En septembre 2014, le ministère britannique de la Défense [MoD] notifia un marché de 4,5 milliards d’euros à General Dynamics Land System UK [GDLS UK] pour le développement et l’acquisition de 589 blindés Scout SV [appelés « Ajax » par la suite], destinés à remplacer les CVR(T), essentiellement utilisés par la British Army pour des missions de reconnaissance.
D’une masse de 34 à 42 tonnes selon les sept versions prévues, l’Ajax est un blindé chenillé doté d’une tourelle CT40 de 40 mm à « technologie télescopée », d’une mitrailleuse de 7,62 mm co-axiale, d’un lance-grenades à commande électrique, de contre-mesures électroniques et différents autres capteurs. Devant donc être les « yeux et les oreilles » de l’armée britannique, son entrée en service est cruciale pour la mise en place des nouvelles brigades d’intervention de cette dernière, conformément aux orientations définies dans la dernière revue stratégique publiée par Londres en mars dernier.
Seulement, les problèmes rencontrés lors du développement de ce nouveau véhicule, pour lequel le MoD aurait déjà déboursé 3 milliards de livres sterling, selon la presse d’outre-Manche, risquent de contraindre la British Army à revoir ses plans. Tel est, en tout cas, ce qu’a laissé entendre Jeremy Quin, le secrétaire britannique à la Défense chargé des acquisitions.
Pour rappel, les essais de l’Ajax avaient été suspendus une première fois, pendant plusieurs semaines, par mesure de sécurité. Il était en effet apparu que ce blindé souffrait de « fortes vibrations » dès qu’il roulait à une vitesse supérieure à 30 km/h et de problèmes de mobilité. En outre, son niveau sonore était tel que les équipages de la British Army ayant eu à le mettre en oeuvre furent obligés de faire tester leur audition. Un rapport interne arriva alors à la conclusion qu’il y avait un « risque réel » d’utiliser ce véhicule dans son état actuel.
De son côté, l’industriel assura que les problèmes en question avaient été en partie réglés. Seul celui relatif au bruit excessif était encore en suspens. Ce qui, pour un blindé appelé à effectuer des missions de reconnaissance, fait un peu désordre…
Pour autant, le 30 juin dernier, le MoD annonça que les essais de l’Ajax venaient une nouvelle fois d’être suspendus, toujours à cause des problèmes de bruits excessifs. Et ils n’ont toujours pas repris à ce jour. Mieux : dans une réponse aux interrogations exprimées par les députés britanniques au sujet de l’avenir de ce programme, M. Quin a indiqué que 310 soldats avaient été identifiés comme ayant été exposés à un risque de perte auditive et à des problèmes musculaires causés par le bruit excessif du moteur de l’Ajax et de ses vibrations.
La British Army « continue d’identifier et de surveiller l’audition du personnel exposé au bruit de l’Ajax. Elle est également en train d’identifier les effets sur la santé des personnes potentiellement exposées aux vibrations », a en effet affirmé M. Quin.
Quoi qu’il en soit, les critiques à l’égard de l’Ajax se font de plus en plus fortes au sein des parlementaires britanniques.
Député de la majorité conservatrice et membre du comité de la Défense à la Chambre des communes, Mark François a estimé que le programme Ajax est « un désastre » et que le ministère de la Défense « doit sortir du déni, le supprimer et acheter quelque chose qui fonctionne et qui ne blesse pas son propre équipage ».
Membre de l’opposition travailliste, le député Chris Evans n’a pas dit autre chose. « Le programme Ajax est un fiasco. Il est maitenant clair que les problèmes sont connus depuis des années et que rien n’a été fait. Il est admis que la livraison des Ajax est totalement incertaine, ce qui en fait un autre clou dans le cercueil de la stratégie de défense et de politique étrangère du gouvernement, publiée il y a à peine six mois », a-t-il fustigé.
En attendant, les problèmes de l’Ajax ne font évidemment pas les affaires de la British Army, qui est en quête de solutions pour éviter une rupture capacitaire qu’elle veut cependant croire temporaire. Lisez la suite à travers ce lien