Pas de bulletin de vote, pas de compte bancaire, pas de carte sim, pas de permis de conduire, pas de prestations sociales, pas de sortie légale du pays… Vivre sans papiers est un handicap terrible. A travers le monde, plus d’un milliard de personnes ne disposent d’aucune pièce d’identité. En Afrique subsaharienne, la région la plus touchée, on peine encore à réaliser l’ampleur du problème et ses conséquences désastreuses pour un continent qui lutte encore et toujours pour se débarrasser de la pauvreté.
Lucien est originaire du village de Banigbé, une localité située non loin de Porto-Novo, la capitale du Bénin. Pour gagner sa vie, il achète des pièces détachées au Nigeria qu’il vient revendre dans son pays. Mais l’Etat béninois ne le reconnaît pas. Et pour cause, il ne dispose d’aucun document attestant de son identité. « Parfois en traversant la frontière [Bénin-Nigéria, ndlr] pour acheter ma marchandise, je suis confronté à plusieurs problèmes. Comme je n’ai pas de papiers, je suis parfois obligé de payer beaucoup d’argent pour qu’on me laisse passer. […] J’ai souvent envie de voyager plus loin comme mes amis, d’aller en Amérique. Mais je sais que c’est impossible, je n’ai même pas de carte nationale d’identité », nous confie-t-il en souriant d’un air presque résigné.
« Comme je n’ai pas de papiers, je suis parfois obligé de payer beaucoup d’argent pour qu’on me laisse passer.»
Comme Lucien, 500 millions d’Africans, soit près de la moitié de la population, sont confrontés à cet énorme défi de ne pas pouvoir prouver leur identité. D’après la Banque mondiale, l’Afrique et l’Asie du Sud concentrent, à eux deux, 81% du milliard de personnes « invisibles » que compte le monde.
Un frein dans la lutte contre la pauvreté et l’inégalité
L’une des causes de l’engluement de l’Afrique dans la pauvreté réside dans le fait qu’une bonne partie de la population est, de fait, « exclue» de la sphère de redistribution des richesses et de le vie civique, parce que ne disposant pas de documents d’identité officiels.

45% des femmes vivant dans les pays à faible revenu n’ont pas d’identité légale.
« Sans un moyen sûr et fiable de prouver son identité, il sera difficile pour les invisibles de bénéficier de services de santé et d’aide sociale essentiels, de s’inscrire dans une école, d’ouvrir un compte bancaire, de se procurer un téléphone mobile, d’obtenir un emploi, de voter ou encore de déclarer une activité », indique la Banque mondiale.
L’une des causes de l’engluement de l’Afrique dans la pauvreté réside dans le fait qu’une bonne partie de la population est, de fait, « exclue » de la sphère de redistribution des richesses, parce que ne disposant pas de documents d’identité officiels.
Cette situation creuse également les inégalités au sein des économies africaines. D’après les chiffres de la Banque mondiale, 45% des femmes vivant dans les pays à faible revenu n’ont pas d’identité légale, contre 30 % des hommes.
Des causes nombreuses et multiformes
L’une des causes de ce problème est le coût parfois trop élevé de l’accès aux documents d’identité. Au Tchad, par exemple, il faut débourser plus de 16 $ (10 000 FCFA) pour se faire établir une carte d’identité, alors que la Banque mondiale estime que la population pauvre du pays devrait croître à 6 millions de personnes, cette année.

En Côte d’Ivoire, sur un million d’étrangers hors CEDEAO, moins de 2% ont pu s’offrir la Carte de Résident vendue 300 000 FCFA (soit 375 kg de cacao pour un planteur…).
Avec les cas de corruption, les populations peuvent même se retrouver à payer beaucoup plus que ce qui est prévu par la loi. « La carte d’identité [au Tchad] par exemple est officiellement à 10 000 francs CFA, mais au commissariat, il y a des gens qui ont déboursé 25 à 30 000 francs CFA pour avoir ce document », explique Larlem Marie, coordinatrice de l’association tchadienne pour la promotion des droits de l’homme. De plus, les longues procédures administratives, ou encore les longues distances entre les centres d’enrôlement et les zones rurales peuvent dissuader les populations d’entamer de telles procédures.
En Côte d’Ivoire, une carte d’identité coûte environ 5000 FCFA (environ 8 $). Mais, d’après la Banque mondiale, les personnes doivent dépenser entre 10 000 et 13 000 FCFA (17-22 $) de plus pour le transport et les documents justificatifs afin de l’obtenir. Un montant qui représente un coût important pour les plus démunis.
Suivez le liens d’en bas…..