Restauration de l’autorité parentale au Mali : Quel impact dans la cohésion sociale ?

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(CROISSANCE AFRIQUE)Au Mali, l’autorité parentale, autrefois considérée comme une pierre angulaire de l’éducation et de l’organisation sociale, s’érode progressivement. De nombreux parents, confrontés à des défis croissants, semblent parfois l’ignorer et apparaissent comme perdus face à cette responsabilité cruciale. Dans les familles où elle est encore exercée, il est observé que les enfants, une fois qu’ils quittent l’environnement familial, ont tendance à ne pas en tenir compte en raison des influences extérieures et des pressions sociétales.

Pourtant, il fut un temps où l’enfant appartenait à une plus large communauté ; tous les membres avaient une autorité égale et partageaient la responsabilité de l’éducation et du bien-être de chaque enfant. Cette réalité sociale, désormais détériorée, entraîne une multitude de conséquences néfastes qui non seulement affectent les interactions familiales mais ont aussi un impact considérable sur la cohésion sociale et le tissu communautaire.

Mohamed Guindo, sociologue met en lumière l’importance d’une fondation culturelle solide pour l’exercice de l’autorité parentale. « L’autorité parentale est inévitablement influencée par le désir de chaque parent de transmettre à l’enfant les normes et les valeurs issues de sa propre culture. Par conséquent, l’autorité parentale devient une notion relative, surtout à une époque où l’intervention de l’État dans les affaires familiales, favorisée par la démocratie, a progressivement érodé l’autorité parentale traditionnelle. Cela a été exacerbé par le cadre législatif entourant les droits des enfants. Or, ces droits, bien qu’enracinés dans les idéaux démocratiques, ne s’alignent pas toujours avec la réalité spécifique de notre contexte malien. Historiquement, dans notre culture, l’autorité parentale était exercée en lien avec le développement physique de l’enfant, tout en lui enseignant ses droits et devoirs, assortis de récompenses ou, au besoin, de mesures coercitives telles que la menace, pour assurer la conformité.

L’impact de cette dégradation sur les relations sociales peut être considérable. Ces dérives peuvent entraîner un affaiblissement de la cohésion sociale. Assetou Traoré, qui assume seule les responsabilités parentales, témoigne de son rôle en tant que principale influenceuse dans la vie de son enfant. Elle met un point d’honneur à enseigner à son fils des valeurs positives et essentielles, lui inculquant ainsi un équilibre et une éthique. Selon elle, être Maman sans mari ne devrait en aucun cas être une excuse pour ne pas inculquer à l’enfant les principes nécessaires pour s’épanouir pleinement dans la vie.

Seydou Diaby, un père divorcé, précise qu’il est important de rappeler quel’enfant doit toujours rester au centre des préoccupations familiales communes. Ayant la garde de ses deux enfants, Seydou s’assure d’impliquer leur mère dans toutes les décisions importantes qui concernent leur vie, afin de garantir un environnement équilibré aux enfants.

BouramaSamaké, en couple, considère que la priorité absolue dans l’éducation des enfants est la transmission des valeurs. Pour lui, à la maison, le père et la mère sont les piliers essentiels qui soutiennent et guident les enfants dans leur développement. Il compare le processus éducatif d’un enfant à un resserrement précis et attentif, soulignant l’importance d’un suivi rigoureux et d’une attention continue dans leur croissance, comme un resserrage de boulon, pour ne pas laisser d’espaces à de mauvaises influences.

« À chaque mauvais comportement observé au sein de ma famille, je procède d’abord par un avertissement. Si l’enfant persiste, je recoure à la correction. De plus, dans ce rôle d’éducateur, il est crucial que la mère assiste le père, particulièrement lorsque celui-ci est souvent absent », ajoute Bourama. Pour la fille de Bourama, Kadiatou Samaké, son père leur a inculqué des valeurs fondamentales telles que l’interdiction formelle de l’insulte, l’importance de la vérité en toutes circonstances, et le respect inconditionnel envers les aînés.

La perte de ces valeurs a eu un impact dévastateur sur la société actuelle, comme le souligne Boureïma Diakité, l’Imam de la mosquée de « Tassolobougou ». Selon lui, « nous avons perdu nos valeurs qui étaient le ciment de notre cohésion sociale. Auparavant, l’éducation de l’enfant ne reposait pas uniquement sur les parents, mais impliquait aussi le grand frère. Cette méthode était destinée à éviter que l’affection naturelle des parents ne les empêche de fixer des limites claires et de conduire l’enfant avec fermeté jusqu’à son mariage, et réciproquement pour l’enfant du grand frère ».

L’école, selon l’imam, a également introduit un nouveau mode de compréhension des choses chez les jeunes élèves. De nos jours, les enfants non seulement croient, mais pratiquent aussi de nombreuses idées enseignées par leurs professeurs. Il exhorte donc ces enseignants à transmettre nos valeurs. Par ailleurs, la démission des parents joue un rôle significatif dans l’affaiblissement de l’autorité parentale. Selon l’imam, cela résulte, entre autres, de contraintes économiques qui accaparent les parents. Il en appelle avec insistance aux parents, leur demandant de reprendre leurs responsabilités et de surveiller de près les activités de leurs enfants. Cela inclut un contrôle accru des relations qu’ils nouent, une attention vigilante à l’usage qu’ils font de leur téléphone, et une supervision rigoureuse de leurs horaires de sortie et de rentrée, dans le but de mieux encadrer et protéger la jeunesse.

SekoubaTassolo Traoré, défenseur des traditions, pense qu’il est impératif de renouer avec nos valeurs ancestrales, qui constituaient jadis le socle de notre société, afin de garantir le bien-être collectif et de restaurer un équilibre social durable.

La cohésion sociale a été érodée et diminuée à cause de l’effritement de l’autorité parentale au sein de notre société. « Des voisins se sont retrouvés à la gendarmerie parce que l’un a puni l’enfant de l’autre », ce qui était impensable chez nous », affirme BouramaSamaké. Fadjalan Kouyaté, griot, dit avoir intervenu pendant 6 mois auprès de deux frères qui étaient allés jusqu’au tribunal pour un conflit causé par un enfant.

Notons que le projet de la Charte Nationale pour la paix et la réconciliation sociale précise avec soin l’autorité des parents en tant que l’ensemble des droits et obligations visant à assurer à leurs enfants protection, épanouissement total, bonne éducation, santé optimale, et moralité irréprochable.

Kadidia Doumbia

Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) au Mali et NED.

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