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(CROISSANCE AFRIQUE)- Le Mali a officiellement créé en 1973 sa première structure chargée de l’éducation des enfants aveugles et malvoyants. A ce jour, leur formation demeure un défi persistant.
Le manque d’outils pédagogiques adaptés, conjugué à d’autres lacunes complique leur apprentissage. Mohamed Konaré, élève, a débuté son cursus scolaire à l’école classique. En raison de problèmes de vision, il a été pris en charge par l’Institut des Jeunes Aveugles (IJA). Sa mère, Mme Konaré Oumou Ouattara, exprime sa satisfaction quant à l’encadrement de son enfant.
Selon elle, bien que les débuts aient été quelque peu difficiles son enfant, grâce à son courage et à celui des enseignants, Mohamed a su rapidement s’adapter à son environnement et à l’apprentissage de l’écriture en braille. Elle espère que les responsables s’engageront davantage pour assurer la sécurité de ces enfants : « Ces enfants ne peuvent pas se défendre seuls si jamais des personnes mal intentionnées tentaient de les enlever. Si l’école est mieux sécurisée, les parents pourront avoir l’esprit tranquille ».
En revanche, Djita Kanté n’a pas pu scolariser son enfant aveugle de naissance : « J’aurais aimé l’amener à l’école, mais nous vivons dans une région dépourvue d’établissements adaptés pour lui. De plus, son père nous a abandonnés dès sa naissance et je ne dispose pas de ressources suffisantes. Il a aujourd’hui dix ans et je suis extrêmement préoccupée par son avenir. ».
Depuis 1973, l’IJA a formé de nombreux cadres voyants et malvoyants. M. Hadji Barry, président de l’Union des aveugles du Mali (UMAV) et président par intérim de la fédération des associations de personnes handicapées, fait partie des premiers élèves de l’IJA. « Aujourd’hui, les produits de l’IJA œuvrent tous les secteurs », explique M. Barry. Aujourd’hui, le Mali abrite trois écoles pour aveugles et malvoyants, à Bamako, Ségou et Gao.
Ainsi, l’accès aux matériels didactiques, à la documentation et aux infrastructures scolaires demeure encore difficiles. M. Barry estime qu’il est impératif de redoubler d’efforts pour améliorer l’éducation des enfants aveugles et malvoyants. Ces efforts doivent notamment viser l’acquisition de matériels pédagogiques introuvables sur le territoire malien. De surcroît, il a souligné la nécessité d’accéder à la documentation en braille, ce qui contraint les élèves et étudiants à s’adapter à cette réalité.
M. Ogonagalou Dolo, professeur d’Histoire et de Géographie au second cycle de l’IJA, également chef de l’internat et non voyant, pense qu’il est crucial de mettre l’accent sur le matériel didactique.
M. Chacka Diabaté, directeur coordinateur de l’IJA, singulièrement, Directeur du second cycle, appui ce problème de matériel. D’après lui, outre l’État, les ONG qui leur apportaient une aide précieuse, sont parties en raison de la crise. « Il faut l’intervention de l’État afin de résoudre les problèmes majeurs, car la crise et le départ des ONG nous ont profondément affectés ».
L’importance de la formation des enseignants aux systèmes adaptés est primordiale. M. Barry souligne qu’il est impératif d’instaurer, au sein de l’Institut de Formation des Maîtres (IFM), des formations initiales afin que les enseignants, une fois en poste, puissent s’approprier le braille. L’adaptabilité des enseignants, tant au niveau des lycées que des universités, est, selon lui, cruciale. M. Diabaté a également mentionné la nécessité d’une formation approfondie des enseignants pour qu’ils puissent tirer parti des innovations dans le cadre de l’éducation inclusive, et prendre en charge ces enfants de manière adéquate.
Cependant, M. Barry déplore les préjugés sociaux qui affectent considérablement l’éducation des déficients visuels. « Le handicap ne constitue nullement une fatalité », dit-il.
Pour mieux prendre en charge les déficients visuels, l’IJA, aux dires de M. Diabaté, a mis l’accent sur l’inclusion qui consiste à amener les élèves voyants à prendre en charge les malvoyants.
« Les établissements scolaires adaptés aux malvoyants sont peu nombreux au Mali. Le manque d’autres centres complique la prise en charge de ces enfants, d’où le recours à l’internat au sein de l’école, sauf si les parents disposent des moyens nécessaires pour les garder chez eux et les amener à l’école du lundi au vendredi. Aujourd’hui, l’IJA de Bamako compte plus de 400 élèves aveugles et malvoyants ».
Les insuffisances de ressources représentent une difficulté majeure. « L’internat constitue l’un des principaux problèmes. En outre, il faudrait que l’Etat motive les enseignants par des indemnité. Ils déploient des efforts considérables afin de donner le meilleur d’eux-mêmes dans l’encadrement de ces enfants », dit-il.
A son tour, monsieur Barry exhorte les personnes malvoyantes à faire preuve d’un grand courage. Aux parents, il demande de comprendre que leurs enfants ne sont pas des fardeaux. M. Dolo appelle les autorités à s’engager davantage pour améliorer les conditions des élèves, en particulier en ce qui concerne les problèmes de nourriture et de médicaments au sein de l’internat.
Selon le 5 ème rapport d’analyse des données du Recensement général de la population et de l’Habitat (RGPH5 ) les personnes vivant avec handicap sont défavorisés en matière d’éducation. Le taux de scolarisation au fondamental est de 24,5% pour les personnes vivant avec handicap contre 42,4% pour les personnes sans handicap.
Kadidia Doumbia
Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) et NED au Mali.