Dans son interview l’ancien conseiller économique d’Alpha Oumar KONARE, d’ATT et d’IBK, n’a pas manqué de faire la lumière sur le futur fonctionnement de la zone de libre échange continental Africaine (ZLECAF). Pour l’économiste Modibo Mao Makalou, la future Zone de Libre Echange Continentale (ZLECAF) se traduira finalement par la création d’un marché commun de plus d’un (1) milliard de consommateurs avec un PIB combiné d’environ 3000 milliards de dollars. Selon lui, les défis et les enjeux pour l’Afrique de l’ouest sont énormes et les jeux restent l’augmentation du niveau de commerce intra-africain de près de 25% à moyen terme pour atteindre 52%, à long terme. Une interview réalisée par Daouda Bakary KONE.
1-Croissanceafrique.co : Quels sont les avantages et les défis à relever de la ZLECAF?
Modibo Mao MAKALOU : Ce projet représente une avancée majeure et un jalon de plus, pour l’intégration et l’unité africaines. La future Zone de Libre Echange Continentale (ZLECAF) se traduira finalement par la création d’un marché commun de plus d’un milliard de consommateurs avec un PIB combiné d’environ 3000 milliards de dollars.
Les Investissements Directs Étrangers vont s’accroître en vue de bénéficier des économies d’échelle et de la diversification en fonction des avantages comparatifs qui existent dans les différents pays. Ce chantier d’intégration continentale va booster la productivité et la compétitivité de certains secteurs au niveau africain.
Les défis de la ZLECAF sont nombreux, notamment la réduction des droits de douane et la simplification des procédures aux frontières. Celles-ci sont destinées à faire passer en dix ans les échanges intra-africains de 15% à 25% du commerce total du continent.
2 –CROISSANCEAFRIQUE.COM : Quels sont les avantages spécifiques pour le Maroc (nouveau adhérant de l’UA)?
Modibo Mao Makalou: La ZLECAF constitue une opportunité pour le Maroc de promouvoir ses exportations et de diversifier ses partenaires africains, tirant profit des flux commerciaux potentiels qu’offrent les marchés du continent africain, le Maroc va pouvoir accéder à d’autres marchés africains dans lesquels il n’était pas présent, notamment dans les régions de l’Afrique Australe ou de l’Afrique de l’Est. Notons que le Maroc a annoncé ce dimanche 7 juillet 2019 qu’il déposerait les instruments de ratification dans les prochains jours.
3-CROISSANCEAFRIQUE.COM : Les enjeux pour le Mali ? la ZLECAF est-elle une initiative utopique pour nos pays ?
MODIBO MAO MAKALOU : En 2017, trois principaux produits dominaient les exportations du Mali, à savoir l’or non monétaire (69,7%), le coton fibre (13,3%) et les animaux vivants (6,5%). Il y a d’abord lieu d’évaluer l’impact de la ZLECAF sur notre économie, ensuite, il sera impératif de s’appuyer sur les études d’impact qu’il faudra mener pour l’économie dans sa globalité et par secteur d’activité.
Aussi, le Mali devra déterminer quelles sont les concessions tarifaires à accorder et quelles sont les règles d’origine qu’il doit imposer et celles que les pays africains vont devoir imposer pour qu’il y ait une concurrence loyale, de même que les compensations dont il pourrait bénéficier pour ses pertes de recettes en tant que pays enclavé.
De plus, le Mali devra trouver le moyen de renforcer les infrastructures de transformation et routières afin de pouvoir exporter ses produits finis ou semi-finis dans de bonnes conditions.
4-CROISSANCEAFRIQUE.COM : Les défis et les enjeux pour l’Afrique de l’ouest ?
MODIBO MAO MAKALOU: Il est indubitable que la création de la ZLECAF permettra la libéralisation des échanges économiques inter-états et d’augmenter le niveau de commerce intra-africain de près de 25% à moyen terme pour atteindre 52%, à long terme. Tout en sachant qu’aujourd’hui, seulement 15% du commerce des pays africains s’effectue avec d’autres pays du continent et que ce dernier ne représente que 2% du commerce mondial.
La ZLECAF qui doit entrer en vigueur le 30 mai, va regrouper le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), la Communauté de d
Développement d’Afrique australe (SADC), la Communauté Économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union du Maghreb arabe et la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD).
Rappelons que la CEDEAO est un des blocs régionaux les plus avancés en matière d’intégration économique régionale en Afrique, elle s’étend sur environ 5 100 000 km2 avec une population de 400 millions d’habitants et un produit intérieur brut se chiffrant à près de 800 milliards $ pour les 15 pays d’Afrique de l’Ouest.
5-CROISSANCEAFRIQUE.COM : Enfin, pouvez-vous, nous faire la lumière sur votre analyse personnelle sur la ZLECAF ?
MODIBO MAO MAKALOU : Après la signature du Bénin et du Nigeria, le dimanche 7 juillet 2019, l’Érythrée est le seul pays du continent n’ayant pas signé l’accord portant création de la ZLECAF. Vingt-sept pays l’ont ratifié : on compte notamment le Burkina Faso, le Tchad, le Congo, la Côte d’Ivoire, Djibouti, la Guinée, le Gabon, le Ghana, la Gambie, le Kenya, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Rwanda, la Sierra Leone, l’Afrique du Sud, le Togo, l’Ouganda ou le Zimbabwe. La République arabe sahraouie démocratique (RASD) et les Marocains ont annoncé ce dimanche qu’ils déposeraient les instruments de ratification dans les prochains jours.
Malgré ce lancement très politique, la Zone de libre-échange, et ses différents instruments, n’ont pour le moment qu’une portée symbolique. L’Union Africaine s’est fixée la date du 1er juillet 2020 pour qu’elle soit effective. Les négociations sur l’investissement, la concurrence et la propriété intellectuelle vont, elles, se prolonger jusqu’en décembre 2020.
Aussi, la question du passeport unique africain et du projet de marché unique aérien n’ont pas connu d’avancées significatives. Le traité instituant la Communauté économique africaine sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et le droit d’établissement a été signé par 32 pays, lors du précédent sommet à Kigali, l’an dernier. Mais à l’heure actuelle, il a uniquement été ratifié par le Rwanda.
La réussite de la ZLECAF dépendra de ce que nous allons faire maintenant. Il faut un nouveau modèle de développement et un changement de paradigmes en Afrique. Les barrières tarifaires et non tarifaires ne sont pas les seules difficultés. Il faute des infrastructures, de la connectivité et aider les entreprises africaines au risque que la ZLECAF ne soit contre-productive. Surtout, les espaces économiques régionaux doivent être renforcés.
Réalisée par Daouda Bakary KONE Journaliste économique
SOURCE : CROISSANCEAFRIQUE.COM
Très belle interview
On a beaucoup appris sur ce nouvel instrument en faveur de l’intégration continentale
Merci Daouda Bakary Koné
Bon vent à Croissance Afrique
Merci beaucoup.