Dans de nombreux hôpitaux africains, une scène devenue banale interroge de plus en plus : celle du malade qui attend, pendant qu’un délégué médical s’entretient longuement avec le médecin.
Cette situation, si elle est tolérée depuis des années, mérite aujourd’hui une réflexion sérieuse. Non pas pour condamner le métier de délégué médical — qui joue un rôle important dans la diffusion de l’innovation thérapeutique — mais pour clarifier les règles du jeu dans un souci d’éthique, de transparence et de respect du patient.
- Un rôle utile mais à encadrer
Le délégué médical a pour mission de présenter aux médecins les nouveaux médicaments de son laboratoire. Il apporte de l’information, des études cliniques, et parfois des échantillons utiles à la prescription. Ce travail est utile à la science médicale, à condition qu’il ne se fasse ni au détriment du temps de soin, ni dans une logique de pression ou de promotion commerciale excessive.
- Pendant ce temps le malade attend et s’interroge
Il devient problématique que, dans certains établissements, ces représentants soient reçus avant les malades, parfois même pendant les heures de consultation. Le message envoyé est doublement négatif :
Le patient, pourtant souvent en souffrance, se sent relégué au second plan.
La relation de confiance entre le système de santé et les usagers s’érode.
Cette situation n’est pas forcément le fait des délégués eux-mêmes, mais plutôt d’un vide organisationnel et réglementaire qui laisse la porte ouverte à des pratiques inadaptées.
- Des modèles à méditer pour une réforme équilibrée
Sans importer de modèle, plusieurs bonnes pratiques observées ailleurs pourraient inspirer des ajustements :
En Europe, de nombreux médecins ne prescrivent plus le nom commercial du médicament, mais la molécule active (par exemple : paracétamol au lieu de Doliprane).
Cela neutralise l’influence des laboratoires et redonne au pharmacien la possibilité de proposer le générique le plus accessible, sans compromettre la qualité du traitement
Quelques solutions possibles
A Planifier les visites de délégués médicaux en dehors des heures de consultation ;
B Encadrer légalement les relations entre laboratoires et professionnels de santé, en garantissant la transparence ;
C Former les médecins sur l’éthique du lien avec l’industrie pharmaceutique.
D De plus, renforcer la prescription par nom de molécule (DCI) et encourager le rôle du pharmacien dans la substitution peuvent permettre de limiter les influences commerciales au profit de l’accessibilité et de l’efficacité thérapeutique.
- Un débat apaisé pour une réforme nécessaire
Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur les délégués médicaux, ni sur les médecins qui les reçoivent. Il s’agit d’organiser l’interaction dans le respect de la déontologie médicale et de la dignité du malade. Cette clarification est une étape nécessaire pour moderniser nos systèmes de santé, renforcer la confiance, et remettre le patient au centre.