(CROISSANCE AFRIQUE)-Au Mali, le Fonds monétaire international (FMI) a récemment conclu le premier examen du Programme de suivi par les services, un dispositif majeur adopté en mars 2025 avec pour objectif d’accompagner le Mali durant 11 mois. Ce programme a été conçu pour apporter un soutien précieux dans un contexte économique, budgétaire et sécuritaire particulièrement tendu et complexe.
La mission, qui a été conduite de manière virtuelle du 10 au 21 novembre par la spécialiste Wenjie Chen, a dressé un bilan contrasté de la situation actuelle : d’une part, l’économie malienne subit de multiples chocs et défis considérables, mais d’autre part, la mise en œuvre des réformes cruciales et nécessaires demeure solide et continue de progresser.
L’année 2025 aura été particulièrement difficile pour le Mali, marqué par des défis nombreux et variés. Les perturbations de l’approvisionnement en carburant, qui sont directement liées à une insécurité persistante, ont gravement ralenti la mobilité et freiné l’activité économique à travers l’ensemble du pays, exacerbant les difficultés préexistantes.
Par ailleurs, le pays a subi une baisse notable de la production d’or, ce qui a compromis l’une de ses sources de revenus vitales. À cela s’ajoutent des coupures d’électricité récurrentes qui ont perturbé la vie quotidienne des citoyens maliens et la gestion des entreprises. La situation a été aggravée par une réduction significative de l’aide au développement et de l’aide humanitaire, accentuant la vulnérabilité du pays face aux nombreux défis auxquels il doit faire face.
Le Fonds monétaire international (FMI) anticipe désormais une croissance économique qui devrait se limiter à un taux de 4,1 % dans l’année 2025, alors qu’auparavant, les prévisions annonçaient une croissance plus optimiste de 5 %, tel que révélé dans la dernière édition des Perspectives économiques régionales. Dans ce contexte, et en dépit de ces prévisions ajustées à la baisse pour l’année 2025, l’inflation est attendue pour se maintenir en dessous des 3 %, ce qui montre une certaine stabilité des prix, même au sein d’une économie en ralentissement.
Ce rythme de croissance, qui est sensiblement inférieur aux performances observées au cours des dernières années, trouve ses causes dans plusieurs facteurs complexes : une demande interne qui se révèle relativement faible, la fragilisation progressive du tissu industriel et productif, et par ailleurs, une montée inquiétante des risques qui menacent les secteurs clés de l’économie, créant ainsi un paysage économique incertain et fragile.
Cependant, selon les prévisions du FMI, un rebond de l’économie pourrait se profiler dès l’année 2026, sous l’effet d’une reprise progressive de l’activité dans le secteur de la production aurifère, un des moteurs économiques du pays, ainsi que grâce à une amélioration attendue de la situation sécuritaire dans les régions clés.
Cette combinaison de facteurs favorables pourrait ainsi permettre au Produit Intérieur Brut (PIB) de croître de 5,5 %, marquant une reprise significative par rapport à l’année précédente. De plus, l’inflation devrait se stabiliser et être ramenée à environ 2,5 %, indiquant une gestion efficace des prix et des politiques économiques propices à la stabilité et au retour de la confiance dans l’économie nationale.
Cependant, un avertissement important de l’institution est à prendre en compte : les risques associés à la situation actuelle demeurent clairement orientés à la baisse. En effet, toute éventuelle dégradation supplémentaire de la sécurité civile, tout choc inattendu sur les prix des ressources de base comme les matières premières, ou encore un recul notable dans le domaine de l’aide extérieure, pourraient potentiellement compromettre le scénario envisagé de développement et de stabilité économique.
Le projet de budget pour l’année 2026 s’inscrit résolument dans la trajectoire établie par les orientations communautaires, notamment avec un objectif clair de ramener le déficit budgétaire à 3 % du Produit Intérieur Brut, conformément aux règles strictes fixées par l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Pour atteindre cette performance notable, des efforts considérables seraient nécessaires, notamment par une mobilisation optimisée et accrue des recettes fiscales, ainsi qu’une discipline rigoureuse et inflexible en matière de gestion des dépenses courantes de l’État.
Néanmoins, les marges de manœuvre budgétaires disponibles sont pratiquement inexistantes, créant ainsi une situation de forte contrainte. Le service de la dette nationale, qui engloutit progressivement une part croissante et préoccupante des ressources financières publiques disponibles, accentue cette pression budgétaire.
Aussi, le contexte sécuritaire, qui demeure incertain et exigeant, impose aux autorités publiques des dépenses qui ne peuvent être comprimées ou soumises à des restrictions, limitant ainsi les possibilités d’ajustement. Par ailleurs, un soutien budgétaire extérieur qui reste remarquablement faible ne fait qu’aggraver la tension déjà palpable sur les équilibres financiers du pays, rendant la situation encore plus complexe à gérer pour les responsables politiques et économiques.
Malgré les nombreux chocs et perturbations économiques ayant un impact potentiel sur la stabilité du pays, le Fond Monétaire International a noté avec satisfaction que les autorités maliennes ont réussi à respecter la quasi-totalité des objectifs quantitatifs qui avaient été fixés pour le mois de septembre, tout en atteignant l’ensemble des objectifs structurels prévus. La gouvernance budgétaire demeure un axe prioritaire essentiel, permettant de garantir une gestion efficace des ressources financières.
Dans ce cadre, Bamako a pris des mesures significatives, telles que la publication du premier rapport détaillé concernant l’utilisation des financements reçus en avril 2025 au titre de la Facilité de crédit rapide. Ce rapport comprend des informations importantes, notamment sur les marchés publics et la propriété effective des bénéficiaires de ces financements.
Ce geste de transparence, qui a été salué chaleureusement par les partenaires internationaux du Mali, vise à renforcer la crédibilité du pays, particulièrement dans un contexte global où les financements extérieurs se font rares et sont de plus en plus conditionnés à des critères rigoureux. Cette initiative représente une avancée importante vers une meilleure transparence et responsabilité dans la gestion des aides internationales accordées, aidant ainsi le pays à se positionner de manière plus favorable sur la scène économique mondiale.
Pour les mois à venir, le Fonds Monétaire International (FMI) met en lumière plusieurs urgences critiques qui demandent une attention prioritaire. Ces priorités cruciales incluent la nécessité de résoudre les perturbations actuelles de la distribution de carburant, un défi majeur qui nécessite des solutions rapides et efficaces afin de stabiliser l’activité économique dans son ensemble et de contenir les coûts croissants que doivent supporter les ménages ordinaires et les entreprises de toutes tailles.
En parallèle, il est impératif de procéder à un élargissement substantiel de l’assiette fiscale, accompagné d’un renforcement significatif de l’administration douanière et fiscale, dans le but de garantir des recettes domestiques plus robustes et pérennes. En outre, l’amélioration de l’efficience de la dépense publique doit être vigoureusement poursuivie, tout en maintenant une vigilance stricte sur les vulnérabilités potentielles des entreprises publiques. Malgré les rigidités budgétaires actuelles, il reste essentiel de préserver les capacités d’investissement ainsi que les filets de sécurité sociale, qui jouent un rôle crucial dans le soutien des populations vulnérables.
Durant cette mission virtuelle particulièrement significative, l’équipe dévouée et attentive du FMI a eu l’opportunité d’échanger de manière interactive et constructive avec une variété d’acteurs clés, incluant le ministre influent de l’Économie et des Finances, Alousséni Sanou, la représentation nationale de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), ainsi que les directions sectorielles de premier plan. Les dialogues ont également inclus divers partenaires au développement et des représentants du secteur privé, dont l’engagement est essentiel.
Notons que ces discussions riches et approfondies visent à permettre la finalisation précise et méticuleuse de l’évaluation du premier examen, tout en ajustant judicieusement le programme de réformes pour répondre aux défis économiques actuels et futurs.
Korotoumou Sylla

