(CROISSANCE AFRIQUE)-Le rapport de la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (FERDI) met en lumière une problématique cruciale et souvent négligée : l’aide internationale à l’adaptation au changement climatique, qui se matérialise principalement par des dons et des prêts à taux d’intérêt concessionnels, ne bénéficie pas de manière équitable à tous les pays.
Ce soutien financier se concentre majoritairement sur les nations à revenu intermédiaire, qui ont les moyens de gérer des projets ambitieux d’adaptation et de résilience face aux effets dévastateurs du changement climatique. En revanche, les pays à faible revenu (PFR), qui sont souvent trop endettés et financièrement précaires pour envisager d’emprunter des fonds supplémentaires pour ces initiatives, n’ont réussi à capter qu’une infime proportion, soit seulement 15 %, des flux de financements internationaux qui leur sont destinés entre 2019 et 2023.
Cette révélation alarmante, énoncée dans un rapport publié le mercredi 10 décembre 2025, souligne une inégalité criante dans la répartition des ressources nécessaires à la lutte contre les défis environnementaux. Intitulé « La finance internationale pour l’adaptation au changement climatique face aux besoins des pays en développement », le rapport de la FERDI repose sur une analyse exhaustive d’une base de données qui embrasse les flux financiers alloués à l’adaptation face au dérèglement climatique. Cette base de données inclut des informations provenant à la fois d’institutions internationales réputées et de bailleurs de fonds bilatéraux, ce qui confère une profondeur et une crédibilité à ses conclusions sur la période indiquée.
Si ces flux financiers se sont élevés à un impressionnant montant de 40,1 milliards de dollars américains en moyenne par an au cours de cette période, il est remarquable que les Partenariats Financiers de Réduction (PFR) n’aient pu obtenir sur ce total qu’une somme bien plus modeste, avec une moyenne annuelle de seulement 6 milliards de dollars américains.
Cette situation souligne l’importance de l’aide, qui, comprenant les dons ainsi que les prêts à conditions privilégiées, représente un chiffre significatif de 23,7 milliards de dollars américains, ce qui équivaut à 59,1 % du total des ressources qui ont été consacrées à l’adaptation durant les cinq années examinées. De plus, il faut noter que les prêts non concessionnels se sont élevés à 15,8 milliards de dollars américains, une somme qui reflète également la pression croissante sur les ressources financières dédiées à ce domaine crucial.
En outre, un reliquat d’environ 0,6 milliard de dollars américains en moyenne est constitué par d’autres instruments de financement, tels que les prises de participations ainsi que des prêts pour lesquels la nature concessionnelle reste indéterminée. Dans un contexte plus large, le financement international destiné à l’adaptation prend majoritairement la forme de prêts, représentant 62 % du total, ce qui est notamment dû au rôle prépondérant des institutions financières multilatérales qui sont responsables de 64 % de l’ensemble des flux de financements.
L’évolution des trois catégories de flux au cours de la période 2019-2023 a suivi des trajectoires sensiblement distinctes. Les dons, dont le montant moyen s’est établi à 14,6 milliards USD par an, ont stagné durant les trois premières années de ce quinquennat. Ils ont ensuite enregistré une nette augmentation en 2022, atteignant 17,7 milliards USD, avant de connaître un recul à 16,4 milliards USD en 2023. Les prêts concessionnels, qui représentent une forme essentielle de financement destiné à soutenir les initiatives de développement, se sont établis à une moyenne annuelle impressionnante de 9,1 milliards USD.
Cependant, il est important de noter qu’ils ont montré une variabilité significative d’une année à l’autre, fluctuant entre un minimum de 5,1 milliards USD et un maximum de 12,5 milliards USD, ce qui souligne l’instabilité potentielle de ce type de financement face à divers facteurs économiques et politiques. À l’opposé, les prêts non concessionnels ont affiché une dynamique beaucoup plus stable, connaissant une tendance ascendante continue, passant de 13,3 milliards USD en 2019 à 19 milliards USD en 2023, illustrant un intérêt croissant pour ce type d’emprunt.
Aussi, il est crucial de reconnaître que les trois catégories de flux financiers se distinguent également en fonction des principaux bailleurs de fonds qui y participent. En ce qui concerne les dons, l’aide bilatérale prédomine légèrement, représentant 54 % du total, tandis que le financement multilatéral est prédominant dans le domaine des prêts, atteignant 58 % pour les prêts concessionnels et un impressionnant 83 % pour les prêts non concessionnels, mettant en lumière la complexité et la diversité des sources de financement disponibles.
Alors que toutes les catégories des pays en développement, y compris ceux à faible revenu, à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, et à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, reçoivent des dons dans le cadre des efforts internationaux pour soutenir leur développement, il est notable que les prêts concessionnels, qui sont souvent associés à des conditions favorables pour les emprunteurs, sont extrêmement concentrés sur les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, représentant un impressionnant 73 % de l’ensemble de ces prêts.
En ce qui concerne les prêts non concessionnels, qui sont généralement assortis de conditions plus strictes et moins favorables, la répartition est presque équitable entre les deux catégories des pays à revenu intermédiaire, avec 49 % des prêts allant à la tranche supérieure et 46 % à la tranche inférieure, ce qui montre ainsi une différenciation significative dans le traitement financier selon les catégories de revenus.
Si l’on considère la somme combinée des dons et des prêts concessionnels alloués, le rapport met en lumière un fait important : l’aide à l’adaptation climatique, vitale dans le contexte des changements environnementaux actuels, va principalement vers les pays à revenu intermédiaire. En effet, ces pays reçoivent en moyenne 11,7 milliards USD par an, une somme qui reflète l’accent mis par les donateurs sur le soutien à ces nations intermédiaires dans leur lutte contre les défis climatiques.
En revanche, les pays à faible revenu, souvent considérés comme les plus vulnérables face aux effets du changement climatique et du développement durable, n’ont reçu qu’un montant beaucoup plus limité de 5,6 milliards USD en moyenne annuelle de financements, somme qui peut être considérée comme une aide, soulignant ainsi les inégalités persistantes dans l’accès aux ressources financières nécessaires pour faire face à ces défis majeurs.
La répartition géographique des flux financiers, qu’ils soient des dons ou des prêts, diffère aussi sensiblement selon leur nature et leurs objectifs. Les engagements financiers en matière de dons sont notablement dirigés vers l’Afrique, où ils représentent une part significative de 46 %, tandis qu’une proportion plus modeste de 18 % est allouée à l’Asie.
Cette tendance souligne l’importance croissante des initiatives de support humanitaire et de développement en Afrique, où de nombreux pays bénéficient d’une aide accrue pour faire face à divers défis socio-économiques. En revanche, il est intéressant de noter que l’Asie se révèle être prédominante en ce qui concerne les prêts concessionnels, qui représentent une part de 46 %, ainsi que les prêts non concessionnels, atteignant 37 %. Ce phénomène peut être attribué à la demande soutenue de financement pour le développement d’infrastructures et de projets dans cette région dynamique.
Par ailleurs, l’Amérique latine apparaît principalement sur le créneau des prêts non concessionnels, illustrant ainsi le rôle unique de cette région dans le paysage financier mondial, tandis que l’Océanie se distingue par le fait qu’elle reçoit principalement des dons, soit à des fins de développement durable, soit pour renforcer des systèmes de soins.
En examinant la période de 2019 à 2023, il est évident que les pays asiatiques ont été les principaux bénéficiaires de ces flux financiers, avec l’Inde qui s’est vu allouer une somme considérable de 2,1 milliards USD, suivie de près par d’autres nations telles que le Bangladesh, l’Indonésie, les Philippines et le Pakistan, chacun ayant reçu plus de 1 milliard USD par an. Cela témoigne des efforts continus pour soutenir le développement économique et social dans ces pays en pleine croissance.
Dans l’analyse des bénéficiaires, il est intéressant de noter qu’au sein des quinze bénéficiaires répertoriés, seuls trois pays se distinguent comme étant parmi les moins avancés (PMA), tandis que l’on trouve également quatre pays d’Afrique subsaharienne, dont, fait remarquable, un seul représentait la catégorie des pays à faible revenu, à savoir l’Éthiopie. Ce constat soulève des questions sur les mécanismes de distribution des ressources financières et leur impact sur les pays les plus vulnérables. Par ailleurs, en ce qui concerne la répartition des flux accordés par habitant, il est frappant de constater que la région de l’Océanie a reçu les flux les plus élevés, atteignant en moyenne 55,5 dollars par an durant la période allant de 2019 à 2023.
Notons que la région de l’Amérique latine et des Caraïbes se retrouve largement en retrait, avec un montant moyen de seulement 11,4 dollars par an, suivie de près par l’Europe avec 10,9 dollars en moyenne par an, alourdissant ainsi la comparaison avec l’Afrique qui, quant à elle, a perçu un montant plus modeste de 9,7 dollars en moyenne par an. Pendant ce temps, il est également préoccupant de constater que les pays en développement d’Asie n’ont perçu qu’un montant dérisoire, ne dépassant pas en moyenne 3 dollars.
Pour rappel , ce tableau met en lumière les inégalités flagrantes qui existent dans la distribution des flux d’aide, soulevant des défis importants pour le développement durable et l’élimination de la pauvreté à l’échelle mondiale.
Daouda Bakary KONÉ

