Chronique. La Chine aime les traditions, et celle-là est aussi importante que symbolique. Depuis trente ans, chaque premier mois de l’année, le chef de la diplomatie se rend en Afrique. Wang Yi, titulaire du poste depuis 2013, ne faillit pas à cette tradition et visite cette semaine cinq pays : l’Egypte, Djibouti, l’Erythrée, le Burundi et le Zimbabwe. Cette fois, les dossiers sont lourds. Outre les tensions au Moyen-Orient et les risques d’embrasement qui inquiètent Pékin, premier partenaire commercial de l’Iran, la Chine souhaite renforcer ses positions sur un continent où elle se trouve en compétition avec les Etats-Unis, la France et, de plus en plus, la Russie, le Japon et l’Inde.Lire aussi « L’Afrique ne devrait pas avoir à choisir entre le Japon et la Chine »
Djibouti, en particulier, est un pays important pour l’ancrage chinois. Pékin y dispose depuis août 2017 de sa seule base militaire à l’étranger, avec une garnison de 2 000 personnels militaires, marins, hommes d’infanterie et soldats des forces spéciales. « Djibouti joue un rôle majeur dans la sécurisation du programme BRI [Belt and Road Initiative, les nouvelles « routes de la soie »] de Xi Jinping », explique le sinologue Jean-Pierre Cabestan, qui relève, dans une étude publiée dans le Journal of Contemporary China, que cette base, au départ logistique, contribue à assurer la sécurité des quelque 100 000 ressortissants chinois installés dans la Corne de l’Afrique, dont 60 000 rien qu’en Ethiopie. Preuve de la concurrence à l’œuvre dans la région, Djibouti accueille aussi des bases militaires américaine, japonaise et française, situées à quelques kilomètres seulement les unes des autres.
« Piège de la dette »
L’étape au Zimbabwe aura une toute autre couleur, puisqu’il sera cette fois question du poids de la dette et du rôle qu’entend jouer la Chine dans l’industrialisation du continent. Depuis vingt ans, le commerce entre la Chine et l’Afrique a été multiplié par vingt (dépassant les Etats-Unis en 2009), pour atteindre 204 milliards de dollars en 2018 (178 milliards d’euros), selon les chiffres du ministère chinois du commerce. Et Pékin est devenu le plus grand prêteur bilatéral de la plupart des pays africains. Au cours de la dernière décennie, il a financé pour environ 143 milliards de dollars de projets d’infrastructure, qu’il s’agisse de ports, de chemins de fer, d’aéroports, d’autoroutes, de routes ou de barrages…