Par Magaye GAYE
Économiste international
Ancien Cadre de la BOAD
Réuni à Dakar ce mercredi 4 juin 2025, le Comité de politique monétaire (CPM) de la BCEAO a surpris les observateurs en abaissant son taux directeur de 3,50 % à 3,25 %. Une mesure longtemps attendue, et qui marque un tournant prudent, mais nécessaire.
Depuis longtemps, dans mes tribunes dans différents medias comme Jeune Afrique , je prêche dans le désert pour alerter sur l’inadéquation de la politique monétaire de la BCEAO face aux réalités économiques de l’UEMOA. Cette fois-ci, un pas a été franchi, mais le chemin reste long.
Certes, cette baisse des taux permet un léger desserrement de la politique monétaire, mais elle arrive tard, après une période prolongée où la BCEAO a résisté à l’assouplissement, malgré les signaux venus des principales banques centrales du monde.
UNE INFLATION EN APPARENTE BAISSE MAIS DES RÉALITÉS SOCIALES INCHANGÉES
Le taux d’inflation dans l’UEMOA semble établi à 2,3 % au premier semestre 2025, contre 2,9 % au quatrième trimestre 2024 et 4,1 % au troisième trimestre de la même année. Cette baisse s’explique en partie par la décélération des prix des produits alimentaires importés. Mais elle ne reflète pas forcément la réalité perçue par les populations, qui continuent de subir des hausses sur les marchés.
UNE CROISSANCE APPARENTE MAIS QUI PROFITE À QUI?
La croissance économique est estimée à 7,1 % au premier trimestre 2025 et à 8,6 % pour l’ensemble de l’année, selon les dernières projections. Des chiffres flatteurs, mais qui masquent des disparités structurelles.
Les PME et le secteur informel, qui constituent l’épine dorsale de nos économies, restent massivement exclus du financement bancaire. La croissance des crédits profite surtout à de grands groupes ou à des filiales de multinationales, tandis que les véritables acteurs de la transformation économique restent à l’écart.
UNE RÉFORME DE FONDS S’IMPOSE
Il ne suffit pas de baisser les taux pour relancer durablement nos économies. Il faut aller plus loin. Il faut une réforme profonde de la politique monétaire, avec des orientations structurantes et une vraie volonté politique de transformation économique.
Voici nos propositions, constantes depuis des années :
- Promouvoir avec les États des réformes structurelles visant à réduire l’extraversion de nos économies.
- Repenser le Franc CFA, en traitant les questions de souveraineté, de parité fixe et de gouvernance.
- Adopter une politique monétaire d’assouplissement quantitatif adaptée aux réalités locales.
- Fixer à la BCEAO un objectif explicite de plein emploi, comme le font d’autres banques centrales modernes.
- Desserrer les contraintes prudentielles qui étouffent le crédit.
- Moderniser les outils statistiques, notamment ceux mesurant l’inflation et la pauvreté.
- Organiser les assises de la monnaie dans l’UEMOA, pour une réforme concertée et citoyenne.
La baisse du taux directeur est un signal positif. Elle doit être le prélude à un changement de paradigme. Il ne s’agit pas de suivre simplement les tendances mondiales, mais d’inventer une politique monétaire qui serve réellement le développement économique et humain de nos pays.
Il est temps d’en finir avec les demi-mesures. La BCEAO doit changer de logiciel. Les populations attendent des actes forts.