(Tribune): Les pays africains qualifiés de locomotives dans la lutte pour la parité homme-femme ont-ils vraiment pris la bonne décision? (Par Magaye GAYE)

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(CROISSANCE AFRIQUE)-Les élections législatives du 31 juillet au Sénégal, dont la campagne en cours se déroule sur fond de tension notamment sur les listes paritaires, constituent une occasion de choix de réfléchir sur cette problématique qui ne cesse de saborder les processus électoraux en Afrique.
 
L’adoption brutale et peu lucide, teintée de mimétisme et irresponsable de cette égalité parfaite homme-femme dans les systèmes de gouvernance en Afrique reflète le manque de vision de la plupart des dirigeants du Continent et leurs prédispositions systématiques à copier sans réfléchir tout ce qui vient d’ailleurs notamment de l’Occident.
 
Six Etats africains figurent parmi les vingt du monde ayant le plus de femmes au Parlement. Le Rwanda arrive en première position, avec 61 % de femmes députés contre une moyenne mondiale de 24 %, suivi de la Namibie, de l’Afrique du Sud, du Sénégal, du Mozambique et de l’Ethiopie.
 
Au Sénégal, c’est une loi électorale sur la parité « absolue » qui a été adoptée en 2010 sous la pression d’une coalition de femmes intellectuelles. Le texte stipule que 50 % de femmes doivent figurer sur les listes de tous les scrutins, sur la base d’une alternance hommes-femmes. La conséquence d’une telle loi est que lors des législatives de 2012, la part des femmes au Parlement a fortement progressé en passant de 22 % à 42 %.Elles sont actuellement 69 députées pour un total de 165 sièges, soit 41,82 % de l’hémicycle, ce qui est largement plus que la moyenne mondiale (24,1 %) et que la moyenne subsaharienne (23,8 %).

Le Parlement  est une institution importante dans l’exercice démocratique mais à condition que les règles en matière de séparation de pouvoirs soient rigoureusement respectées. C’est lui qui notamment contrôle l’action du Gouvernement.
 
Les pays africains qualifiés de locomotives dans cette lutte pour la parité ont-ils vraiment pris la bonne décision?
 
En effet, comment comprendre que face au constat réel que la gente féminine accumule des retards très importants, qu’il faut évidemment absolument corriger, en matière d’éducation, de formation, d’insertion économique, certains pays africains en soient arrivés à Instaurer un système de management égalitaire  homme -femme qui tire absolument par le bas la collectivité toute entière.
 
En prenant l’exemple sur le Sénégal, ce pays classé à la 11ème place mondiale devance des pays comme la Finlande et la France. Pourtant, les niveaux de développement sont incomparables; à titre d’exemple, le niveau d’accès à la connaissance et les conditions professionnelles globales des femmes sont bien meilleures en France, qui en 2017 enregistrait déjà  un taux de scolarisation de 80,5 % des filles âgées de 18 ans. De plus, ce pays, hors Mayotte arrive d’après les statistiques de 2018 à assurer un taux d’insertion professionnelle de 68,2 % en faveur de ses femmes âgées de 15-64 ans. Ces performances tranchent avec la situation peu reluisante des femmes au Sénégal où, par exemple, en zone rurale, l’approvisionnement en eau pour la famille continue d’occuper 52 % d’entre elles dont 89 % s’adonnent à la recherche du bois de chauffe pour la cuisson.
 
De mon point de vue, aussi bien l’homme que la femme doivent être traités de manière équitable et non sur une base égalitaire; évidement,  en dehors de toute discrimination. En effet, les statuts morphologiques sont différents de même que les rôles socio-économiques ancestraux formatés par des standards culturels et religieux. 
 
La gente féminine est engagée, déterminée et très importante du point de vue social. Je peux aussi témoigner que mises dans les mêmes conditions d’épanouissement que les hommes, les femmes sont beaucoup plus consciencieuses et responsables. Mais force est de constater qu’elles ont été pendant longtemps injustement mises à l’écart dans les politiques publiques pour des raisons culturelles mais aussi économiques et religieuses.
 
Le corollaire de cette situation est qu’à l’ exception de quelques-unes, la grosse majorité n’est pas préparée à intégrer les sphères de décision publiques. Et le gap à rattraper est énorme. Elles n’ont pas un accès direct aux intrants, aux semences et aux financements, ce qui a pour conséquence une productivité plus faible que celle des hommes. A cela, il faut encore ajouter que du fait de leurs rôles sociaux qui les assignent aux tâches domestiques et à l’éducation des enfants, les femmes n’ont pas suffisamment de temps à consacrer aux activités de production.
 
Par ailleurs, un pays comme le Sénégal s’enorgueillit de se retrouver au 11ème rang mondial quant au nombre de femmes parlementaires mais évite soigneusement de porter un regard critique sur la déliquescence de l’action législative observée depuis 2012.
 
Des décideurs responsables auraient dû leur aménager des programmes de rattrapage avant de songer de manière mécanique à les insérer dans les sphères de décisions publiques sur la base d’une alternance mécanique homme-femme. 
 
Pour les différentes raisons qui précèdent, les politiques publiques en matière de parité en Afrique génèrent plus de discriminations négatives que positives.
 
Après le démantèlement, sous la pression des institutions de Bretton Woods, de l’école publique dans les années  80, lequel, a impacté négativement la qualité des ressources humaines dans de nombreux pays africains, la parité constitue un autre facteur de risque sur l’avenir de l’Afrique. N’est- il pas trop tard pour y remédier ? A quand vraiment  une gouvernance responsable en Afrique?
 
Magaye GAYE
 
Économiste International 
 
Professeur à l’Institut Supérieur de Gestion de Paris

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Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne dont un mensuel disponible dans les kiosques à journaux) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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