Nuit de l’UJRM: JOURNALISTES AU MALI, VIVRE OU SURVIVRE ?

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(CROISSANCE AFRIQUE) La première édition de « La nuit de l’UJRM », qui aura lieu le 18 juin 2022, à l’hôtel de l’Amitié de Bamako, l’Union des Journalistes-Reporters du Mali (UJRM), dont votre journaliste de Mali Demain que je suis, est le responsable chargé de la formation, veut primer les meilleurs patrons de presse et les meilleurs journalistes du Mali. Sous les deux thèmes : « La précarité du journaliste au Mali : Quels impacts sur la cohésion nationale ?» et « Le rôle des médias durant la transition ».

Le choix du thème

Le thème choisi est : « La précarité des journalistes au Mali : Quels impacts sur la cohésion nationale ? ». Ce thème a été choisi pour sa pertinence. Une manière de lever le voile sur la situation réelle des journalistes au Mali. Ces soldats de l’information qui, contre vents et marées, engagés et déterminés, vont à la recherche de l’information, parfois-même au péril de leur vie, avec un seul souci, informer les gouvernés et les gouvernants sur la situation du pays et celui du monde extérieur, afin de faire bouger les lignes pour le bien-être de tous. Donc, ce thème mérite une attention particulière de la part de tous les acteurs.

C’est pourquoi, pour comprendre ce thème depuis son origine, jusqu’à nos jours, nous sommes allés à la rencontre des praticiens du domaine du journalisme au Mali: journalistes-reporters et patrons de presse, d’âges différents. Chacun d’eux nous a livré son point de vue, dans un anonymat total pour certains et d’autres qui ont décliné leur identité. Lisez plutôt !

Comprendre l’Origine de la précarité des journalistes au Mali.

Comprendre l’origine de la précarité des journalistes au Mali, c’est comprendre d’abord le début de la presse malienne et son évolution jusqu’à nos jours.

Mais avant cela, qu’est-ce que la précarité ?

Selon le dictionnaire français Robert, la précarité se défini comme : « Caractère ou état de ce qui est précaire ». Le mot précaire quant à lui, se définit comme : « Etat quelques chose dont l’avenir, la durée, la stabilité ne sont pas assurés ». Exemple : une santé précaire.

L’origine de la presse malienne

Selon Fakara Faiké, personne âgée, Journalistes au journal « Le Républicain », Président de l’Union Nationale des Journalistes du Mali (UNAJOM), témoin oculaire de la presse malienne, « La, presse malienne n’est pas née de la dernière pluie. Celle-ci a commencé vers les années de l’indépendance (1960) avec les journaux comme : « Soundjata », « La Roux », « l’Essor » etc. Malgré un essor  moribant, elle a pu jouer pleinement son rôle d’information, de sensibilisation et d’éducation de la population et à surtout contribuer très efficacement à l’avènement de la démocratie au Mali.

L’explosion des journaux

C’est à partir des années 1991 avec l’avènement de la démocratie au Mali, et l’élaboration de la nouvelle Constitution, du 25 février 1992, qui a consacré l’articles 4 de la Constitution, aux droits à la création et à la liberté d’expression,  je cite : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte,  d’opinion, d’expression et de création dans le respect de la loi », que cette situation a engendré, une montée en puissance de l’expression libre. A partir de cette époque, les journaux ont commencé à se multiplier comme des chenilles. Ainsi, certains journalistes qui travaillaient déjà dans  les journaux précités (Soundjata, La Roux, l’Essor),  ainsi que certaines personnes attirées  par la profession du journaliste, se sont lancés dans la création de masse des organes de presse, comme : Aurore, Les Échos, Le Malien, Nouvel Horizon et les radios comme Bamakan, Tabalé etc.

Les textes réglementaires

« Malgré cette explosion d’organes de presse à partir des années 1991, chacun de ces organes œuvrait dans son coin, sans jamais penser à réglementer le secteur. C’est seulement à partir de là première journée de la presse, qu’il y eu un premier texte réglementaire. Puis vint la Loi n° 046 du 07 juillet 2000 portant régime de la presse et délit de presse en République du Mali, signée en 2000, par l’ancien Président de la République du Mali, S.E M. Alpha Omar Konaré », a expliqué le vieux Fakara Faiké.

N’ayant pas les journalistes de profession a cette époque pouvant mettre en place un cadre juridique et réglementaire pour la prise en charge des journalistes, faisant d’eux, des employés à part entière, bénéficiant ainsi des droits salariaux et des cotisations sociales, pour leur garantir  une vie descente et digne, les journalistes au Mali, ont commencé à travailler au noir, depuis le début de la presse malienne.

Bien que les revenus tirés des activités du journalisme n’aient pas fait défaut à cette époque, les patrons de presse à n’avaient qu’un seul souci : produire de l’information pour satisfaire les besoins criards d’informations du grand public.

Qui pouvait faire mieux, pour les journalistes, qu’un spécialiste du domaine ? s’interroge-il

Comment les journalistes sont-ils rémunérés au Mali?

Au début des années 1991, seul le Journal « Les Échos » était bien structuré ou les journalistes avaient un salaire et étaient inscrits à l’INPS. Les organes comme : « Le Malien », « Le Tambour », versaient un minimum de salaire à leurs  journalistes. Tous les autres ne donnaient rien à leurs journalistes. Seulement à cette époque, il n’y avait pas beaucoup de journalistes. Donc, Ceux qui allaient sur terrain pouvaient quand même joindre les deux bouts », a expliqué Fakara Faiké.

La rémunération des journalistes d’aujourd’hui

La plupart que nous avons interrogé et qui ont préféré garder l’anonymat, puisse que, disent-ils « Cette situation n’est pas honorable », nous ont dit de façon unanime : « Leurs  rémunérations sont généralement basées sur des petits arrangements non formels avec les patrons de presse (de la radio, de la télé, de la  presse écrite, de la presse en ligne…). Ce sont parfois : de petites assistance en nature ou financière en cas de problème social, ou de santé ; de petites primes mensuelles, dérisoires pour la plupart,  inférieures au SMIC (Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance), qui ne peuvent même pas couvrir le minimum des charges fixes du journaliste. Comme le loyer, l’eau, l’électricité, les charges familiales, le transport, la communication ».

Un autre journaliste m’a lâché : « Bien vrai que j’aime ce métier, je m’y dévoue corps et âme. Mais je vis dans un souci permanent quand il s’agit des conditions matérielles, morales et sociales du travail. La peur du lendemain me tue à petit feu, a tel point que, je me demande chaque fois ce que font les patrons de presse  avec les revenus du de notre travail ».

Une pléthore d’organes de presse au Mali

Cette situation de précarité a incité  beaucoup de journalistes à créer leurs propres organes de presse dans le but d’avoir une vie meilleure et bénéficier des mêmes privilèges que les promoteurs des organes de presse tels que : contrats juteux alloués aux organes de presse par certaines entreprises publiques ou privées, aide publique à la presse, les revenus tirés de la vente des journaux et des publicités.

Sans aucune vision ou une compétence entrepreneuriale ou managériale, les nouveaux patrons de presse n’ont fait que reproduire le même schéma que les anciens. Ils ont contribué à plonger les journalistes dans une extrême précarité aux conséquences néfastes sur la cohésion sociale et par voie de conséquence, la cohésion nationale. D’après Fakara Faiké, « Après trois à six mois de stage,un supposé journalistes devient patron de presse ».

Pour un jeune Directeur de publication qui a préféré gardé l’anonymat, « La presse au Mali ne nourrit pas son homme. Dans son organe, il essaie de donner le minimum en termes de salaire à ses journalistes. Et bientôt, il va commencer par les inscrire à l’INPS et à l’AMO. Mais les vieux journalistes d’abord ».

Précarité des journalistes du Mali et conséquences sociales

Dans un pays où la pression sociale est très forte, ou toutes les responsabilités familiales sont dévolues à l’homme en tant que chef de famille, les journalistes, chefs de famille au Mali ou même les célibataires  (homme et femme), broient le noir.

Les veilles des fêtes (Ramadan, Tabaski, Noël, Pâques…), ou les cas de maladie, les évènements familiaux, où ces derniers devraient assumer aisément et fièrement leur responsabilité vis-à-vis de la famille, sont au contraire des moments de cauchemar, de psychose et de soucis permanents chez les journalistes du Mali. Finalement, au lieu de vivre, les journalistes survivent.

Un journaliste qui a préféré garder l’anonymat nous a confié ceci : « Il est obligé de quémander chaque fois qu’il a des problèmes ». Il a ajouté encore : « Les mendiants,  ne sont pas que, ceux qui se trouvent dans les rues. Mais il y’a des mendiants en col blanc, qui sont les plus nécessiteux que ceux que l’on voit dans les rues ».

Précarité et cohésion nationale

La précarité, créée au niveau des organes de presse, a terni l’image des journalistes en particulier et de la corporation en général. Certains journalistes sont parfois obligés de se  livrer à des pratiques, peu orthodoxes, afin de joindre les deux bouts. D’autres sont qualifiés par une frange de la population de « journalistes alimentaires ». L’impartialité du journaliste est mise à mal  dans le traitement de l’information. La complaisance, le favoritisme, le trafic d’influence, le chantage,  deviennent les moyens de survie du journaliste. Pire encore,  l’information qui devrait servir à éduquer ou sensibiliser la population est contrôlée par des bourreaux sans foi ni loi, qui se positionnent derrière les journalistes et qui orientent l’information vers une cible ou un groupe de cible dans le but de nuire ou solder un compte personnel.

Conséquences de la précarité des journalistes au Mali

L’une des conséquences directes de la précarité des journalistes au Mali, est que  l’information est tout le temps biaisée et crée régulièrement des tensions sociales au sein des communautés : les populations se révoltent, les familles se déchirent ou s’entredéchirent, les groupes ethniques s’affrontent. Certaines personnes se voyant humiliées, blessées ou touchées  dans leur orgueil, à cause de l’écrit ou de la propagande du journaliste, décident de se venger. Malheureusement, les journalistes au Mali font les frais d’enlèvement, de torture, d’assassinat, de coup de poing à la figure, des poursuites judiciaires, en un mot de toutes sortes de sévices.

A cela s’ajoute, la précarité intellectuelle pour attirer et séduire le public : Manque de niveau à la base, manque d’encadrement au niveau des organes, manque de l’auto-formation et manque de formation de renforcement de capacités.

Enfin, quel espoir ?

Après cette situation macabre des journalistes décrite ci-haut, la seule lueur d’espoir qui plane aujourd’hui à l’horizon, c’est l’application de la convention collective par les patrons de presse, prônée par l’UJRM. Cette convention collective a été élaborée par l’Union Nationale des Journalistes du Mali (UNAJOM) avec l’appui des experts venant d’ailleurs et qui se trouve actuellement au niveau du Conseil National de la Transition (CNT) pour une loi, selon Fakara Faiké, Président de l’UNAJOM.

Une autre lueur d’espoir, c’est la dernière relecture des textes qui régissent la presse malienne par la Maison de la Presse et qui demande d’indexer l’aide publique à la presse au budget national, soit 0,01% à 0,025%, se situant entre 2 milliards de FCFA à 5 milliards de FCFA du budget national.

Pépin Narcisse LOTI

croissanceafrik
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Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne dont un mensuel disponible dans les kiosques à journaux) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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