BAD : Akinwumi Adesina, un homme de vision pour l’Afrique qu’on veut jeter en pâture

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Par Sidiki NOUARE

                                                

                                                            

L’ancien Président français, Valéry Giscard d’Estaing disait : « Il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison ». Nous aurions pu observer cette formule en gardant le mutisme face à un tas de calomnies contre l’actuel Président de la Banque Africaine de Développement (BAD), mais la cabale est telle que chaque africain, soucieux du devenir de l’Afrique, doit soutenir celui qui, par sa vision, tente de donner espoir à notre continent pour son développement. La Banque Africaine de Développement (BAD) est la première grande institution financière panafricaine de développement chargée de promouvoir la croissance économique et le progrès social dans l’ensemble du continent. Elle vise à réduire la pauvreté par une croissance économique inclusive et durable. Elle est secouée depuis un certain temps par une crise profonde interne. Au

cœur de cette crise, son Président, le Dr Akinwumi Adesina qui fait l’objet d’un lynchage orchestré par une frange du personnel à l’interne, soutenue par des partenaires extérieurs dont les Etats Unis.

Qui est l’homme ?

Réduire la pauvreté est donc l’un des objectifs stratégiques de la BAD. Le Dr Akinwumi Adesina sait ce que c’est que la pauvreté. Il est né et grandi dans une famille pauvre. Il vivait dans un quartier déshérité où il n’y avait pas assez d’eau ni de système sanitaire. Il partageait une seule chambre avec quatre de ses frères. Dans une interview à un journal français en 2017, il avoue : « Moi, je suis né dans la pauvreté, ce n’est pas quelque chose de théorique pour moi, je connais. J’ai réussi à m’en sortir et à aller à l’école. C’est pourquoi j’ai envie de m’impliquer pour créer de l’espoir et donner des opportunités à chacun. »

C’est justement en voulant « créer de l’espoir » et servir l’Afrique que l’homme brigua la présidence de la BAD en 2015. Et fait rarissime, pour la première fois, le Patron d’une grande institution financière n’est ni un financier, ni un banquier, mais un spécialiste de l’agriculture. Oui, les actionnaires de la BAD ne s’y sont pas trompés. Leur choix cadre parfaitement avec ce que doit être la priorité des priorités pour l’Afrique. Notre continent a une chance unique à exploiter : elle possède 65% des terres arables non cultivées, et paradoxalement, il débourse chaque année 35 milliards de dollars pour nourrir sa population ! Le Dr Adesina veut mettre fin à cette anomalie et faire en sorte que les africains puissent transformer ce qu’ils produisent. Il en fait

son cheval de bataille depuis qu’il dirige la Banque, sans oublier les autres secteurs comme l’électricité, l’eau, les infrastructures.

Un continent qui veut se développer doit pouvoir nourrir d’abord sa propre population et le secteur agricole est un secteur pourvoyeur d’emplois massifs. Son compatriote, l’homme le plus riche d’Afrique Aliko DANGOTE, suit ses traces en se lançant dans l’agriculture. Le groupe Dangoté a créé à KANO la plus grande usine de sauce tomate en Afrique de l’Ouest. Ce qui a fait dire au Gouverneur de KANO que « la tomate est plus puissante que le pétrole ».

Contrairement à un passé récent, toutes les grandes institutions internationales (Banque Mondiale, FMI, UE, AFD etc) reconnaissent aujourd’hui qu’il faut accorder la priorité à l’agriculture comme vecteur du développement de l’Afrique.

Son parcours

Dans cette vision de faire reculer la pauvreté en Afrique en vue d’asseoir son progrès, le Dr Adesina emploie ses atouts en capitalisant ses nombreuses expériences, car l’agroéconomiste qu’il est, a fait ses preuves partout où il est passé.

Avant de devenir ministre de l’agriculture au Nigéria en 2011, il a travaillé à l’Alliance pour une Révolution verte en Afrique (Agra), la fondation américaine Rockefeller. En tant que ministre de l’agriculture, il a réduit de 50% les importations alimentaires du Nigéria et créé plus de trois (3) millions d’emplois en trois (3) ans !

Ce qui lui a valu d’être élu en 2013 par le magazine FORBES « personnalité africaine de l’année » pour les réformes agricoles dans son pays. « C’est un homme en mission pour aider l’Afrique à se nourrir elle-même », écrivait alors le journal économique américain. En effet, selon A. Adesina, « C’est l’Afrique qui devrait nourrir le monde, pas l’inverse ».

Ses actions

Concernant les actions à la tête de la BAD, nous nous réservons de faire un bilan quelconque du Président Adesina depuis son élection en 2015. Ce n’est pas le but de cette tribune. D’autres voies plus appropriées et plus autorisées le feront certainement à temps opportun.

Cependant il y a un fait suffisamment rare pour être souligné : Le président vient d’engranger en octobre dernier, un succès personnel avec une augmentation géante du capital de la BAD à 115 milliards de dollars qui serviront à accélérer les projets prioritaires de l’Afrique (électricité, transports, eau, assainissement).

Du jamais vu au niveau de la BAD !

Que reproche-t-on à ADESINA ? L’actuel Président de la BAD est accusé, entre autres, de favoritisme dans de nombreuses nominations de cadres nigérians, de tentatives de corruption, de comportements contraires à

l’éthique et d’enrichissement personnel, notamment les montants des Prix reçus qu’il n’aurait pas versés à la Banque.

Ce qu’il faut cependant noter dans toutes ces accusations, c’est que nulle part, il n’est reproché au Président Adesina qu’il n’est plus en phase avec les missions à lui confiées par les instances de la Banque, ni avec les objectifs de la Banque ou que la performance de la Banque est remise en cause. Non.

L’intéressé réfute les accusations portées contre lui, le comité d’éthique lui a donné raison, lesquelles accusations, selon le comité d’éthique, « ne reposent sur aucun fait objectif et solide ». Le 26 mai 2020, le conseil des gouverneurs de la Banque décide de lancer une enquête indépendante sur le Président, emboîtant le pas aux Etats Unis.

Revenant aux faits et concernant les nominations, il est clair que ce sont les textes de la BAD qui donnent plein pouvoir au Président de nommer qui il veut et de relever qui il veut. Là, il ne fait que respecter les textes en vigueur. Cela relève-t-il de ses prérogatives. Si le président a trop de pouvoirs, il revient aux instances de la BAD de revisiter les textes institutionnels. Pour ce qui est de la surreprésentation des cadres Nigérians, il est même évident qu’en tant que premier actionnaire, le Nigéria est même sous représenté au niveau de l’institution financière. Un habitué de la Banque dénonce ce faux procès : « Proportionnellement à ses parts de capital, le Nigéria avec 9,33% est sous-représenté parmi le personnel de la BAD. A l’inverse, la France avec 3,7% compte de nombreux salariés ». Il faut souligner aussi que sous la

présidence Kaberuka, les cadres rwandais étaient aussi plus nombreux. Donc, c’est une mauvaise querelle qu’on fait au Président.

Vous avez dit corruption ? Ça ne lui ressemble pas non plus à notre avis. N’est-ce pas lui qui a mis fin à la corruption ambiante dans le secteur de l’agriculture dans son pays, le Nigéria, quand il était ministre de l’agriculture ?

La transparence s’était améliorée dans la gestion et la distribution des engrais, sources de nombreuses corruptions à l’époque dans ce pays où « si on lutte contre la corruption, il faut être prêt à en payer un prix très personnel » comme le reconnaissait Ngozi Okonjo-Iweala, plusieurs fois ministre des Finances du Nigéria, ancienne Directrice Générale à la Banque Mondiale.

Pour les montants des Prix reçus par le Dr Adesina qui ne seraient pas versés à la Banque, le Prix World Food Prize 2017, (doté de 250 000 de dollars) par exemple n’est pas destiné à la BAD mais à l’homme Akinwumi Adesina pour sa « contribution exceptionnelle et son travail sans relâche en faveur d’une meilleure disponibilité des semences et des engrais pour les agriculteurs africains, d’un plus large accès de ces derniers aux financements, ainsi que pour avoir posé les jalons d’un plus grand engagement des jeunes Africains dans le secteur agricole, en tant qu’activité lucrative ».

Mais aussi et surtout, c’est le témoignage du travail qu’Akinwumi Adesina a accompli durant les deux dernières décennies, avec la Fondation Rockefeller et l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), et en tant que ministre de l’Agriculture et du Développement rural du Nigeria. Ce prix-là lui est destiné à titre personnel, mais le Dr Adesina avait même promis de consacrer les 250 000 dollars à un fonds destiné à soutenir les jeunes agriculteurs et entrepreneurs agricoles.

Que retenir ?

Nous disons que partout dans le monde et dans toute grande organisation, vous trouverez toujours des personnes qui sont réfractaires au changement et aux réformes ; partout dans le monde, vous trouverez des dirigeants qui ont nommé ou promu des proches dans leur cercle restreint, sans que cela ne puisse entamer en rien la bonne marche de l’organisation ou même du pays !

De ce qui précède, il apparaît clairement que l’objectif de la cabale orchestrée contre Akinwumi Adesina ne vise rien d’autre qu’à empêcher sa réélection. Sachons raison garder et se dire que tout ce qui donne en pâture une personne, sans fondement, de façon excessive, n’est jamais bien.

Messieurs les Gouverneurs de la BAD, Akinwumi Adesina est une chance pour l’Afrique, il ne doit pas partir de sitôt, l’Afrique va le regretter, mais le dernier mot vous revient. Quand il s’agira de se prononcer sur les résultats de la commission d’enquête indépendante, posez-vous surtout ces quelques questions avant de décider : Les accusations portées contre le Président de la BAD sont-elles objectivement fondées sur des bases solides et crédibles ? La BAD

est-elle sur la bonne voie ? Est-ce que le Président Adesina a-t-il dévié sur les objectifs et les missions de la BAD ? Les performances de la BAD sont-elles mises en cause ?

Pour le reste, ne vous fiez pas aux tas de calomnies et aux mensonges, car comme le rappelait cet homme politique : « Des mensonges, fussent-ils répétés cent fois, ne parviendront jamais à constituer une demi-vérité. »

Sidiki BOUARE

Conseiller du Directeur Général de l’Agence Nationale pour l’Emploi (ANPE) – Mali

BP 211 Bamako, Mali

Médaillé du Mérite National

Ancien Président du Comité de Pilotage du Programme d’Appui aux Initiatives pour la Sécurité Alimentaire au Mali, au Burkina et au Sénégal (PAISA/MaBuSen) du Réseau d’ONG Ouest Africaines SADIO / Partenariat WATER AID, TERRE NOUVELLE et FONDS BELGE DE SURVIE (2004-2009)

croissanceafrik
croissanceafrikhttps://croissanceafrique.com
Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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