Interview Exclusive: « l’accès au crédit est l’un des facteurs clés pour le développement des PME en Afrique », explique Mme Nishi Ramdeen-Expert-comptable

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(CROISSANCE AFRIQUE)-Passionnée par les chiffres, Nishi Ramdeen a été aisément guidée vers l’univers de la finance et de la comptabilité. Expert-comptable et Auditeur interne certifié, Mme Ramdeen également a débuté sa carrière dans l’un des ‘Big Four’ avant de poursuivre sa voie dans la deuxième plus grande banque de l’Île Maurice. Après sa Licence (Bac +3) en Comptabilité et Informatique de Gestion, Nishi Ramdeen a enchainé avec l’obtention de son diplôme d’expert-comptable avec l’Association des Experts-Comptables (Association of Chartered Certified Accountants). Ainsi, elle deviendra memebre, après 3 ans d’étude acharnée en 2017 et Fellow Member en 2022. Il faut signaler que Mme Ramdeen est également membre de MIPA (Mauritius Institute of Professional Accountants). Aujourd’hui, elle donne son expertise sur la Garantie financière en Afrique. Lisez plutôt.

« L’accès au crédit est l’un des facteurs clés pour le développement des PME en Afrique »

Nishi Ramdeen est diplômée en expertise-comptable en collaboration avec  l’Association des Experts-Comptables.

« Originaire de l’ile Maurice,6e pays le plus riche en Afrique selon le AfricaWealth Report 2023 et  surtout réputée pour sa plage, ses eaux turquoise, sa vue splendide, le son des vagues qui apaise les âmes, je n’ai néanmoins pas été sujette à un parcours aisé »

1-Présentez-vous à nos lecteurs ?

Passionnée par les chiffres, j’ai été aisément guidée vers l’univers de la finance et de la comptabilité. Aujourd’hui, au début de mes trentaines, je suis expert-comptable et Auditeur interne certifié. J’ai débuté ma carrière dans l’un des ‘Big Four’ avant de poursuivre ma voie dans la deuxième plus grande banque de l’Île Maurice. Connu comme les flics d’entreprise, porter le chapeau d’auditeur est contre bien des préjugés, un métier très vivant, et générateur de valeur ajoutée. La simple mention du mot ‘auditeur’ et vous témoignez un coup d’œil volé avec les autres, un commentaire lancé à travers le sol et une angoisse qui règne. Ce métier est de près lié à la vie en général et qui fait plus particulièrement comprendre la vie économique et financière.

« La persévérance, la patience, le courage et le soutien familial ont été l’appui pour gravir les échelons »

Originaire de l’ile Maurice,6e pays le plus riche en Afrique selon le AfricaWealth Report 2023 et  surtout réputée pour sa plage, ses eaux turquoise, sa vue splendide, le son des vagues qui apaise les âmes, je n’ai néanmoins pas été sujette à un parcours aisé. La persévérance, la patience, lecourage et le soutien familial ont été l’appui pour gravir les échelons. Je continue d’explorer mes horizons et je travaille aujourd’hui en Afrique l’ouest récoltant davantage de connaissance et d’expérience.

Nous avons tous besoin de quelque chose qui nous motive, un « drive » qui nous empêche de baisser les bras. La mienne, c’était de devenir une femme forte et indépendante. De belles paroles, des louanges des femmes, déclarationdes journées de commémoration des femmes, la présence des femmes dans des métiers autrement réservés aux hommes, nous sommes venus de loin certes, mais la lutte est loin d’être achevée comme en témoignent les statistiques ; en 2023 une femme sur trois dans le monde est victime de violences physiques et/ou sexuelles au cours de sa vie (source : ACTED). Ceci laisse à réfléchir…

2-Pouvez-vous revenir sur votre parcours académique ?

« évolution d’un environnement dynamique et tenant compte des formations est aujourd’hui une nécessité »

A la suite de mes études secondaires, j’ai immédiatement entamé ma Licence (Bac +3) en Comptabilité et Informatique de Gestion. J’ai enchainé avec l’obtention de mon diplôme d’expert-comptable avec l’Association des Experts-Comptables (Association of Chartered Certified Accountants). Après 3 ans d’étude acharnée, je suis devenue membre en 2017 et Fellow Member en 2022. Je suis également membre de MIPA (Mauritius Institute of Professional Accountants).

Tout en travaillant, j’ai aussi poursuivi mon Masters (Bac +5) en Service Financiers qui m’a permis de mieux cerner les enjeux des secteurs financiers. Cependant, ayant été auditeur externe de 2014 à 2018 et auditeur interne de 2019 à 2022, je sentais la nécessité de me spécialiser dans le domaine d’audit d’où ma décision d’entreprendre le CIA (Certified Internal Auditor) avec l’Institut des Auditeurs Internes (IIA) qui est la seule certification reconnue à l’échelle internationale pour les auditeurs internes.

Nous évoluons dans un environnement dynamique et se tenir à jour à travers des formations est aujourd’hui une nécessité. J’ai donc entamé des formations en Crédit commercial, prêts à problème, comptabilité pour les professionnels du crédit, prêt commercial et maitrise des risques. Intense certes, mais très enrichissant.

« Une garantie financière est un dispositif qui permet de sécuriser un prêt contre le risque de pertes potentielles en cas de défaut de l’emprunteur »

Nishi Ramdeen est diplômée  d’expert-comptable en collaboration avec  l’Association des Experts-Comptables.

« se substituer à l’emprunteur en cas de non-respect des obligations »

3-Qu’est-ce qu’une garantie financière ?

Une garantie financière est un dispositif qui permet de sécuriser un prêt contre le risque de pertes potentielles en cas de défaut de l’emprunteur. Essentiellement, un tiers (banque, assureur, institution de garanties financières…) agissant en tant que garant s’engage à assumer la responsabilité d’une dette si l’emprunteur n’est pas en mesure d’honorer ses obligations au créancier. Quelques exemples d’instruments de garantie financière couramment utilisés sont :

  • Les lettres de crédit qui est une garantie qu’une banque émet en faveur d’un bénéficiaire. Si le bénéficiaire remplit les conditions énoncées dans la lettre de crédit, la banque verse le montant spécifié ;
  • Les garanties bancaires oùla banque prend l’engagementen faveur d’un bénéficiaire pour garantir le respect d’un contrat ou une obligation financière. Il peut s’agir d’une garantie de paiement ou d’une garantie de bonne exécution ;
  • Les cautions où le garant est appelé à payer une certaine somme si l’emprunteur ne remplit pas ses obligations contractuelles ;
  • Les institutions de garanties financières où l’organisation partage les risques avec l’émetteur du prêt en garantissant un certain niveau du prêt contre un retour et des conditions préalablement définies. Dans de nombreux cas, l’institution va se substituer à l’emprunteur en cas de non-respect des obligations. Ces institutions jouent un rôle clé dans la chaine économique.

« …IL EXISTE DES PROGRAMMES DE FINANCEMENT SPÉCIFIQUES POUR LES PME AFRICAINES, TELS QUE LE FONDS AFRICAIN DE GARANTIE (FAG) OU ENCORE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT (BAD), QUI PEUVENT AIDER À SOUTENIR LE FINANCEMENT DE PROJETS ET D’INVESTISSEMENTS ».

4-Les PME Africaines ont-elles besoin d’un accès accru au crédit bancaire ?

L’accès au crédit est l’un des facteurs clés pour le développement des PME en Afrique. Connu comme le moteur de la croissance de l’Afrique, la contribution des PME en termes d’emplois, de revenue et de production est incontestable. Les prêts bancaires restent le moyen de financement le plus courant pour les PME en raison de la facilité et la rapidité d’accès, la flexibilité des banques et la confiance placée dans ces établissements financiers. Cependant cette option ne fait qu’accroitre le taux d’endettement des PME et crée une dépendance chronique sur les banques. De plus, les PME africaines rencontrent souvent des difficultés à accéder au crédit bancaire en raison d’un certain nombre de facteurs, notamment le manque de garanties et de collatéraux, les taux d’intérêt élevés et la complexité des procédures de demande de crédit.

« Des options possibles »

Un financement interne ou l’autofinancement qu’il s’agisse de l’injection des fonds propres ou apport au capital social est certainement un choix de financement envisageable bien qu’historiquement les PME ne sont pas tout le temps en mesure de s’auto financer et le financement interne sert souvent à financer l’exploitation de court terme au lieu des investissements à long terme. Outre les crédits bancaires, il existe de nombreuses alternatives pour le financement des PME telles que les investisseurs privés qui cherchent à investir leur argent dans des entreprises prometteuses. En retour, ils espèrent des rendements élevés sur leur investissement. Le capital-risque(venture capital) où des investisseurs professionnels investissent dans des entreprises en phase de démarrage ou de croissance. En échange, ils obtiennent une participation dans l’entreprise. Autre option possible est le financement participatif ou crowdfunding qui permet aux entreprises de lever des fonds en sollicitant des petits investissements auprès d’un grand nombre de personnes. De plus, il existe des programmes de financement spécifiques pour les PME africaines, tels que le Fonds africain de garantie (FAG) ou encore la Banque africaine de développement (BAD), qui peuvent aider à soutenir le financement de projets et d’investissements. Récemment, les institutions financières de garantie notamment le FSA, le FAGACE, l’ATI-ACA, l’AGF et la BADEA ont annoncé une enveloppe d’environ 100 milliards de FCFA de garantie au dispositif d’appui au financement des PME.

« La crise financière a entraîné une réduction de la demande de biens et de services »

5-Les PME africaines n’ont pas accès au financement, et cela est susceptible d’être aggravée par les effets de la crise financière et économique sur le continent. Quelles analyses faites-vous ?

L’accès des PME africaines au financement a depuis toujours été un défi à relever. La croissance économique des pays africains a été durement freinée par le COVID-19 et le conflit entre l’Ukraine et la Russie, exposant la vulnérabilité des PME du continent à l’évolution des conditions du crédit bancaire. L’inflation, les tensions sur les prix des denrées alimentaires, le resserrement des politiques monétaires et les perturbations d’approvisionnement a accentué la pauvreté et a considérablement réduit le pouvoir d’achat des africains ayant ainsi un impact direct sur les PME. La crise financière a entraîné une réduction de la demande de biens et de services, ce qui a réduit les opportunités d’affaires pour les PME et à conséquemment gonfler le risque de perte ou de faillite des PME. Certaines entreprises ont dû réduire leur production, d’autres ont licencié des employés et d’autres ont même fermé leurs portes.

« les réglementations bancaires ont été renforcées après la crise, ce qui a également affecté les pratiques de prêt des banques »

Pour faire face à la situation, beaucoup de PME se sont retrouvées dans obligation d’augmenter leur endettement pour survivre à la crise. Cependant, avec l’incertitude dans les secteurs économiques et la situation détériorée des PME, les banques sont réticentes à les financer pour cause du fort risque de crédit liés à ces engagements. Les banques ont subi de lourdes pertes pendant la crise, ce qui a eu un impact direct sur leur capacité à prêter de l’argent aux entreprises de manière rentable. Ils ont rencontré des difficultés à récupérer les prêts qu’ils avaient accordés aux grandes entreprises, ce qui a rendu plus difficile pour les petites entreprises l’obtention des prêts.  De plus, les réglementations bancaires ont été renforcées après la crise, ce qui a également affecté les pratiques de prêt des banques. Les PME ont donc eu du mal à obtenir des fonds pour investir dans des projets à long terme et à maintenir ou développer leurs activités, ce qui a restreint leur croissance et leur développement. En outre, la crise financière a aggravé les vulnérabilités structurelles des économies africaines, qui sont déjà confrontées à des déficits budgétaires, à une faible diversification économique, à une instabilité politique et à des tensions sociales. Les effets cumulés ont créé un contexte d’incertitude généralisée et de risques économiques et financiers accrus pour les entreprises qui pourrait entrainer des difficultés financières et voire la faillite des PME.

« Nishi Ramdeen est diplômée  en expertise-comptable en collaboration avec  l’Association des Experts-Comptables ».

6-L’aide au développement des PME en Afrique reste très fragmentée. A ce stade avez-vous des démonstrations à dévoiler aux publics cibles ?

En effet, l’aide au développement des PME en Afrique est très fragmentée, ce qui peut rendre difficile la coordination des efforts et la mise en place d’initiatives efficaces. Une des raisons peut être la diversité des acteurs impliqués, tels que les gouvernements, les organisations internationales, les universités, les ONG, les investisseurs privés, etc. Chacun a une approche différente et des priorités différentes en matière de soutien aux PME. Cela peut désorienter les entrepreneurs et les rendre perplexes quant aux ressources et aux services auxquels ils ont accès. Il est donc important de faire des efforts pour coordonner les initiatives et les programmes pour une efficacité accrue.

« Des fonds destinés au financement des PMES en Afrique »

 Il existe cependant des organisations et des initiatives qui cherchent à améliorer cette situation, en travaillant sur la coordination des efforts et en offrant des ressources et des conseils pour aider les PME à se développer. Par exemple, la Banque Africaine de Développement (BAD) qui offre des prêts, des garanties et des subventions pour soutenir le développement des PME,le Fonds d’Investissement et de Soutien aux Entreprises en Afrique (FISEA),le Réseau Entreprises Afrique qui offre des services d’information, de conseil et d’assistance variés aux entreprises souhaitant débuter une activité économique en Afrique, le Fonds Solidarité Africain (FSA) qui participeau développement économique et à la lutte contre la pauvreté dans ses Etats membres africains, le Fonds Africain de Garantie (FAG), un système de garantie, en adéquation avec le marché, qui vise à faciliter l’accès au financement pour les petites et moyennes entreprises africaines,, sont tous des exemples d’organisations qui cherchent à aider les PME en Afrique à se développer.Cependant le risque de duplication des efforts et initiatives est présent. Les gouvernements peuvent jouer un rôle clé dans la coordination des programmes d’aide et de développement, en garantissant la cohérence des politiques et en fournissant des ressources adéquates. De même, les organisations internationales peuvent collaborer avec les gouvernements et les organisations locales pour élaborer des programmes de développement en fonction des besoins locaux.

« renforcer leur compétitivité et promouvoir une croissance économique durable »

7-Une régionalisation du soutien et la mise en commun des ressources sont-elles nécessaires en Afrique ?

La régionalisation du soutien et la mise en commun des ressources en Afrique peuvent être bénéfiques pour le continent. En effet, la plupart des pays africains possèdent des ressources naturelles importantes, mais rencontrent des difficultés à les exploiter et à les gérer efficacement. La mise en commun de ces ressources pourrait permettre une utilisation plus efficace et durable et favoriserait également une meilleure répartition des bénéfices. De plus, la régionalisation du des instruments de soutien à divers niveaux permettrait aux pays Africains de s’entraider et de travailler ensemble pour relever les défis communs, tels que la sécurité, l’éducation et la pauvreté. Les pays pourraient également partager leur expertise et leur savoir-faire pour améliorer leurs pratiques, renforcer leur compétitivité et promouvoir une croissance économique durable. Comme le dit si bien l’auteur japonais Ryunosuke Satoro« Seuls, nous ne sommes que des gouttes d’eau. Ensemble, nous formons un océan. »

« une régionalisation du soutien et la mise en commun des ressources en Afrique nécessitent une bonne coordination politique et économique ainsi que des investissements dans les infrastructures et les capacités humaines »

Cependant, le continent africain est très vaste, diversifié et complexe, avec de nombreuses langues, cultures et systèmes juridiques différents. Cela rend la coordination des activités de développement difficile et compliquée. De nombreuses organisations internationales, gouvernements, ONG et entreprises privées ont des mandats et des priorités différents en matière de développement, ce qui peut entraîner une duplication des efforts et une concurrence pour les ressources. Il existe également différents niveaux de financement, de gouvernance et de capacité dans les pays africains, ce qui rend difficile la mise en œuvre de projets à grande échelle. Cependant, une régionalisation du soutien et la mise en commun des ressources en Afrique nécessitent une bonne coordination politique et économique ainsi que des investissements dans les infrastructures et les capacités humaines. De plus, il est important de veiller à ce que les bénéfices soient répartis équitablement entre les pays participants et que les ressources soient gérées de manière durable et responsable.

Réalisée par Daouda Bakary Koné

croissanceafrik
croissanceafrikhttp://croissanceafrique.com
Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne dont un mensuel disponible dans les kiosques à journaux) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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