Afrique du Nord: la guerre des produits agricoles entre la France et le Maroc prend de l’ampleur

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(CROISSANCE AFRIQUE)Le marché européen, avec ses 440 millions de consommateurs, attire de nombreux pays. Depuis 2012, le Maroc cherche à remplacer l’Espagne en tant que jardin de l’Europe. Cette initiative suscite le refus de certains députés de droite et d’extrême droite en France.

Ce groupe politique, qui soutient le Maroc dans le conflit du Sahara occidental et qui a influencé la politique française au Maghreb en faveur du Royaume au détriment de l’Algérie, s’aligne désormais avec les agriculteurs français clamant l’interdiction des tomates marocaines en France. Au Maroc, cette situation est perçue comme une véritable douche froide. Un texte, qui sera examiné par l’Assemblée nationale française le 6 février, vise à « interdire l’importation de produits agricoles non autorisés en France ».

Ce projet de loi pourrait cibler spécifiquement les produits agricoles en provenance du Maroc. Son auteur, le député Antoine Vermorel-Marques, membre du parti Les Républicains (droite), a exprimé des préoccupations concernant les difficultés rencontrées par les producteurs français. Selon lui, cela est dû à la présence de produits importés « ne respectant pas les normes qui leur sont imposées ».

En outre, lors d’une interview le 26 janvier avec le quotidien Le Figaro, le député a mis en lumière les risques associés à ces produits, affirmant : « En 2024, à Paris, on peut encore trouver des tomates du Maghreb, traitées au dichloropropène, une substance potentiellement cancérigène interdite depuis 15 ans en Europe ». Étant donné que la majorité des tomates importées proviennent du Maroc, l’expression « tomates du Maghreb » fait principalement référence aux importations marocaines.

Le 23 janvier, ce jeune député de la Loire a rencontré des agriculteurs qui avaient érigé un barrage près de Saint-Étienne. Dans ce contexte, il a cité des statistiques de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), affirmant que « 10 à 25 % des produits importés ne respectent pas nos normes sociales et environnementales ».

Fils d’un éleveur laitier, Antoine Vermorel-Marques se positionne clairement en faveur du monde agricole. Dans une déclaration faite à Le Figaro, il a déclaré : « C’est de la concurrence déloyale. Il ne faut pas s’étonner que nous rencontrions des difficultés économiques. Les rapports du Sénat estiment que jusqu’à 25 % des produits agricoles importés ne respectent pas nos normes sanitaires, représentant ainsi 10 milliards d’euros de pertes pour nos agriculteurs ».

En plus de son engagement pour la défense des agriculteurs, ce député de 32 ans adopte également une posture écologiste. Il a rappelé à La Croix, en mars 2024 : « Cette génération est probablement la première à avoir été éduquée à l’écologie tout en étant victime du dérèglement climatique. Elle s’interroge sur le monde qu’elle laissera à ses enfants ». En revanche, les motivations des députés d’extrême droite semblent être d’une nature plus idéologique.

En mars 2024, Hélène Laporte, députée du Rassemblement National, a interpellé la ministre de l’Agriculture lors d’une session à l’Assemblée Nationale sur l’« impact des accords UE-Maroc sur le marché français de la tomate ». Puis, en octobre 2024, elle a renouvelé son appel sur les réseaux sociaux, exigeant que la ministre mette fin à l’accord commercial qui exonère de droits de douane la tomate marocaine, accusant cela de créer une concurrence déloyale pour les agriculteurs français depuis 2012.

Ce désaccord a également permis à Hélène Laporte de prendre la présidence du groupe d’amitié parlementaire France-Maroc, une nomination qui a été perçue comme hostile par la presse marocaine. Le site H24 Info a témoigné de cette perception en publiant un titre provocateur : « Assemblée nationale : Hélène Laporte, une anti-Maroc à la tête du groupe d’amitié France-Maroc ? »

La réaction des députés français a suscité une vive controverse au sein de la presse marocaine. En février 2024, le ministre des Affaires étrangères du Maroc, Nasser Bourita, a abordé la question en mettant en lumière le déséquilibre commercial entre la France et le Maroc.

Il a souligné : « L’Union européenne réalise un excédent commercial avec le Maroc de près de 600 millions d’euros. Et c’est l’UE qui exporte le plus de produits agricoles, céréales et autres, vers le Maroc ». Concernant les allégations de non-respect des normes phytosanitaires par les agriculteurs marocains, il a réagi en affirmant : « L’Union européenne n’est pas une passoire où tout entre sans contrôle ». Alors que certains députés français adoptent les positions des agriculteurs pour des raisons écologiques, idéologiques ou opportunistes, une réalité demeure : la colère grandissante des agriculteurs français.

Au cours des dernières années, la filière française de la tomate a souffert des importations en provenance du Maroc, ce dernier bénéficiant d’un traitement préférentiel dans ce domaine. Les céréaliers, quant à eux, subissent les conséquences de l’entrée des céréales ukrainiennes sur le marché européen, et les éleveurs pourraient bientôt faire face à la concurrence de la viande en provenance du Brésil et d’autres pays du Mercosur.

La présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, a signé un accord controversé en septembre dernier à Montevideo, ce qui accroît le risque d’un divorce entre le gouvernement français et les agriculteurs. Cette situation pourrait inciter les députés des circonscriptions rurales à adopter des mesures restrictives contre les importations, mettant en œuvre divers moyens pour satisfaire aux pressions de leurs électeurs.

Notons que dans le même esprit, la pâte à tartiner algérienne El Mordjene a récemment été interdite de commercialisation par la France, suite à un règlement européen qui prohibe l’importation de produits d’origine animale de plusieurs pays, dont l’Algérie. Cet acte illustre les capacités du marché européen à contrer toute forme de concurrence. Il devrait donc mettre en garde les producteurs agricoles du Maghreb contre une confiance excessive dans les perspectives d’exportation vers l’Union européenne.

Moussa KONE

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