(CROISSANCEAFRIQUE)- Faut-il repenser la notion de légalité ? La légalité qui renvoie à la loi donc à un code de vie et des règles approuvées par la « majorité » constitue un moyen souvent utilisé par les dirigeants du monde entier pour justifier des comportements ubuesques parfois en déphasage avec les aspirations populaires.
Le premier maillon de la réflexion qui me vient à l’esprit est la manière dont cette problématique de la légalité est traitée par les peuples dans les questions liées à l’ exercice démocratique.
Un petit exposé mathématique dans l’exemple qui suit:
Population du pays: 20 millions d’ habitants
Inscrits sur les listes électorales: 3 millions
Bulletins nuls: cent mille
Votants 2 900 000
Majorité 1500 000 soit 51,7.%
Minorité 1 400 000 soit 48,3.%
Avec un suffrage de 1500 000 personnes sur une population totale de 20 000 000 soit 7,5%, le vainqueur s’arroge théoriquement la légalité et se croit fondé pour poser des actes (modification constitutionnelle, decrets, lois, arrêtés, ordonnances etc..) qui sont parfois antidémocratiques parce que non conformes aux intérêts des populations.
L’ on peut nous rétorquer que sur les 20 millions d habitants, beaucoup ne sont pas en âge de voter puisque la majorité électorale est fixée par exemple à 18 ans voire 21 ans ou que les autres ont eu tord de ne pas aller exprimer leur droit citoyen et que « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Certes..
Cependant concernant le premier cas relatif à la majorité électorale, il existe une anomalie notamment en Afrique où plus de 60% de la population a moins de 24 ans.
Sur le second, l’erreur vient en partie des États qui, en lieu et place de développer des stratégies offensives à savoir aller vers le citoyen pour le motiver à voter, restent souvent sur la défensive souvent pour des raisons de calculs électoraux opportunistes.
Dans un tel contexte et vu l’etat peu reluisant de la gouvernance dans le monde et les nombreuses incertitudes liées aux enjeux de pouvoir, il est grand temps de repenser ce terme légalité qui doit de plus en plus laisser la place au terme légitimité..
La démocratie basée sur des majorités mécaniques deviendra de plus en plus révolue car peu porteuse de larges consensus. Elle est parfois préfabriquée en tenant compte des trafics d’ influence exercés sur les votes exacerbés par la pauvreté et par l’ analphabètisme.
Elle ne garantit pas non plus des concertations de qualité au regard des accointances notées entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire
Les systèmes démocratiques sont grippés et les modes de gouvernance périmés.
Le monde est gouverné par des minorités.
Encore une fois, les citoyens ne se reconnaissent plus dans des institutions anachroniques et ne trouvent plus d’intérêt à participer activement au jeu démocratique.
Des forcing sont souvent notés dans la conduite des politiques publiques: un exemple patent : la difficile réforme des retraites en France. Des pans entiers du pays ne veulent pas de la réforme mais le Gouvernement entend la finaliser.
Il est grand temps de trouver une solution à la problématique.
La solution structurelle pourrait consister à mettre fin à la crise de confiance entre Etats et administrés en passant d’une légalité forcée à une légitimité naturelle.
NOS PROPOSITIONS
Imaginer un nouveau système institutionnel dans lequel le peuple se reconnaîtra. Les organes fondamentaux dans l’exercice démocratique devraient être repensés. Voici quelques axes ci après
1 assurer la promotion d’ une justice indépendante et impartiale et un meilleur encadrement des processus de contrôle du fonctionnement des institutions. A cette fin, nous proposons :
a) la mise en place d’un organe indépendant inamovible qui pourrait être appelé » Le consensus des vertueux » qui regrouperait un nombre restreint de personnalités hautement reconnues pour leur probité, leur intégrité et leur compétence.
Ces personnalités élues au suffrage universel direct seront inamovibles et auraient entre autres mission de veiller au bon fonctionnement éthique des Institutions
b) la désignation au suffrage universel direct des membres des principaux organes judiciaires (cour Constitutionnel et cour suprême et parquet financier ) de manière à garantir leur indépendance.
Au plan purement pratique, les axes suivants pourraient être envisagés:
2 Digitaliser au maximum les enjeux liés à la participation des citoyens à l’exercice démocratique. Tâter en permanence le pouls des populations en utilisant de manière massive les réseaux sociaux et les Ntic. Digitaliser le vote grâce aux smartphones. Quasiment toute la population mondiale a son téléphone portable. Les pays devraient réfléchir à des plate-formes électroniques sécurisées connectées directement aux smartphones des citoyens afin de faciliter un dialogue permanent direct sous forme de consultation sur la qualité des personnalités à élire et les réformes et projets à entreprendre. Ces référendums virtuels devraient être démultipliés. Ces nouveaux processus seront par ailleurs plus économiques en deniers publics.
3 Il faut revoir à la baisse l’âge de la maturité démocratique qui plus est dans un monde où les citoyens deviennent de plus en plus précocement avertis du fait des Nouvelles Technologies de l’ Information et de la Communication, du caractère globalisé du monde et d’un savoir de plus en plus accessible grâce aux réseaux sociaux .
4 Rajeunir les conditions d’ accès aux postes de responsabilités. Cela permettra de résoudre la problématique liée au déphasage entre les visions de gouvernants, d’un âge assez avancé et des aspirations d’ une jeunesse ambitieuse, formatée par la modernité
5 Dans certaines matières fondamentales dans la vie du citoyen, codifier dans les parlements des consensus minimums nécessaires en deçà desquels aucune approbation de texte n’est possible.
6 renforcer les politiques de lutte contre l’ analphabétisme et la pauvreté.
Magaye GAYE
ÉCONOMISTE INTERNATIONAL