(CROISSANCE AFRIQUE)-Patrick KODJO est un homme respecté. Fils de l’ancien Secrétaire Général de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), devenu Union africaine (UA), et ancien Premier Ministre du Togo, il a effectué la quasi-totalité de sa carrière, près de trente (30) années, au Siège de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Dakar. Dans cette prestigieuse institution régionale, modèle d’intégration réussie, il a gravi presque tous les échelons. Entré comme Fondé de pouvoirs, il a été successivement Chef de Service, Adjoint au Directeur, Directeur et Directeur Général. Nous avons voulu dresser un bref portrait de ce grand méconnu. A cette position il a eu un parcours remarquable en occupant pendant plus d’une décennie plusieurs Directions stratégiques, marquant de son empreinte chacun de ses passages dont l’un des plus emblématiques aura été l’élaboration de la stratégie régionale d’inclusion financière de l’UMOA. Ce brillant parcours à la BCEAO a pris fin comme Directeur Général à la tête du Centre Ouest Africain de Formation et d’Études Bancaires (COFEB) avant son départ à la retraite. Ce Centre de Formation, à l’instar de ceux de plusieurs Banques Centrales et de prestigieux organismes, etc. joue un rôle crucial dans le développement des compétences au sein du secteur bancaire de l’Union Economique et Monétaire Ouest africaine (UEMOA). Durant toute sa carrière, selon les informations que nous avons pu recueillir, l’intéressé s’est singularisé par son abnégation, son sens aigu du travail en équipe et sa grande résilience dans un environnement hautement compétitif. Un peu plus d’une année après son départ, nous avons voulu dresser un bref portrait de ce grand méconnu. Alors, qui est Patrick KODJO ?
Patrick KODJO a intégré la BCEAO en janvier 1995, après une formation académique ordinaire et une brève expérience en France. Sa formation a été notamment sanctionnée par l’obtention d’un DEA (Master 2) en Sciences Économique (monnaie, banque et finance), à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, un Master International Business de la West Coast College aux États Unis, suivi beaucoup plus tard d’un Executive Master en Politiques et Management du Développement à l’Institut d’Études Politiques de Paris (Sciences Po Paris).
A cela s’ajoutent quelques certifications obtenues durant son cursus, dont une en Institutions et Marchés Financiers de l’UCLA Extension en Californie et un autre (CESA) en Management des Activités Bancaires de HEC Paris. S’agissant de sa brève expérience en France, celle-ci a eu lieu au siège du groupe pétrolier ELF en France, en qualité de cadre administratif et financier, chargé principalement d’administrer et de gérer la trésorerie des filiales de l’ex British Petroleum (BP) ayant fait l’objet de rachat par ELF dans douze (12) pays d’Afrique sur la période de 1992 à 1994. Sa véritable carrière s’est déroulée au sein du Siège de la BCEAO, où fait quasiment rare pour un banquier central, il a eu l’opportunité d’exercer dans l’ensemble des Directions métiers.
Ainsi, il a commencé comme chargé d’études de la conjoncture économique internationale et de la surveillance des marchés des matières premières, puis Chef de Service des Statistiques et Analyses Monétaires d’avril 2003 à décembre 2006 à la Direction des Études et des Relations Internationales, puis Adjoint au Directeur des Études et des Relations Internationales de décembre 2006 à décembre 2008, Adjoint au Directeur des Établissements de Crédit et de Microfinance de décembre 2008 à décembre 2011 et Adjoint au Directeur des Systèmes Financiers Décentralisés de janvier 2012 à janvier 2014.
À ces différents postes, outre les questions classiques liées à la politique monétaire et aux relations économiques internationales, il a beaucoup contribué aux politiques initiées en faveur de l’expansion des services financiers vers des zones jusque-là sous-desservies, par l’établissement de partenariats sans précédent dans le domaine de la microfinance.
A compter de janvier 2014, il devient le Directeur de la Microfinance et de l’Inclusion Financière, poste qu’il a occupé jusqu’en avril 2018. C’est à ce poste qu’il a apporté cette contribution phare à l’Institut d’émission, restée dans les annales, à travers l’élaboration de la stratégie régionale d’inclusion financière dans l’UEMOA, une première dans la sous-région, caractérisée par des initiatives éparses. Jusque là, aucune Banque Centrale n’avait songé à mettre en place une stratégie régionale d’inclusion financière servant d’instrument de pilotage de ses actions en matière d’inclusion financière et de cadre de référence pour les stratégies nationales, avec pour objectif d’élargir aux populations exclues l’accès aux services financiers de base à des coûts abordables.

Cette stratégie, adoptée par le Conseil des Ministres de l’UEMOA en juin 2016, l’a conduit, par la suite, à rejoindre les postes de Directeur des Etudes et de la Recherche d’avril 2018 à octobre 2019 et de Directeur des Etudes Economiques et de l’Intégration Régionale d’octobre 2019 à mai 2021, des directions considérées comme le cœur de métier des Banques Centrales. A ces postes, en plus des projets de recherche ayant permis d’enregistrer de solides avancées dans la compréhension des dynamiques économiques locales, il s’est particulièrement occupé des dossiers sensibles, tels que ceux relatifs au franc CFA et à la monnaie unique de la CEDEAO. Son passage à ces postes a également coïncidé avec la crise de la COVID-19, événement majeur ayant bouleversé la planète, pour lequel il a contribué, sous la direction de sa hiérarchie, à mettre en place des mécanismes novateurs visant à atténuer ses impacts sur les économies des Etats membres de l’UEMOA.
Sa carrière s’est poursuivie et achevée au sein du COFEB, d’abord en tant que Conseiller du Directeur Général du COFEB de mai 2021 à fin janvier 2023 et Directeur Général du COFEB jusqu’à son départ à la retraite en août 2024. Au sein de ce centre, il a joué un rôle déterminant dans l’orientation stratégique des activités de formation et de recherche économique. Il a également eu l’opportunité de poursuivre, puis de finaliser, d’importants partenariats avec des universités prestigieuses (HEC, HARVARD, PRINCETON, ENSEA en Côte d’Ivoire, etc) ainsi qu’avec des Centres de renommée (ATTF House of training au Luxembourg, l’IBFI en France ou encore le CCBS en Angleterre). Le Centre reste marqué par son passage.
Depuis son départ définitif de la Banque Centrale, l’intéressé met désormais son expérience au service de Conseils d’Administration, notamment celui BAOBAB SAS dans le secteur de la microfinance et de NSIA dans le domaine de la bancassurance, tout en poursuivant diverses activités de consultationet de recherche économique. Il est également un membre assidu de l’Institut français des Administrateurs (IFA), un réseau de référence pour les administrateurs en France.
Des quelques témoignages recueillis incidemment auprès de personnes à la BCEAO, il ressort que la carrière de Monsieur KODJO est un précieux témoignage de dévouement et de persévérance au service de grands objectifs communs. Il a laissé l’image d’un manager d’exception, motivé, exigeant et profondément engagé.
Cette phrase prononcée aura marqué ses collaborateurs: «Je ne sais pas si le mot »retraite » est le plus approprié pour vous dire au revoir, car je n’ai jamais véritablement compris sa signification tant que l’on conserve la santé, la passion et la foi. ». Ces mots résument bien l’état d’esprit qui l’a animé tout au long de sa carrière au sein de la grande famille qu’est la BCEAO, une institution où le travail acharné est une valeur cardinale, dans un contexte où tant de défis restent encore à relever sur le continent africain.
Rédigé Par DAOUDA BAKARY KONÉ, / KADIDIA DOUMBIA