L’avènement de Donald Trump à la tête des États-Unis pour un second mandat a au moins le mérite de mettre en lumière les différentes vulnérabilités du monde. La facilité avec laquelle le locataire de la Maison-Blanche remet en cause l’ordre mondial actuel, en générant injustices et désarroi, tout en soulevant un tollé général, devrait pousser les stratèges du monde à une réflexion approfondie sur l’avenir de notre humanité.
Face aux défis multiples auxquels nous sommes confrontés, il est essentiel de revisiter plusieurs problématiques majeures :
- La concentration de la production d’énergie, d’engrais et de blé autour de l’Ukraine et de la Russie
Le monde a privilégié une solution de facilité en se reposant massivement sur ces deux pays pour l’approvisionnement en énergie, en engrais et en blé, sans tenir compte de l’adage selon lequel « il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier ». Avant le conflit en Ukraine, la Russie et l’Ukraine représentaient ensemble environ 30 % des exportations mondiales de blé. La guerre en Ukraine a révélé à quel point l’appareil de production mondial était vulnérable, car une grande partie des matières premières provenait d’une seule région. Cette guerre a alimenté les tensions inflationnistes mondiales, affectant les prix des denrées alimentaires et de l’énergie. - La délocalisation massive des industries vers la Chine
La Chine est devenue « l’usine du monde » en raison des nombreuses délocalisations d’entreprises occidentales vers son territoire. En 2022, la Chine représentait 12,7 % du commerce mondial. De nombreux pays développés s’y approvisionnent en biens manufacturés, rendant leurs économies dépendantes des chaînes d’approvisionnement chinoises. La pandémie de COVID-19 a démontré le danger de cette dépendance, mettant en péril la viabilité de leurs économies. - La dépendance excessive au leadership américain
Sur les plans financier, social et militaire, les États-Unis restent l’acteur dominant, bien que leur PIB ne représente qu’environ 25 % du PIB mondial. En 2024, le PIB des États-Unis s’élevait à 29 168 milliards de dollars, soit environ un quart du PIB mondial. Une grande partie des États, de leurs secteurs privés et de leurs sociétés civiles dépendent des programmes d’aide américains comme ceux de l’USAID. Même l’OTAN, censée être une alliance multinationale, a pratiquement sous-traité sa sécurité aux États-Unis. En 2015, alors que les États-Unis représentaient 45,9 % du PNB des membres de l’OTAN, leur budget de la Défense comptait pour 71,9 % du total de ses membres. Le nouveau président américain exige des alliés de l’OTAN qu’ils augmentent leurs contributions et cessent de compter sur l’assistance américaine. - L’Afrique, un paradoxe de richesse et de pauvreté
Le continent le plus riche en ressources naturelles est paradoxalement le plus pauvre en raison de la corruption de ses élites et de leur connivence avec les cercles politiques mondiaux. Chaque année, entre 50 et 100 milliards de dollars sont illégalement détournés, fragilisant ainsi plus d’un milliard de personnes. Les tendances décisionnelles des puissances économiques mondiales ne considèrent pas encore à sa juste valeur un continent pourtant considéré comme le véritable relais de croissance de demain et le fournisseur de matières premières. À cela s’ajoutent les biens mal acquis issus de la colonisation, que l’Occident refuse toujours de restituer. - Le conflit interminable au Proche-Orient
Ce conflit, qui mobilise une part considérable des efforts mondiaux, reste sans issue concrète et continue d’exacerber les tensions internationales.
Face à ces vulnérabilités, les prises de position de la nouvelle administration américaine devraient inciter le monde à réfléchir à la consolidation d’un second pôle de puissance universelle, afin de limiter la suprématie des États-Unis. Il ne s’agit pas de retourner à la guerre froide, mais plutôt de favoriser l’émergence d’un contrepoids, à l’image des BRICS, dans le cadre d’une confédération d’intérêts géopolitiques. Une alliance stratégique temporaire, d’une durée de cinq ans, pourrait être envisagée entre les BRICS et certaines nations occidentales, formant ainsi une « Alliance pour l’Équilibre Mondial ».
Il est également impératif de repenser les systèmes politiques pour garantir l’existence de véritables contre-pouvoirs capables de limiter les décisions unilatérales des chefs d’État.
Enfin, il est crucial de casser les concentrations oligopolistiques à l’échelle économique et financière, et de réformer en profondeur le capitalisme mondial. Cela implique des relocalisations industrielles, une meilleure régulation des flux financiers des multinationales, ainsi qu’une réforme des marchés financiers et des systèmes de gouvernance globale.
Le monde ne peut plus se permettre d’être prisonnier de ces déséquilibres structurels. Il est temps d’agir.
Magaye Gaye