(CROISSANCE AFRIQUE)-Au Bénin, la tentative de coup d’État déjouée ce dimanche, un événement qui a secoué le paysage politique du pays, n’a pas tardé à susciter une réaction immédiate sur les marchés internationaux, marquant une dynamique d’incertitude et de réaction rapide des investisseurs.
Ainsi, ces derniers, habituellement très sensibles aux risques politiques qui peuvent émerger en Afrique de l’Ouest, ont rapidement sanctionné les eurobonds du pays dès l’ouverture des échanges ce lundi matin, témoignant ainsi de leur préoccupation face à la stabilité politique de la région. Toutefois, au fil de la journée, une certaine correction des prix a pu être observée, permettant aux marchés de se stabiliser quelque peu malgré l’inquiétude ambiante.
Selon les données pertinentes fournies par Tradeweb, les eurobonds béninois arrivant à échéance en 2052 ont connu une chute notable, reculant jusqu’à 1,8 centime pour tomber à 88,04 centimes d’euro, ce qui souligne l’impact direct de la crise sur la perception des investisseurs. De même, les titres libellés en dollars ont suivi une tendance similaire, enregistrant une perte d’environ 1,5 centime face au dollar, ce qui illustre la réaction des marchés envers la situation politique du pays.
Cependant, il est important de noter que les maturités les plus longues ont montré une certaine résilience en réduisant leurs pertes tout au long de la séance, ce qui témoigne du fait que les investisseurs ont rapidement intégré la fin de la menace de coup d’État. En conséquence, les obligations arrivant à échéance en 2038 et au-delà n’ont finalement cédé qu’un peu plus d’un centime chacune, suggérant ainsi un regain de confiance à mesure que la situation évolue et que la stabilité politique semble se retrouver sur le chemin de la normalité.
Pour BMI, la filiale de Fitch Solutions, qui a été citée par l’agence de presse Reuters dans ses analyses récentes sur la situation politique au Bénin, cet épisode tumultueux pourrait néanmoins avoir des conséquences néfastes sur l’image de stabilité qui distinguait traditionnellement le pays dans une région tournée vers l’incertitude et secouée par des coups d’État fréquents. Cette situation, selon les experts de BMI, pourrait risquer de ternir la réputation de stabilité relative du pays, ce qui est particulièrement préoccupant dans un contexte où la confiance des investisseurs et des partenaires internationaux est d’une importance capitale.
La firme a exprimé ses inquiétudes dans une note adressée à ses clients, soulignant que la perception de sécurité et de gouvernance est essentielle à la prospérité économique. Le président Patrice Talon a confirmé que l’armée avait effectivement mis en échec une opération surprise menée par un groupe de soldats, ce qui souligne les tensions internes qui peuvent émerger malgré une façade de calme.
Malgré ce coup de semonce qui pourrait faire trembler les fondations de la confiance publique, BMI estime que les prochaines échéances démocratiques, y compris les législatives prévues pour janvier et la présidentielle pour avril, devraient se tenir comme initialement prévu. Dans cette dernière course politique cruciale, le ministre de l’Économie et des Finances, Romuald Wadagni, est toujours considéré comme le grand favori, bénéficiant de l’appui de plusieurs factions politiques et économiques, ce qui préfigure une compétition intense dans le paysage politique du Bénin.
La tentative avortée de coup d’État au Bénin survient dans un contexte régional très préoccupant, marqué par une succession alarmante de ruptures de l’ordre constitutionnel dans plusieurs pays voisins tels que le Niger, le Burkina Faso, le Mali, la Guinée, et plus récemment, la Guinée-Bissau. Ces événements soulignent une instabilité croissante en Afrique de l’Ouest, où la démocratie est mise à l’épreuve.
En revanche, le Bénin se distingue par le fait qu’il n’a pas connu de coup d’État réussi depuis 1972, ce qui représente plus d’un demi-siècle de stabilité institutionnelle et de résilience politique, témoignant ainsi d’une volonté collective de maintenir l’ordre et la paix au sein des enjeux locaux. Malgré le choc initial provoqué par cette tentative de renversement du régime, certains experts et observateurs notent que la réaction rapide et déterminée des autorités béninoises, accompagnée du soutien de leurs partenaires régionaux, a joué un rôle crucial pour rassurer les marchés financiers et préserver la confiance des investisseurs.
Jamie Fallon, analyste chez Tellimer, interrogé par l’agence de presse britannique, met en lumière que ce dénouement illustre « une stabilité remarquable de 53 ans dans une Afrique de l’Ouest sujette aux tentatives de coup d’État ». Il exprime également des éloges concernant le « fort engagement international en faveur de la défense de l’ordre constitutionnel », soulignant ainsi l’importance des alliances et du soutien extérieur dans la préservation de la démocratie au Bénin. Notamment, le Nigeria a agi de manière proactive en déployant des avions de chasse pour soutenir le gouvernement béninois, tandis que la CEDEAO, consciente des enjeux régionaux, a ordonné l’envoi immédiat de troupes composées de soldats du Nigeria, de la Sierra Leone et de la Côte d’Ivoire, avec l’objectif de rétablir et de maintenir l’ordre dans le pays.
Si l’épisode d’instabilité a mis en lumière la vulnérabilité politique de la région, il est intéressant de noter que la réaction modérée mais immédiate des marchés financiers souligne de manière significative l’importance cruciale de la stabilité institutionnelle pour la solidité et la renommée de l’économie béninoise. En effet, le rétablissement rapide des prix obligataires témoigne vivement de la confiance persistante des investisseurs, qui continuent de considérer le Bénin comme l’une des économies les plus résilientes et prometteuses d’Afrique de l’Ouest, malgré les défis actuels. Cette résilience pourrait être interprétée comme un signe encourageant pour les acteurs économiques.
Notons que dans les mois qui précèdent les échéances électorales, le gouvernement devra redoubler d’efforts pour non seulement préserver, mais aussi renforcer cette crédibilité, car un tel maintien est essentiel dans un contexte où les marchés internationaux scrutent de près chaque signe potentiel de fragilité politique ou d’incertitude qui pourrait apparaître. La vigilance et la prudence seront donc des alliées indéfectibles pour naviguer dans cette période délicate.
Abdoulaye KONÉ

