(CROISSANCE AFRIQUE)-En Afrique Centrale, le secteur bancaire de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) présente un niveau d’exposition souveraine sans précédent, atteignant un montant astronomique de 7 642 milliards FCFA, ce qui représente un impressionnant 405% des fonds propres nets des établissements financiers, alors que la limite réglementaire fixée par la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) est strictement établie à 25%.
Cette situation préoccupante découle d’un recours croissant des États à des financements bancaires, qui se manifeste particulièrement par l’émission de Bons de Trésor Assimilables (BTA), d’Obligations de Trésorerie à Année (OTA), ainsi que par des crédits directs accordés aux gouvernements. Au fil des dernières années, cette tendance s’est accentuée de manière significative, incitant les banques à concentrer une part majeure de leurs actifs sur des titres publics, ce qui met en danger l’équilibre prudentiel déjà fragile du système financier régional, risquant ainsi de compromettre sa stabilité.
Entre 2011 et 2024, comme l’indique le rapport détaillé de la COBAC, ces financements bancaires ont été multipliés par plus de dix, passant d’une somme modeste de 509 milliards FCFA à un impressionnant 5 752 milliards FCFA. Cette progression spectaculaire s’explique par la nécessité impérieuse pour les États de couvrir leurs déficits budgétaires, tout en veillant à assurer leurs programmes d’investissement dans un environnement économique souvent précaire et instable, marqué par des fluctuations imprévisibles. Pour les établissements bancaires, ces titres publics sont perçus comme une opportunité d’investissement essentiel, malgré les risques encourus, car ils leur permettent de générer des rendements tout en soutenant la trésorerie des États.
La COBAC, dans son analyse approfondie, insiste également sur le fait que l’exposition aux États ne met pas immédiatement en danger la solvabilité des institutions bancaires, mais qu’elle accroît indéniablement leur sensibilité aux éventuels chocs budgétaires. En effet, dans des scénarios de tensions sur la dette publique, la valeur des titres détenus par les banques pourrait connaître une diminution significative, ce qui pèserait lourdement sur les bilans bancaires, potentiellement entraînant des répercussions néfastes sur l’ensemble du système financier.
La région est encore vulnérable face à des fluctuations extérieures qui peuvent survenir de manière imprévisible, notamment la volatilité des prix des matières premières qui peuvent affecter les économies locales, ainsi que la contraction des recettes fiscales qui résulte souvent d’une économie mondiale instable. Dans ce contexte délicat, la robustesse du secteur bancaire dépendra en grande partie de la capacité des États à non seulement stabiliser leurs finances publiques, mais aussi à mettre en œuvre des politiques économiques efficaces pour rassurer les marchés.
Face à cette situation complexe et préoccupante, les autorités régionales encouragent avec insistance les banques à renforcer leurs analyses internes afin de mieux appréhender les risques potentiels et à diversifier judicieusement leur exposition pour minimiser les impacts indésirables. Le cadre prudentiel existant, qui a été conçu pour favoriser une gestion saine et rigoureuse des risques, offre effectivement des outils de suivi qui sont précieux, mais leur mise en œuvre devra être plus systématique et rigoureuse pour être réellement efficace.
Notons qu’une meilleure segmentation des risques au sein des portefeuilles bancaires permettrait ainsi de limiter considérablement les effets de contagion en cas d’incident souverain ou de crise économique, protégeant ainsi non seulement les banques elles-mêmes, mais également l’ensemble de l’économie régionale.
Moussa KONÉ

