En vérité, comme ATT, comme IBK, dont d’aucuns estimaient qu’il était un rayon de soleil, les dévots des cours vous diront toujours ce qui vous est le plus agréable à entendre, et non ce qui serait le plus utile pour le pays.
Ils vous diront, avec emphase, combien vous êtes beau comme Paris, que vous scintillez comme Jupiter, que vous êtes fort tel le Sphinx. Ils oseront même vous comparer à des immortels. Ils ne reculeront devant rien pour préserver leurs privilèges.
Ils vous exhorteront à vous accrocher au pouvoir, affirmant qu’en votre absence, le pays serait voué à sa perte et sombrerait dans la caverne d’Ali Baba ou celle de l’âge préhistorique.
Voyez, Soldat, vous et moi savons qu’à l’image d’Alexandre le Grand, de Jules César ou de Soundiata Keïta, le cimetière est rempli d’hommes que l’on croyait indispensables.
Alors, plus que jamais, affermissez vos pas avec le sens du réel et veillez à ce que votre direction ne soit influencée ni par des acclamations, ni par des flagorneries, ni par un sentiment de toute-puissance.
Nous devons avoir la vertu de penser, à l’instar de Mandela, qu’aucun homme n’est une montagne, car les hommes passent, tandis que les montagnes demeurent solidement et perpétuellement à leur place.
Songez que la dignité, c’est « l’harmonie entre le dire et le faire » et qu’il est impératif de toujours rester fidèle à l’idéal républicain.
Le pouvoir, Monsieur le Président, ne se légitime ni par un plébiscite, ni par la force, ni par la ruse, mais par des élections libres, démocratiques et transparentes, conformément à la nouvelle Constitution que vous avez adoptée.
Organisez des élections libres, afin de permettre aux différents projets de s’exprimer et au peuple souverain de choisir. Car cet exercice n’est ni une commodité, ni une question secondaire : c’est une exigence républicaine.
Et surtout, Monsieur le Président, comprenez que ni les textes, ni vos propres engagements ne vous autorisent à être candidat à ces élections. Inspirez-vous de Feu le Général Amadou Toumani Touré (ATT).
Monsieur le Président, chaque transition est, par définition, transitoire. Elle ne peut s’imposer ad vitam æternam. Un jour, elle doit prendre fin en remettant les clés de la maison à des autorités librement choisies par le peuple souverain.
Il n’est jamais sain qu’un militaire se transforme en homme politique tout en restant militaire. Comme dans le corps humain, la tête ne peut jouer la fonction du bras, ni le bras celle du pied. Chacun doit rester dans sa fonction naturelle.
Enfin, Monsieur le Président, aucun État ne peut vivre en autarcie. Il a besoin du monde autant que le monde a besoin de lui.
Un État ne choisit pas ses voisins, tout comme un homme ne choisit pas sa famille.
Par conséquent, la paix avec ses voisins est indispensable pour stimuler le développement et permettre, in fine, le rapprochement et le bonheur des communautés qui y vivent.
N’écoutez pas les va-t-en-guerre, les laudateurs et les populistes.
Écoutez plutôt cette belle pensée de Mansa Makan Diabaté : « Il faut avoir la force de sa raison et non la raison de sa force. »
Vous étant sage, je vous invite, pour l’histoire, à mettre un frein à ces chants de sirènes opportunistes et à organiser des élections qui resteront historiques et rendront votre action indélébile.
Faites-le pour l’Histoire, Monsieur le Président !
Que Dieu vous guide.
Respectueusement,
Hamidou Doumbia
