(Tribune) : « Accélérer la mise en œuvre du contenu local pour transformer l’économie minière du Mali »

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(CROISSANCE AFRIQUE)- Dans un contexte où l’or, le lithium et les autres ressources minières représentent plus de 70 % des exportations du Mali, la question n’est plus de savoir si le contenu local est nécessaire, mais comment le rendre réellement opérationnel pour qu’il constitue un levier de transformation économique, d’emploi et de souveraineté industrielle.

Aujourd’hui, les sociétés minières injectent chaque année environ 1 000 à 1 200 milliards de FCFA dans l’économie nationale sous forme de biens, services et travaux. Pourtant, moins de 25 % de cette dépense locale bénéficie effectivement aux entreprises maliennes selon les estimations sectorielles. Le manque de certification, de normalisation, de compétences techniques et de structuration limite l’accès des PME nationales aux opportunités offertes par l’industrie.

Pour changer ce paradigme, un pas décisif est indispensable : recenser, diagnostiquer et certifier les entreprises locales, afin d’alimenter une base de données fiable des prestataires éligibles au programme de contenu local. C’est une urgence économique.

  1. Recenser les entreprises locales : une étape fondatrice pour connaître nos capacités réelles

Le Mali compte aujourd’hui plusieurs centaines d’entreprises actives dans la construction, la logistique, la mécanique industrielle, l’électricité, l’environnement, la restauration, le transport et d’autres services directement liés aux besoins des mines.

Mais aucune cartographie exhaustive, à jour, certifiée n’existe.

Or, sans cette visibilité :
• les sociétés minières hésitent à contracter localement,
• les banques ne financent pas les PME parce que leur niveau technique est imprécis,
• le gouvernement ne peut pas planifier efficacement les actions de renforcement de capacités,
• les entreprises locales elles-mêmes ne connaissent pas les exigences exactes de l’industrie.

Un recensement national permettrait non seulement d’identifier les acteurs, mais aussi de mesurer le taux réel de substitution d’importations possible dans la chaîne d’approvisionnement minière.

Chaque point de pourcentage gagné dans la substitution représente environ 10 à 12 milliards FCFA captés chaque année par des entreprises maliennes.

  1. Un diagnostic technique rigoureux : la clé pour transformer nos PME en champions nationaux

Après le recensement doit venir un diagnostic par filière, couvrant notamment :
• les capacités de production ou de prestation,
• la maîtrise des normes internationales (ISO, HSE, environnement),
• la gouvernance interne,
• la gestion financière,
• la sécurité et la conformité,
• la technologie utilisée,
• le capital humain.

Ce diagnostic doit permettre de classer les entreprises en trois catégories :
1. Éligibles immédiatement aux prestations minières ;
2. Éligibles après mise à niveau ciblée (infrastructures, formation, normes, outils numériques) ;
3. Non éligibles mais orientées vers d’autres segments.

C’est le seul moyen d’établir une liste précise d’entreprises compétitives et sécurisées pour intervenir dans des environnements miniers à hauts standards opérationnels.

  1. Mettre en place un Programme national de mise à niveau des PME minières

Le diagnostic doit déboucher sur un programme national de mise à niveau, financé conjointement par :
• les sociétés minières (obligation de contenu local),
• l’État (fonds de développement, incitations du Code minier),
• les partenaires techniques,
• les banques locales (via un Fonds de garantie minier).

L’objectif doit être clair : accompagner au moins 200 entreprises maliennes en 3 à 5 ans pour atteindre les standards internationaux.

Les résultats attendus :
• Création de 8 000 à 10 000 emplois directs et induits,
• Augmentation du taux de contenu local de 25 % à 50 %,
• Réduction des importations de biens et services miniers de 200 à 300 milliards FCFA par an,
• Renforcement du tissu industriel national,
• Émergence d’un marché sous-régional du contenu local, où le Mali pourrait devenir un pôle de référence grâce à son expérience et son savoir-faire.

  1. La certification : condition indispensable pour sécuriser les partenariats et crédibiliser les entreprises locales

Les sociétés minières opèrent dans un environnement où la responsabilité sociale, l’environnement, la sécurité et la gouvernance sont strictement encadrées.
Pour intégrer leurs chaînes d’approvisionnement, les entreprises maliennes doivent obtenir des certifications reconnues :
• ISO 9001 (qualité),
• ISO 14001 (environnement),
• ISO 45001 (sécurité),
• Ou des certifications sectorielles spécifiques (maintenance, transport, génie civil).

C’est pourquoi il est indispensable que le gouvernement, les chambres consulaires et les mines mettent en place une cellule nationale de certification, pour réduire les coûts et accompagner les entreprises dans ce processus.

Un mécanisme de certification accélérée permettrait d’intégrer immédiatement 50 à 80 entreprises dans les chaînes d’approvisionnement stratégiques.

  1. Pourquoi ce processus est une urgence nationale

a) Pour l’économie nationale

Chaque année de retard représente une perte potentielle de 100 à 150 milliards FCFA de valeur ajoutée nationale.

b) Pour les communautés locales

Plus les entreprises locales sont intégrées, plus les revenus, emplois et opportunités restent dans les régions minières.

c) Pour les sociétés minières

Un tissu local performant réduit les coûts d’importation, améliore les délais d’intervention et renforce l’acceptabilité sociale des projets.

d) Pour l’État

Une offre locale qualifiée augmente les recettes fiscales, la formalisation et l’industrialisation.

  1. Appel urgent : lancer immédiatement le processus de recensement, diagnostic et certification

Le ministère en charge des Mines, les organes de mise en œuvre du contenu local et les chambres consulaires doivent, sans aucun délai :
1. Lancer officiellement le recensement national,
2. Déployer des équipes de diagnostic dans toutes les régions,
3. Créer une base de données publique (minière, transparente, mise à jour),
4. Mettre en place un programme de mise à niveau,
5. Instaurer un système de certification nationale,
6. Publier la liste des entreprises éligibles au contenu local.

C’est un chantier structurant pour notre économie.
C’est également un signal fort envoyé aux investisseurs : le Mali veut bâtir une industrie minière compétitive, inclusive et créatrice de valeur locale.

Conclusion : Le contenu local n’est pas une contrainte : c’est une chance historique

Le Mali dispose d’un potentiel minier exceptionnel. Mais sans un tissu d’entreprises locales qualifiées, ce potentiel ne deviendra jamais un moteur de transformation économique durable.

Le recensement, le diagnostic, la certification et la mise à niveau doivent constituer le socle de la nouvelle génération de politique minière.
C’est dans l’intérêt :
• de l’État,
• des investisseurs,
• des communautés,
• et surtout du Mali tout entier.

Il est temps d’agir. Maintenant.

H. Niang
Citoyen lambda

croissanceafrik
croissanceafrikhttp://croissanceafrique.com
Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne dont un mensuel disponible dans les kiosques à journaux) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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