(Tribune): « Quelle stratégie économique pour le projet monétaire des Etats du Sahel »?

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(CROISSANCE AFRIQUE)-À la croisée des chemins depuis quelques années, le Mali, le Niger et le Burkina sont aujourdhui déterminés à aller à l’étape suivante à savoir la sortie de la zone UEMOA et le lancement d’une nouvelle monnaie le SAHEL Cela suppose naturellement comme préalable la définition d’une politique économique commune optimale en mesure d’assurer le succès de ce nouveau projet.

L’aventure de plus de 6 décennies avec le Franc CFA n’a pas donné les résultats escomptés ; les 3 pays font partie des derniers mondiaux dans le classement de l’indice de developpement du PNUD. Le Franc CFA ne leur a pas permis de relancer les exportations, de bénéficier d’un financement satisfaisant de l’économie encore moins de réaliser leur l’ intégration.

Le moment n’est-il pas venu de changer de cap à l’instar des cinq plus grandes puissances économiques africaines ( Afrique du Sud, Nigéria, Égypte, Maroc et Algérie) qui ont osé battre leurs propres monnaies avec des resultats globalement concluants.

En notre qualité d’économiste, nous venons pas la présente reflexion analyser ce projet en donnant quelques modestes éclairages sur le sujet.

L’Alliance des États du Sahel représente déjà une force intéressante dans la realité avec une superficie de 3 millions de km2 soit plus de 3/4 de l’actuelle Union Économique et Monétaire Ouest Africaine. Sa population est estimée à 70 millions d’habitants soit environ la moitié de celle de la même Union.

Son PIB est appréciable et estimé â environ 55 milliards de dollars soit près de 30% du PIB de l’UEMOA.
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L’ Alliance est bien dotée au plan économique. Elle dispose en effet de potentiels considérables en termes de gisement de bauxite de manganèse, d’uranium, de pétrole, de gaz, de cuivre, de fer, de zinc et d’or; sans compter le coton, le cheptel, des plateaux agricoles riches. L’on ne saurait oublier une forte diaspora, mais également une population jeune et des élites déterminés à tourner la page de plus d’un demi siecle d’échec avec les modèles communautaires post-coloniaux .

L’économie etant fortement tributaire des symboles, il est au préalable sans doute necessaire que des mesures de rupture soient prises du côté de la langue.

Pour reussir l’alliance doit composer avec la modernité et le pragmatisme. Or, aujourdhui force est de constater que l’Anglais comme langue officielle semble un choix cohérent en tenant compte de sa suprématie dans les transactions économiques internationales.

Compte tenu des enjeux geopolitiques et de la nécessité de composer avec les pays arabes et du Maghreb en termes d’opportunités commerciales et d’endettement, une deuxième langue à savoir l’arabe pourrait constituer un choix utile.

Au plan de la cohésion sociale de l’Alliance, le peulh pourrait servir de langue communautaire à enseigner dans les écoles parceque deja parlée dans les 3 pays.

Le choix des partenaires est tout aussi important dans cette nouvelle orientation.

Les Partenaires commerciaux potentiels pourraient etre constitués des Nations avec lesquelles les pays membres de l’Alliance sont déjà en relation d’affaires et ceux en perspectives : Afrique du Sud, Suisse, Algérie, Maroc, Tunisie, Mauritanie, Nigéria et les autres pays membres des BRICS.

Compte tenu du fait que les 3 pays font partie de l’hinterland, sans accès donc à la mer, ils devraient choisir les meilleurs corridors pour leurs opérations maritimes. Des débouchés potentiels pourraient être négociés avec ses pays comme la Mauritanie, l’Algérie et le Togo.

Le Partenaire monétaire stratégique naturel reste la Russie avec laquelle les 3 États sont liés politiquement. Encore faudrait-il que ce pays assume mieux ses responsabilités en tant que partenaire clef en s’abstenant notamment de toujours agir de manière indirecte au travers de la milice privée Wagner. Les Etats de l’Alliance du Sahel devraient en faire une condition. Il faut traiter d’État à État.

La nouvelle monnaie, le SAHEL gagnerait â être arrimée à un panier de monnaies caracteristiques des échanges avec les principaux pays partenaires actuels et potentiels (Rouble, rand, franc suisse, dollars, yuan, Roupie, )

STRATÉGIE ÉCONOMIQUE

Elle pourrait s’articuler autour des points ci après:

1 Mutualiser les stratégies sécuritaires et énergétiques. Aller vers le nucléaire si l’opportunité se presente avec la Russie et en tenant compte des importants gisements d’uranium existants

  1. Faire jouer aux Etats des rôles actifs dans les stratégies de plein emploi en prenant le contre-pied du modèle occidental sur la question
  2. Focaliser les stratégies économiques communautaires sur l’érection d’industries de substitution aux importations. Les pays pris individuellement ont des balances commerciales déficitaires et importent principalement des produits pétroliers, des biens d’équipement et les produits agricoles.
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  3. Developper une complémentarité commerciale entre pays de la Confédération en promouvant la spécialisation dans certains domaines.

5 Établir des accords d’échanges avec les pays partenaires commerciaux listés ci dessus

  1. Promouvoir un amenagement du territoire basé sur la concentration des activités autour de 3 pôles-agglomérations par pays

7 Étudier la possibilité de protéger les activités industrielles à promouvoir grâce à des barrières tarifaires et non tarifaires

  1. Harmoniser les programmes éducatifs

9 Réformer les institutions d’inspiration coloniales.

  1. Consolider l’environnement des affaires grâce notamment à un meilleur accès des entreprises communautaires à la commande publique.

11 .Renforcer les capacités d’innovation à travers la recherche Développement

  1. Mettre en place des instruments de financement du développement (banque centrale, banque, développement, Caisse de refinancement hypothécaire, marché financier etc’..)

MESURES ECONOMIQUES IMMÉDIATES

Pour reussir ce nouveau depart, il est important d’avoir un plan d’action rigoureux bien lissé dans le temps. Les principales decisions stratégiques imminentes pourraient être les suivantes

  1. Entamer le processus de sortie du Franc Fcfa par une déclaration politique â trois . Capitaliser les réserves disponibles au niveau de la BCEAO. Ce processus de création d’une banque centrale pourrait être facilité par la présence de nombreux Cadres expérimentés des 3 pays à la BCEAO tout comme d’ailleurs à la BOAD et sur le marché financier de l UEMOA.

2 Engager les négociations avec le nouveau partenaire monétaire

3 Renégocier les accords miniers et envisager de trouver de nouveaux partenaires

4 Renforcer la sécurité alimentaire grâce à une priorisation du secteur agricole, de l’élevage et de la pisciculture et la mise en œuvre d’actions urgentes de maîtrise de l’eau

5 Réconcilier les balances commerciales des 3 pays afin d’établir un processus de productions croisées dynamiques

6 Interdire toute exportation de biens agricoles à court terme en dehors de la communauté en depit des règles de l’OMC

7 Ériger des industries de substitution aux importations par pays par exemple dans l’agro-business comme le coton et la production de matériaux de constructions . Les Etats seront les actionnaires initiaux en portage en attendant de céder leur part au secteur privé.

8 Entamer des maintenant des negociations de partenariats techniques avec l’expertise chinoise ou mauricienne ou autre dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique industrielle communautaire.

  1. Réhabiliter ou ériger des infrastructures clefs de communication entre les 3 pays afin de faciliter le renforcement du commerce intra-pays

10 Entamer dès maintenant les négociations avec les potentiels pays maritimes de transition

Le financement du programme pourrait se faire par les réserves de devises actuelles en ce qui concerne les aspects monétaires, la récupération des parts d’action dans les autres institutions spécialisées, la fiscalité, les plus values issues de la renégociation des contrats miniers, des emprunts sur le marché de la finance islamique ou conventionnelle, des contributions volontaires de la diaspora et des taxes supplémentaires sur les entreprises multinationales

Bien entendu comme toute initiative hautement stratégique, ce projet comporte des facteurs de risques quant à son exécution normale. Il s’agit de l’instabilité institutionnelle propre aux pays en question mais aussi de probables tentatives de sabotage du processus par des pays qui n’ont pas intérêt à ce que le projet aille à son terme.

Magaye GAYE.
Économiste international
Professeur à l’Institut Supérieur de Gestion de Paris

croissanceafrik
croissanceafrikhttps://croissanceafrique.com
Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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