(CROISSANCE AFRIQUE)- Au Mali, près de 90% des personnes atteintes par l’hémophilie ne sont pas encore diagnostiquées, selon des sources hospitalières. Aujourd’hui, les mêmes sources révèlent que des efforts sont en train d’être faits par l’Association Malienne de lutte contre l’hémophilie et les autres coagulopathies(AMALEC), pour améliorer le diagnostic et la prise en charge de la maladie au Mali.
L’hémophilie, une maladie génétique du sang qui affecte la coagulation, est une réalité méconnue et difficile à vivre au Mali. En effet, 90% des patients hémophiles au Mali n’ont pas été diagnostiqués, ce qui les prive d’un traitement adéquat. « Si nous prenons la population atteinte d’hémophilie au Mali avec les 22 millions d’habitants, il y a à peu près 90% des malades n’ont encore diagnostiqué. Ce qui voudrait dire que ces malades n’ont pas accès au traitement », a déclaré Professeur Yacouba Lazar Diallo de l’Hôpital du Mali.
Ce faible taux de connaissance de la malade s’explique par le fait que les dépistages se font à Bamako seulement : « le diagnostic ne se fait qu’à Bamako », a indiqué le professeur Mahamed Elmahouloud Cissé au CHU Gaabriel Touré. Avant d’ajouter que cette méconnaissance de la maladie est répandue dans le milieu hospitalier.
Stigmatisation et culpabilité !
Au Mali, avant qu’on ne connait qu’une personne est atteinte d’hémophilie, elle est victime de stigmatisation et culpabilité par la communauté et sa famille :« Les patients sont souvent culpabilisés. Il arrive souvent que la femme ait fait tel chose que l’enfant est comme ça. Il est arrivé une fois que la femme s’est culpabilisée parce qu’elle est sortie vers les crépuscules, c’est pourquoi l’enfant est malade. Il arrive également qu’on dise qu’elle est sorcière. Tout ceci se fait au sein de la famille», expliqué le professeur Cissé.

Quant au Pr. Diallo, il souligne que la stigmatisation au moment d’hémophilie peut engendrer le divorce :« Pour quelqu’un qui est stigmatisé surtout les moments d’hémophilie, il y a beaucoup qui ont été divorcées par leurs maris parce qu’on pense que c’est elle qui est la cause de la maladie », a-t-il affirmé.
Par ailleurs, le personnel traitant de hémophilie est confronté un problème de cadre de travail : « Au Mali, nous n’avons pas un cadre adapté pour la prise en charge des maladies hématologiques en générale et particulièrement l’hémophilie », a soutenu Pr Diallo.
Les centres de traitement spécialisés sont rares dans le pays et sont concentrés uniquement à Bamako. Il n’y a que selon le Professeur Cissé : « deux centres spécialisés pour le traitement d’hémophilie dont un centre à l’hôpital Gabriel Touré et le plus grand centre est celui de l’hôpital du Mali ».
Accès difficile aux médicaments !
En termes de traitement d’hémophilie, l’Etat malien ne fait rien pour l’acquisition des produits. Et le traitement d’hémophilie est coûté pour les patients et leurs parents: « le flacon va aux alentours de 600 000 Francs CFA. Il arrive au cours d’une maladie on met six à dix flacons à un enfant », indique le Pr Mohamed Elmahouloud Cissé.
Au Mali, les malades de l’hémophilie mènent un combat quotidien contre ce mal. Ils vivent dans la peur constante des saignements et de leurs complications. C’est le cas de cet hémophile qui témoigne que vivre avec cette maladie n’a pas été toujours facile car il a dû s’adapter à cette vie qui est, une vie de prudence. « Je devais constamment faire attention à ma santé, surtout lorsque j’avais envie de jouer à des jeux avec les enfants de mon âge », a-t-il confié.
Le suivi médical régulier est crucial pour prévenir les complications graves. « Dès qu’il y a un cas d’hémophilie dans une famille, on doit chaque fois faire les analyses pour faire de la recherche active. Il faut faire le diagnostic chez les garçons pour voir s’ils sont malades ou pas, voir également chez les femmes si elles sont conductrices ou pas », conseille le Pr. Cissé.
Dans un document intitulé « L’hémophile en quelques mots », le Pr. Yacouba Diallo, précise que : « Tous les malades qui saignent beaucoup en cas de blessures ne sont pas forcement hémophiles ».
Lueurs d’espoir !
De nos jours grâce à AMALEC (L’Association Malienne de lutte contre l’hémophilie et les autres coagulopathies) et ses partenaires avec l’accompagnement des autorités du pays, des lueurs d’espoir naissent. Des efforts sont faits pour améliorer le diagnostic et la prise en charge de l’hémophilie au Mali. « Sur le territoire national, il y a déjà des efforts qui ont été faits. En faite avec notre partenaire qui nous accompagne dans la prise en charge des hémophilies, nous avons aujourd’hui pu former dans chaque CSREF dans des différentes régions de l’ancien découpage au moins trois personnes qui ont la reconnaissance de la maladie, le diagnostic », a expliqué Pr. Diallo.
Toutefois, les spécialistes en la matière lancent un appel pour atténuer la souffrance des patients touchés d’hémophilies. Il s’agit de: renforcer la communication et la sensibilisation sur l’hémophilie ; développer un cadre de travail adéquat pour la prise en charge des patients ; assurer l’accès aux médicaments et aux soins spécialisés ; soutenir les associations de patients et la recherche médicale.

Expérience des patients et de leurs familles !
Les témoignages de patients et de familles hémophiles illustrent les difficultés quotidiennes et l’espoir d’une meilleure prise en charge : « Au début de la maladie, on ignorait s’il s’agissait de l’hémophilie. Après la circoncision du garçon, le saignement ne s’est pas arrêté durant quelques jours. Nous avions eu peur. Ensuite lorsque l’enfant a commencé avec la dentition, nous avons remarqué le sang qui signait également de sa bouche. On était paniqué. Des heures après alors que nous nous apprêtions à rentrer à la maison dans un désespoir total, un pédiatre est arrivé pour prendre charge l’enfant afin de pouvoir stopper le saignement. Il faisait régulièrement le suivi de l’enfant», témoigne le père d’un malade atteint d’hémophilie.Selon ce père de famille c’est grâce à Pr. Yacouba Diallo qu’ils ont aujourd’hui une solution à cette maladie.
Quant au second témoin, il parle de la méconnaissance de la maladie du grand public : « Nous avons découvert l’hémophilie en 2014, mais bien avant ça nous n’avons pas été vigilant puisque la maladie est méconnue. On devrait la connaitre depuis 2007, l’année de la naissance de notre garçon qui souffre de cette maladie», a-t-il affirmé. Et d’ajouter : « la maladie a contribué à rendre l’enfant mou, il est devenu beaucoup plus calme. La maladie nous a beaucoup impacté. Jusqu’à présent, ses deux frères ne sont pas circoncis parce qu’on est inquiet. ».
L’hémophilie représente un défi majeur de santé publique au Mali. Des efforts concertés de la part des autorités, des professionnels de santé et des associations de patients sont nécessaires pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de cette maladie.
Hamadoun Alphagalo