Par croissanceafrique
Au Mali, la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) a tenu le samedi 3 avril 2021 au centre international de conférence de Bamako (CICB) sa 3ème audience publique non judiciaire sous le thème : « Disparitions forcées ». Cette audience a enregistré le passage de 14 témoignages poignants dont 2 collectifs et 9 individuels.
En effet, les deux témoignages collectifs concernaient d’une part le cas Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko et Kassoum Touré dont les faits datent de 1962. D’autre part, le cas Abdoul Karim Camara dit Cabral en 1980.
S’agissant du premier cas, les témoignages ont été apportés par Oumar Hamadoun Dicko, fils de Hamadoun Dicko ; El Hadji Boua Kanté Sissoko, fils de fils de Fily Dabo Sissoko ; et Mamadou Touré, fils de Kassoum Touré. Les faits datent de 1962 à 1964 sous le régime de Modibo Keita, premier président du Mali indépendant.
En 1962, le Mali dirigé par Modibo Keita avait choisi comme système politique, le socialisme qui conduisait le régime à créer le franc malien. Face à cette situation, des hommes politiques du Parti de la Solidarité et du Progrès (PSP) et des commerçants se sont opposés. C’est dans ce sens que plusieurs d’entre eux ont été arrêtés, jugés et condamnés à mort par un tribunal populaire puis envoyés à Kidal dont Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko et Kassoum Touré. Deux ans après, c’est-à-dire en 1964, ces trois hommes sont morts dans des positions confuses. Selon les témoins, ils auraient été fusillés et jetés dans leur tombe commune creusée par leur plus jeune, Hamadoun Dicko. « Nous avons pardonné en tant que victimes. Nous voulions que ça sert d’exemple. Mais nous n’avons pas oublié », ont-ils avoué. La victime Oumar Hamadoun Dicko demande à l’Etat malien d’organiser un pardon collectif pour la stabilisation du Mali.
Mamadou Bassirou Camara et Farouk Camara, tous frères de l’ancien responsable de l’Union Nationale des Élèves et Étudiants du Mali (UNEEM), Abdoul Karim Camara dit Cabral. En 1980 sous le régime de Général Moussa Traoré, ces deux frères poursuivirent leurs études en France quand Cabral fut arrêté par des agent de sécurité. Selon ses frères, certains membres de la famille furent arrêtés et torturés avant que leur frère ne soit retrouvé par ces agents. « Nous voulons tout simplement savoir où est enterré Cabral sinon nous n’avons besoin de rien », ont-ils ajouté. Dans leurs explications, les noms des anciens présidents Moussa Traoré et Amadou Toumani Touré ont été cités à plusieurs reprises. Ils auraient souhaité que cette audience se fasse en leur présence mais Dieu en a décidé autrement. Puisque ces deux hommes sont tous décédés. La tenue de cette audience non judiciaire a été une occasion pour ces deux frères d’adresser des messages forts à l’endroit des autorités du Mali. Ces messages sont surtout accentués sur les maux qui freinent le développement socioéconomique du Mali notamment la corruption, le népotisme, la mauvaise gouvernance.
Depuis 2015, le mari de Fatoumata Traoré fut enlevé à Niafunké par les éléments du MNLA quand son mari et ses amis étaient partis chercher une nouvelle mariée dans un autre village. Au moment de l’événement, cette dame était enceinte et a accouché 3 jours seulement après la disparition de son mari. Jusqu’aujourd’hui, elle n’a aucune de ses nouvelles. Selon elle, les femmes des autres disparus sont remariées à d’autres hommes. Mais elle, est toujours à l’attende de son mari.
Maintenant elle fait la cuisine pour des patients dans un centre de santé pour subvenir à ses besoins. Donta Ag Sweillance, âgé de 65 ans, est éleveur à Gao. Cet éleveur accuse l’armée malienne d’être l’auteur de la disparition de ses 2 neveux en 2012 à Sevaré. Il s’agit d’un enseignant en poste à Markala et un élève qui ont décidé d’aller passer les congés à Gao. Ayant emprunté le bus à Ségou, à chaque escale, des échanges téléphoniques se passèrent entre eux et les parents à Gao.
Mais arrivés à Sevaré, ces deux hommes furent enlevés par des militaires maliens, selon les explications de la victime Donta Ag Sweillance. Depuis ce jour, les parents sont restés sans nouvelles de ces deux disparus.
A noter que toutes les victimes ont pardonné et prononcé des messages de paix et la réconciliation nationale.
Pour rappel, aux termes de l’article 2 de l’ordonnance N°2014-003/P-RM du 15 janvier 2014, la CVJR a pour mission de « contribuer à l’instauration d’une paix durable à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation de l’unité nationale et des valeurs démocratiques ».
Notons qu’elle ne rend pas des décisions judiciaires comme les cours et tribunaux.
IB KONE