(CROISSANCE AFRIQUE)-Depuis 2023, la relation entre le Niger et Orano, anciennement connu sous le nom d’Areva, a subi un déclin notable. Désireux de se défaire d’une dépendance historique envers les acteurs étrangers dans le secteur stratégique de l’uranium, le gouvernement nigérien a progressivement atténué l’influence de l’entreprise française.
En décembre 2024, Orano a perdu le contrôle opérationnel de ses principales filiales au Niger, marquant une étape significative dans une longue période de tensions et de méfiance croissante.
La fermeture de Cominak en 2021 avait déjà été un point de rupture, entraînant une réduction de ses activités, notamment l’arrêt des opérations à Somaïr et le retrait de son permis d’exploitation pour le gisement d’Imouraren, dont les réserves sont parmi les plus prometteuses au monde, estimées à 200 000 tonnes.
Au centre de ce conflit se trouve une cargaison de 1 300 tonnes de concentré d’uranium, évaluée à près de 250 millions d’euros, actuellement bloquée au Niger. Pour Orano, la situation représente un double défi, tant financier que stratégique, dans un contexte où les sources d’approvisionnement en matières premières essentielles deviennent de plus en plus rares pour les pays européens.
Face à l’impossibilité de récupérer ces ressources, le groupe a engagé des procédures d’arbitrage international contre l’État nigérien, une démarche récente datant de janvier 2025, visant à contester la perte de contrôle sur Somaïr. Cette décision judiciaire souligne une impasse : sans moyens d’action sur le terrain, Orano hésite à conclure ce chapitre sans une compensation adéquate.
Alors que cette situation de tension persiste, Orano a récemment exprimé sa volonté de céder les parts restantes qu’il détient dans ses filiales nigériennes, où il conserve encore une majorité de plus de 60 %.
L’entreprise a indiqué avoir reçu des marques d’intérêt pour ses actifs au Niger tout en restant ouverte à d’éventuelles offres de rachat. Cependant, sa priorité immédiate reste la poursuite des actions juridiques. Cette position contraste avec celle des autorités nigériennes, déterminées à rompre la tutelle économique exercée par la France, en favorisant des partenariats qu’elles jugent plus respectueux de leur souveraineté, notamment avec des pays tels que la Russie ou l’Iran.
Ce changement de cap du Niger s’inscrit dans un cadre régional plus large, où plusieurs pays réévaluent leurs alliances stratégiques, surtout dans le secteur énergétique. En choisissant de se dissocier d’un partenaire historique comme Orano, Niamey cherche à reprendre le contrôle de ses ressources et à rétablir un équilibre dans les rapports de force traditionnels.
Bien que l’avenir de l’industrie de l’uranium au Niger demeure incertain, il est évident que le modèle de coopération franco-nigérienne qui a prévalu pendant des décennies est en déclin. Orano, tout en se déclarant « ouvert au dialogue », s’efforce de faciliter sa sortie. Toutefois, ce retrait, bien que inévitable, est déjà perçu comme un signe d’échec dans une région dont les équilibres évoluent rapidement.
Daouda Bakary KONÉ