Afrique de l’Ouest et la montée de l’Etat Islamique au Sahel

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Le commandement central de l’EIIL (Daech) et d’Al-Qaida étant affaibli, les cellules africaines des deux groupes jouent désormais un rôle essentiel malgré leur autonomie croissante, en particulier dans le contexte des enjeux locaux.


La zone d’opérations du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, QDe.159) s’étend et se renforce au-delà du Mali, en particulier au Burkina Faso. Se positionnant comme un acteur politique, le GSIM exerce une pression accrue sur les autorités locales, son objectif étant de s’assurer un rôle en cas de négociations.

Le GSIM adopte donc une stratégie qui, sans s’écarter de la doctrine d’Al-Qaida, s’éloigne effectivement du groupe au niveau local. À cet égard, il importe de noter que le GSIM n’utilise pas systématiquement le drapeau d’Al-Qaida dans ses communications ou sur le champ de bataille, mais affiche plutôt sa propre bannière pour marquer sa singularité.


 30. Le GSIM s’est heurté à certaines difficultés. Le groupe recrutant dans diverses communautés, il a la tâche difficile de gérer des intérêts pouvant diverger d’un groupe ethnique à un autre. Le maintien de la cohésion et de la cohérence est devenu une priorité pour ses dirigeants. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, le GSIM ne semble pas, pour l’heure, en mesure de contrer les ambitions expansionnistes de l’État islamique du Grand Sahara (EIGS, QDe.163) dans la zone des trois frontières entre le Burkina Faso, le Mali, et le Niger.

Malgré la mobilisation de plusieurs katibas, ou bataillions (Tombouctou, Gao et Kidal au Mali ; Gourma au Burkina Faso), et le soutien de milices touaregs non terroristes, le groupe subit de lourdes pertes et semble désormais incapable de résister à la progression constante de l’EIGS.

 31. L’affaiblissement du GSIM dans l’est face à cette progression contraste avec le renforcement de sa position au Burkina Faso et dans le centre du Mali. Le groupe a achevé son avancée dans les régions de Kayes, de Koulikoro et de Sikasso en encerclant la capitale malienne, ce qui lui a permis de consolider son contrôle sur la zone située entre la capitale et les frontières occidentale et méridionale. Il a renforcé son autorité au Mali par l’intermédiaire de plusieurs katibas (Tombouctou, Kidal et Gao), qui réaffirment leur influence politique locale par l’arbitrage des conflits, le maintien de l’ordre et le règlement des différends communautaires.

La Katiba du Macina (non inscrite sur la Liste, mais fondée par Amadou Koufa, QDi.425, et mentionnée dans l’entrée de la liste concernant ce dernier) exploite les faiblesses de l’armée malienne et assoit sa position malgré la présence accrue d’acteurs internationaux non étatiques, qui semblent incapables d’inverser cette tendance malgré les opérations en cours.

Le centre du Mali reste une base d’opérations sûre pour l’action menée au Burkina Faso et dans la partie sud du Sahel.

 32. Quasi-autonome, la Katiba du Macina représente pour le GSIM une force importante et décisive. L’action qu’elle mène en coopération avec Ansaroul Islam (non inscrit sur la Liste) au Burkina Faso a bénéficié de conflits locaux non résolus et de la stigmatisation croissante des Peuls. Il est donc parfois difficile de faire la distinction entre les offensives du GSIM et les affrontements entre les populations locales. 

33. Le GSIM maintient une pression constante sur les forces burkinabé dans les régions frontalières du sud du Burkina Faso et cherche à renforcer ses positions, notamment dans le nord-est du Bénin, à la frontière avec le Niger, et au Togo. 

34. L’EIGS joue un rôle central dans la réalisation des objectifs fondamentaux de l’EIIL, malgré les pertes importantes subies parmi ses dirigeants à la suite des attaques du GSIM. Alors qu’il cherche à étendre son territoire pour des raisons logistiques et de recrutement, le groupe se heurte à des difficultés sur plusieurs fronts. Les combats meurtriers qui l’ont récemment opposé au GSIM et les opérations des forces internationales en 2022 et 2023 ont entraîné la perte de certains de ses dirigeants de premier plan, tels qu’Oumeya Ould Albakaye et Ousmane Illiassou Djibo (également connu sous le nom de Petit Chapori).

La structure de commandement, bien qu’actuellement incontestée, est principalement d’origine arabe. L’émir (Mohamed Ibrahim al-Salem al-Shafi’i, également connu sous le nom d’Aba al-Sahrawi, non inscrit sur la Liste) et son adjoint sont d’origine arabe, tandis que le reste des dirigeants sont des Peuls, comme le sont la plupart des combattants. Ces déséquilibres peuvent rendre le groupe vulnérable en cas de dissensions internes, ce dernier ayant du mal à fédérer les différents éléments peuls, du fait des combats fratricides qui opposent certains d’entre eux et les Peuls de la Katiba du Macina.

L’EIGS a été contraint de se battre sur plusieurs fronts à la fois, ce qui a limité ses avancées et entravé les possibilités d’approvisionnement. 

35. L’EIGS reste cependant résilient et, conscient des pertes subies, fait tout ce qui est en son pouvoir pour sortir de son isolement et étendre sa zone d’opérations. Depuis la fin de la trêve avec le Gouvernement nigérien, on assiste à une recrudescence des violences imputables à l’EIGS.

Le groupe a pris pour cible les régions de Sanam, Filingué, Tajoua et Abala au Niger, situées au nord-ouest de Niamey, avec l’intention de s’en prendre aux centres urbains. L’établissement et le renforcement d’un couloir logistique avec le Nigéria, si précaires soient-ils, permettent d’élargir le bassin de recrutement des combattants et d’assurer l’approvisionnement logistique à partir du Nigéria, possiblement grâce à une consolidation des relations avec « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » (ISWAP, QDe.162).

De nombreux États Membres affirment que la zone des trois frontières risque fort de devenir un sanctuaire et une base de recrutement susceptible de s’étendre au Nigéria. Le Mali sert toujours de base d’opérations pour l’action menée au Burkina Faso et au Niger.

 36. Enfin, au Nigéria, ISWAP, groupe dirigé par Abu Musab al-Barnawi (non inscrit sur la Liste), pose une menace croissante, la porosité des frontières avec le Niger facilitant le passage des combattants et des armes. À cet égard, un État Membre estime que la collaboration accrue entre l’EIGS et ISWAP est très préoccupante, sachant qu’elle laisse présager l’établissement d’un nouveau califat territorial.
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