées par le Pôle Judiciaire Spécialisé de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée concernant les exactions commises dans les localités de Yorou, de Ganganfani, d’Ogossagou, à deux reprises, et de Sobane Da. A ce jour, une vingtaine de personnes se trouve détenue dans le cadre des procédures d’Ogossagou et de Sobane-Da.
Toutefois, lesdites procédures souffrent de certaines lenteurs en raison notamment de difficultés liées à l’insécurité, de l’absence des services publics compétents dans certaines localités, comme le relève d’ailleurs l’Expert indépendant dans son rapport.
Onze (11) personnes ont, quant à elles, été jugées par la Cour d’assises de Mopti courant 2020, dans le cadre de l’affaire dite de Koulogon-peulh (Bankass) relative au massacre de 37 civils en janvier 2019, pour assassinat et diverses autres infractions pénales.
Sur la question des atteintes aux droits à travers les formes contemporaines d’esclavage, plus d’une trentaine de personnes ont été placées sous mandat de dépôt par le Tribunal d’Instance de Nioro du Sahel pour assassinat et discrimination à caractère ethnique, entre autres, suite à l’affaire dite de Djandjoumé. L’instruction du dossier suit son cours.
Plus de deux cents (200) autres personnes, dont la plupart placées sous mandat de dépôt par le Tribunal de Grande Instance de Kayes, attendent d’être jugées dans le cadre d’une cinquantaine de procédures judiciaires en lien avec la pratique ignominieuse de l’esclavage. Comme on peut le constater, ces actions ne laissent aucune place à l’ambiguïté quant à la volonté des pouvoirs publics de combattre ce fléau d’un autre âge.
Madame la Présidente,
Excellences, mesdames et messieurs,
Le Gouvernement du Mali réaffirme sa ferme volonté de poursuivre sa coopération avec tous les mécanismes des droits de l’Homme. Il en appelle à une intensification des efforts et des synergies afin que la crise malienne qui est devenue aujourd’hui la crise au Sahel ne prenne, demain, des proportions plus larges susceptibles de compromettre la sécurité internationale.
Madame la Présidente,
Excellences, mesdames et messieurs,
Pour terminer, je voudrais renouveler la gratitude des autorités de mon pays à la communauté internationale pour son appui multiforme à l’endroit du Mali.
Je vous remercie.