(Tribune): Economie et gestion « ce qui doit être désormais prioritaire pour tout Président de la République (Par Siné Diarra Expert-Comptable)

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-Un Etat doit avoir les moyens de ses politiques. Tirant des leçons des trente années de démocratie, particulièrement, des dix années de crises, j’arrive au constat que dans notre pays, on fait beaucoup plus de politique et d’affaires que d’économie. On se préoccupe plus de : comment gagner un mandat électoral, comment s’enrichir, que de répondre à la question : que faut-il faire pour créer de la richesse ? Que faut-il faire pour réduire les souffrances des populations ? Entre autres conséquences de cette situation, le pays n’a pas d’entreprises, trouver un simple stage relève d’un parcours de combattant.

Nous sommes un pays de commerçants qui traversent des océans et des cieux pour aller chercher des produits fabriqués dans d’autres pays. Cela est salutaire mais doit cesser, du moins pour les denrées et l’industrie légère. Tout Président de la République doit désormais prendre en mains l’industrialisation du pays.

I – L’Etat doit avoir l’initiative de l’industrialisation du pays.

Dans de nombreux pays, les grandes entreprises industrielles, notamment minières, hydrocarbures, énergétiques, transport aérien, ferroviaire, industries lourdes, etc sont la propriété de l’Etat. Nous l’avons toujours dit et soutenu, l’Etat a été et demeure le premier « grand industriel » de tous les pays développés, soit par la création directe d’Unités industrielles, soit par des soutiens financiers importants aux acteurs privés pour l’émergence d’un tissu industriel national.

Plutôt que de vouloir créer de très grandes Unités, la stratégie que nous proposons consisterait à créer des milliers de Petites et Moyennes Industries qui constitueront la trame du tissu industriel. Ainsi par une politique volontariste, il convient de :

  • Identifier et soutenir les Entités existantes,
  • Créer des Petites et Moyennes Industries (P.M.I)
  • Encadrer les industries naissantes pour les faire « grandir » par la participation dans la gestion à travers la présence de l’Autorité publique dans les instances de gouvernance.
  • Protéger les industries naissantes en termes d’accès au marché sous certaines conditions clairement convenues.

A titre d’illustration, la création de 1000 PMI – PME, sur toute l’étendue du territoire, de 50 emplois permanents, équivaut à la création de 50 000 emplois directs. La dépendance extérieure du pays pourrait être réduite dans des proportions moyennes de 20 à 30%.

II – L’Etat doit avoir des industries nationales dans des activités stratégiques.

L’importance stratégique de certaines industries est telle que le pays doit avoir des Sociétés Nationales. Il y va pour la continuité du fonctionnement de l’Etat

Ainsi, le Mali doit avoir :

  • Une cimenterie nationale : peut-imaginer que tous les chantiers du pays s’arrêtent pour rupture de l’approvisionnement en ciment ? Depuis la fermeture de la cimenterie de DIAMOU, pour mauvaise gestion, dit – on, le pays est laissé dans les mains d’un privé qui l’approvisionne à son rythme.
  • Une Société Minière Nationale : avec des centaines de permis miniers délivrés, le pays n’a pas une seule mine. Quelle honte ? Et on se plait à dire qu’on est troisième producteur d’or en Afrique. Avons-nous vraiment de l’ambition pour ce pays ?
  • Une Huilerie nationale : depuis la SEPOM créée à la veille des indépendances, devenue HUICOMA avec le régime militaire, vendue par les « démocrates », les populations sont laissées à elles – mêmes aux mains d’un privé qui livre toute sorte de qualité allant jusqu’aux huiles de moteurs recyclées, alors que le pays produit des centaines de milliers de tonnes de coton graines, de beurre de karité, etc.
  • Une société nationale d’hydrocarbures : l’ONAP doit être transformée en société nationale disposant de capacité de stockage, pouvant assurer un stock de sécurité nationale de trois mois au minimum.
  • Une compagnie aérienne nationale : après avoir été le premier pays de la sous – région, propriétaire d’une compagnie aérienne dotée d’une flotte de plus de 09 avions, formé des premiers pilotes des indépendances, il est impensable que ce pays vaste de 1 240 000 km2, comptant plus de 20 grandes villes, n’ait pas de société de transport aérien.  

On pourrait deviner des répliques de type : « On a déjà échoué, l’Etat n’est pas bon gestionnaire ». Non cette argumentation ne résiste pas aux critiques. Les multinationales que nous admirons aujourd’hui sont-elles l’aboutissement de combien de tentatives ?

La vie est une succession de réussites et d’échecs, de recommencements. Nous sommes nombreux à avoir faits beaucoup de redoublements dans notre cursus. Si on n’avait pas donné l’opportunité de recommencer, on ne serait pas ce que nous sommes aujourd’hui.  

III – L’Etat doit avoir des propositions de projets industriels.

L’élaboration du cadre macroéconomique relève exclusivement des prérogatives de l’Etat. Il connait les besoins, l’offre et la demande nationales dans tous les secteurs de l’économie. Alors, naturellement, on cherche à combler les « DEFICITS OU GAP » entre les offres et les demandes.

C’est pourquoi, nous ne devons pas être à la merci des investisseurs qui viennent proposer toute sorte de projets. L’Etat doit avoir un « catalogue » de Projets industriels dont la promotion serait faite auprès :

  • Des investisseurs locaux, étrangers individuellement ou lors des forums.
  • Dans les ambassades et consulats du pays.
  • De la diaspora Africaine.

La pauvreté et les expériences de mauvaise gestion du passé, n’expliquent pas tout. Nous devons être encore plus patriotiques et avoir plus d’ambitions pour notre pays. C’est bien beau d’avoir des investisseurs, mais qui font de l’investissement en ligne droite dans la politique du pays

IV – Modes d’interventions de l’Etat.

Un des grands succès du capitalisme, c’est « d’avoir créée la dépendance de nos pays aux investisseurs étrangers ». Nous attendons trop de ces investisseurs. Nous faisons la promotion de notre pauvreté, sur laquelle les autres en profitent énormément. On va même à leur recherche. On a mis en place toute sorte de législations favorables : Codes des Impôts, des Douanes, des Mines, des Investissements avec des « zones franches », etc.

Nonobstant tout cela, nous demeurons les plus pauvres, sans grandes améliorations des niveaux de vie des populations, des conditions de vie parfois inhumaines, etc. Comme quelqu’un qui « cherche une aiguille sous son pied », nous ne voyons mêmes plus que chez eux là-bas, l’Etat est le « entrepreneur industriel ».

Pire, nous avons vendu des sociétés d’Etat très stratégiques et rentables comme la SOTELMA à d’autres Sociétés d’Etat. Le constat est pathétique et surtout blessant. La recherche de l’enrichissement personnel fait que mêmes les bâtiments publics légués sont vendus. Dans la rue, l’Etat se retrouve en location.

En matière de création et de promotion de l’industrie, l’intervention de l’Etat prendra plusieurs formes. Il pourrait s’agir :

  • Soit réaliser carrément des entreprises publiques,
  • Soit créer des sociétés d’Etat, où l’Etat est le seul actionnaire,
  • Soit inscrire dans des cahiers de charges des Collectivités territoriales
  • Soit réaliser des entreprises à sociétariat ou actionnariat mixte : Etat, Municipalités et Collectivités décentralisées, Investisseurs privés nationaux et étrangers.

Pendant plus de 25 ans d’exercice professionnel, nous avons capitalisé d’expériences riches et variées, en matière :

  • D’établissement de « Business Plan »,
  • D’accompagnement des investisseurs étrangers dans notre pays,
  • D’accompagnement des investisseurs Maliens dans des pays de la sous-région.

Nous résumons dans le tableau synoptique ci-après une soixantaine de Projets d’industrie.

II – Tableau de synoptique des propositions de « Projets industriels »

N° ProjetProjets d’entreprisesPoints forts et AtoutsRésultats escomptésContraintes à lever
  01 – 20Création d’Usines de fabrication d’engrais organiques dans les 20 capitales régionales. Renforcement des Unités existantesDisponibilité des matières premières : les déchetsMarché porteurActionnaires : Etat, municipalités, diaspora, investisseurs locaux et étrangers.Zones industrielles disponiblesForte réduction des importations d’engrais chimiquesAssainissement de l’environnement,Forte capacité de main d’œuvreRevenus pour les populations : prix de la collecte des déchets triés auprès des ménagesRésolution d’un problème de santé publiqueEnergie : eau, électricité, Main d’œuvre   qualifié Infrastructures routières pour le transport des matières premières et des produits finis.
  21 – 40Création de 20 d’Usines de fabrication de matériaux de constructions ; carreaux, dalles, pavés et autres dans les capitales régionales Renforcement des Unités existantesDisponibilité des matières premières : les déchets, Marché porteurActionnaires : Etat, municipalités, diaspora, investisseurs locaux et étrangers.Zones industrielles disponiblesExploitation des résultats des recherches de CNREX – BTPExpériences du « banco stabilisé » Forte réduction des importations d’engrais chimiquesAssainissement de l’environnement,Forte capacité de main d’œuvreRevenus pour les populations via la collecte des déchets : prix de la collecte des déchets triés  auprès des ménages. Résolution d’un problème de santé publiqueEnergie : eau, électricité, Main d’œuvre   qualifié Infrastructures routières pour le transport des matières premières et des produits finis.
41- 50  Création d’Usines de fabrication de conserves, de jus   dans les 10 régions de production fruitière et maraîchère. Renforcement des Unités existantesDisponibilité des matières premièresMarché porteur.Actionnaires : Etat, municipalités, diaspora, investisseurs locaux et étrangers. Disponibilité des matières premiers,Valorisation de la production fruitièreValorisation de la production maraîchèreForte réduction des importations de produits agroalimentaires  Energie : eau, électricité,Main d’œuvre   qualifiéInfrastructures routières pour le transport des matières premières et des produits finis
 51-52Création de 02  Laboratoires d’analyse pour la recherche minière.  Marché porteur.Actionnaires : Etat, municipalités, diaspora, investisseurs locaux et étrangersTrès bonne intervention dans la recherche minière, Participation à l’estimation des « réserves » minières. Forte réduction de la dépendance aux Laboratoires étrangers.Energie Main d’œuvre   qualifiéInfrastructures routières pour le transport des matières premières et des produits finis  
  53Création de Laboratoires d’analyse de la qualité du cimentMarché porteur.Actionnaires : Etat, municipalités, diaspora, investisseurs locaux et étrangersTrès bonne contribution à l’obtention du ciment de très bonne qualité,Maîtrise de la branche des BTP et de la qualité des ouvrages réalisés Forte réduction de la dépendance aux Laboratoires étrangers.Energie : eau, électricité, Main d’œuvre   qualifiéInfrastructures routières pour le transport des matières premières et des produits finis
54Création d’Unités pharmaceutiques Renforcement des Unités existantesDisponibilité des plantes et autres matières premières,Marché porteur.Actionnaires : Etat diaspora, investisseurs locaux et étrangersRésultats des recherches de l’INPRS disponibles,Valorisation de la recherche nationale, Forte réduction de la dépendance aux importationsDéveloppement de l’arboriculture,Revenus pour les populations via la collecte des déchets.  Energie : eau, électricité, Main d’œuvre   qualifiéInfrastructures routières pour le transport.
55-58Création de 3 Unités de fabrication de consommables médicaux : gans, fil, seringue, compresses,  Idem pour l’industrie pharmaceutiqueRésultats des recherches de l’INPRS disponibles,Valorisation de la recherche nationale, Forte réduction de la dépendance aux importations  Energie : eau, électricité, Main d’œuvre   qualifiéInfrastructures routières pour le transport
59Création de Société Minière Nationale de taille moyenne, puis des Sociétés de « grandes » mines.  Disponibilité des cartes minières, et création de permis miniers.Disponibilité de l’expertise de haut niveauMarché porteur.Actionnaires : Etat, municipalités, diaspora, investisseurs locaux et étrangers.Organisation des Orpailleurs.Résultats des recherches minières de la DNGM : les districts miniers,Valorisation de la recherche nationale, Forte réduction de la dépendance aux importations  Energie : eau, électricité, Main d’œuvre   qualifiéInfrastructures routières pour le transport
60Création de Société de fabrication « Bio Carburants »Développer la production de la matière première : le JatrophaRéduction de la dépendance énergétique,Valorisation de la production de « Pourghère – Jatropha », Revenus aux planteurs  Energie : eau, électricité, Main d’œuvre   qualifiéInfrastructures routières.

IV – Mise en œuvre

Notre parcours professionnel fait qu’en plus de 25 ans d’expériences professionnelles, nous faisons beaucoup de « conseils financiers ». Nous avons réalisé de nombreuses « études de faisabilités et / ou d’éligibilité au Code des investissements, de PME / MI » pour le compte d’investisseurs locaux et étrangers, dans pratiquement tous les secteurs de l’économie nationale.

Ces priorités seraient présentées aux investisseurs. Nous disposons d’études de faisabilités, qu’il convient d’actualiser, pour le preneur d’un Projet.

V – Solutions aux contraintes.

Les indispensables à l’émergence d’un tissu national :

  • L’énergie : revisiter le système de gestion des Sociétés Nationales EDM, SOMAGEP, SOMAPEP. Des milliers de milliards seraient investis chaque année sans qu’il n’y ait d’améliorations conséquentes.
  • Les infrastructures : revoir la politique des infrastructures : s’il faut faire des routes de 10 à 20 ans, il convient de la faire. Mais il faut arrêter avec les routes d’une durée d’une année. Il convient de fixer des objectifs quantifiés de constructions de routes et d’infrastructures par an pour tous les ministères.
  • Le problème de ressources humaines : dans l’immédiat, mettre à niveau par la formation professionnelle, des milliers de sortants des Ecoles techniques professionnelles, spécialités : industrie, mécanique, maçonnerie, hydraulique, agriculture, chimie et froid, etc, pour les Unités créées.
  • Le problème de ressources humaines : à long terme : revisiter les programmes des structures à vocation d’enseignements technique professionnel en agriculture, industrie et autres : CAP, BT, LICENCE, Ingéniorat, etc. Il faut essayer d’inverser la tendance : plus de techniciens pour la fabrication et la production, moins d’ingénieurs pour la conception.

En conclusion, nous devons avoir de la vision et de la volonté politique pour notre pays. Le Ministère du Développement Industriel doit avoir des objectifs annuels chiffrés, de création d’Unités industrielles et de réduction de la dépendance extérieure du pays.

La valorisation du monde rural et la maîtrise de l’eau. Des politiques de redéploiement des « subventions engrais tracteurs et autres intrants » en « subventions des prix aux producteurs » permettant aux acteurs du monde rural de « vivre de leurs productions », doperont les productions pour que le secteur primaire reste et demeure le pourvoyeur de l’industrie en matière premières

Sans une réelle volonté politique en matière économique, la stabilité et la paix sociale sont des objectifs très difficiles à atteindre. Nous ne devons pas être à la merci des investisseurs qui viennent nous proposer toute sorte de projets. Des Projets doivent être présentés à des investisseurs lors des forums, dans les consulats et ambassades du pays. C’est bien beau d’avoir des investisseurs, mais qui font de l’investissement en ligne droite dans la politique économique du pays /

Siné DIARRA

Expert-Comptable

Enseignant de Comptabilité de finances et d’Audit

Tel : 66 89 69 69 / 76 89 69 69.

Site : www.finaudit.ml

croissanceafrik
croissanceafrikhttp://croissanceafrique.com
Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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