Désinformation et discours de haine au Mali : Comment les enseignants s’y confrontent-ils ?

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(CROISSANCE AFRIQUE)-Dans un contexte où la propagation des fausses informations est un danger important pour la qualité du savoir et de la cohésion sociale ; l’accès généralisé aux smartphones et aux réseaux sociaux expose élèves et étudiants à une multitude de contenus dont certains véhiculent des messages mensongers, agressif ou haineux.

Selon Maurice Samaké, maître du Second cycle, le milieu scolaire représente un espace éducatif réunissant des enfants venus de divers horizons. Pour contrer les fausses informations qui peuvent exacerber les tensions sociales et politiques, prévenir les discours de haine et garantir la paix, il propose de mettre l’accent sur le système éducatif et le rôle des enseignants qui sont en première ligne dans cette lutte contre ces fléaux qui minent nos sociétés.
Maurice Samaké choisit de sensibiliser ses élèves de s’abstenir de diffuser des informations non fondées ou propices à la violence. Au quotidien, il les encourage à éviter de faire de la divulgation et du partage d’informations, leur habitude.
L’education à la morale, aux droits humains et à l’analyse critique
M. Ali Sangaré, également enseignant, souligne que la mission d’un enseignant ne peut ignorer la lutte contre la haine. Il évoque des méthodes pédagogiques efficaces comme l’éducation civique et morale, abordant la tolérance, la paix, et la cohésion sociale, enseignées à tous les niveaux, de la première année au lycée.
Charles Messe, Professeur d’université explique, « nous faisons face à cette réalité dans l’environnement éducatif à la fois comme un défi quotidien et une épreuve personnelle et professionnelle. Cela exige lucidité, courage et une posture pédagogique bien ancrée. Toutefois, il est crucial de comprendre que l’éducation se déroule dans un monde imparfait. L’université n’est pas un sanctuaire protégé ; elle reflète les tensions, les fractures et les dérives de la société. Désinformation et discours de haine y pénètrent par le biais des réseaux sociaux, des idéologies extrêmes attirant certains jeunes, et des clivages sociaux, identitaires ou politiques qui traversent le campus. L’essentiel de notre travail consiste à collaborer en réseau avec d’autres enseignants pour organiser séminaires, conférences et ateliers sur ces enjeux. Nous formons les étudiants à l’analyse critique afin de promouvoir un climat de respect et de dialogue, sans toutefois imposer nos convictions personnelles ni tolérer les discours haineux ».
Selon notre Professeur, la lutte contre la désinformation et les discours de haine en milieu universitaire passe par l’éveil de l’esprit critique des étudiants à la vérification des sources. Il insiste sur l’importance d’apprendre aux étudiants à identifier les sources fiables et les techniques de manipulation, à encourager des débats respectueux et à distinguer entre opinions personnelles et prises de positions infondées, gratuites et néfastes.
Cela implique également de dénoncer les discours haineux sans les banaliser sous prétexte de liberté d’expression tout en réagissant fermement face aux propos discriminatoires en rappelant les règles et le cadre légal.
De la bonne vigilance et de l’écoute
L’opinion des élèves est souvent méconnue. Idrissa Sagara, élève en 10ème année, a exprimé son mépris envers certains groupes ethniques lors de son trajet de Bandiagara à Bamako, en raison des conflits existants. Il refusait de s’asseoir à côté d’un élève portant un patronyme différent. Cependant, grâce à la détermination d’un professeur, il a appris les méfaits de ce comportement fractionnaire. Aujourd’hui, fervent défenseur de la tolérance et du vivre ensemble, Idrissa Sagara s’efforce de sensibiliser ses camarades chaque fois que l’occasion se présente.
Lala Tangara, élève en 6ème, ajoute que malgré quelques comportements violents parmi les garçons, sa classe demeure tolérante avec des actes de pardon et le partage des repas durant les récréations.
Des activités parascolaires
L’organisation d’activités regroupant l’ensemble des étudiants par-delà les appartenances communautaires ou ethniques, joue un rôle crucial dans la lutte contre la désinformation et les discours de haine. Mohamed Tangara, président sortant d’une association d’étudiants à l’école de Médecine, partage son expérience : « pour freiner la propagation de la désinformation et des discours haineux, nous encourageons un esprit critique parmi les étudiants, les incitant à vérifier leurs sources avant de partager des informations. Nous promouvons le respect des opinions et la tolérance à travers des clubs de débat, des formations sur la citoyenneté numérique et des campagnes sur les réseaux sociaux internes à la faculté. Nous avons organisé des conférences et ateliers animés par des journalistes, des enseignants ou des spécialistes en communication, abordant les enjeux liés à la manipulation de l’information, surtout en période de crise. Dans le contexte malien, cela renforce la cohésion sociale et prévient les tensions liées aux rumeurs et discours de haine ».
Du soutien des parents d’élèves
Le soutien des parents d’élèves est également crucial. Abdoulaye Togola, président des parents d’élèves d’une école, évoque leur engagement à soutenir les enseignants dans la déconstruction des discours de haine en milieu scolaire. Il illustre son propos par un exemple : « l’an dernier, un élève était moqué par ses camarades à cause de sa tenue. J’ai été interpellé par le directeur en raison de cette situation. Avec les autres parents, nous avons organisé une journée de sensibilisation avec les enseignants et les élèves pour leur faire comprendre les conséquences des discours de haine et ses diverses formes. Cela a été tellement marquant que les enfants responsables ont beaucoup pleuré et ont demandé pardon à leur camarade ». En outre, M. Togola encourage les parents à sensibiliser leurs enfants sur les mécanismes de propagation des fausses nouvelles afin de les aider à identifier les sources fiables et à éviter les erreurs.
De la formation et communication indirecte en ligne
Les syndicats enseignants contribuent significativement à cette lutte. M. Ali Sangaré, membre du Syndicat National des Enseignants du Mali (SYNEM), insiste sur l’importance de former les responsables syndicales et les enseignants sur les questions de désinformation. « Au cours de nos formations, nous sensibilisons nos camarades à mettre en place des mécanismes permettant aux élèves de renforcer leur confiance en eux tout en leur montrant les conséquences de la désinformation à travers les différents réseaux sociaux ». Le syndicaliste souligne aussi que les enseignants doivent veiller au contrôle des publications des élèves, se lier d’amitié avec eux sur les réseaux sociaux pour suivre leurs publications et superviser leur fréquentation afin de mieux contrer ce phénomène.

Kadidia Doumbia
Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) au Mali

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Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne dont un mensuel disponible dans les kiosques à journaux) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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