Une juge canadienne a contesté, lors des dernières audiences à Vancouver jeudi 12 août 2021, la validité des demandes américaines à l’encontre de Meng Wanzhou.
La directrice financière du géant chinois des télécommunications Huawei a été arrêtée à l’aéroport international de Vancouver en décembre 2018, suite à une demande des États-Unis, pour avoir prétendument fraudé la banque HSBC au sujet des transactions de Huawei en Iran, ce que Mme Meng Wanzhou a nié. Selon l’accusation, elle aurait trompé les banquiers en 2013 dans une présentation sur les relations de Huawei avec une société basée en Iran nommée Skycom, et aurait potentiellement amené la banque à violer les sanctions américaines.
Plusieurs questionnements de la juge et de la juge en chef adjointe
Pour l’avocat de la défense, Maître Eric Gottardi, les cas de fraudes impliquent généralement qu’une victime se fait délester de son argent. Or, dans le cas de Mme Meng Wanzhou, « la théorie de la perte économique subie par HSBC est totalement illusoire et imparfaite », selon l’avocat, ajoutant que l’affaire américaine était basée sur « des théories vagues et changeantes ».
La juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique présidant l’audience d’extradition a remis en question les propos d’un représentant du gouvernement fédéral qui a affirmé que le cas de Madame Meng Wanzhou n’était pas unique.
Plus surprenant encore, Heather Holmes, la juge en chef adjointe de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, a braqué les projecteurs sur HSBC, cible présumée de la fraude bancaire au centre de cette affaire, en remettant ouvertement en question le fait que la banque soit considérée comme « victime ou complice ». La juge de Vancouver a semblé s’attaquer au cœur même de la position américaine, qualifiant l’affaire « d’inhabituelle ».
Des documents de HSBC obtenus par la défense n’ont pas été pris en compte lors des audiences
Au début du mois de juillet, l’équipe juridique de Mme Meng Wanzhou a tenté de demander l’ajout d’une série de documents montrant qu’au moins deux hauts dirigeants de HSBC étaient au courant des relations entre Huawei et Skycom en tant que preuves dans le cadre de sa demande d’extradition, mais la cour a refusé.
Selon l’entreprise chinoise, les documents montraient que HSBC était au courant des relations commerciales entretenues par Huawei en Iran, prouvant ainsi que la version américaine de l’affaire était « manifestement peu fiable ». Sous la menace de poursuites judiciaires et de la révocation de l’accord de partenariat public-privé pour ses propres actes répréhensibles, la décision de la banque de se conformer aux sanctions américaines était compréhensible compte tenu du risque élevé de voir ses activités mises à l’arrêt.
Mme Meng Wanzhou apparaît de plus en plus comme l’otage politique de la rivalité sino-américaine
L’un des avocats de Mme Meng Wanzhou, Richard Peck, affirme que cette affaire est motivée par des raisons politiques et ternit la souveraineté judiciaire du Canada, la directrice financière de Huawei ayant été utilisée par l’ancien président américain Donald Trump comme monnaie d’échange.
Dans les prochains jours, Mme Holmes, qui préside l’affaire, décidera probablement de recommander ou non l’extradition de Meng Wanzhou vers les États-Unis, avant que le Ministre canadien de la Justice, David Lametti, ne prenne la décision finale.
Notons quelL’absence de preuve contre Mme Meng Wanzhou, le rejet des documents obtenus par la défense et les reports successifs d’audiences confirment s’il le fallait l’embourbement diplomatique du Canada dans une guerre politique entre les États-Unis et la Chine.