KASSI-FOFANA, PRÉSIDENTE DE L’ASSOCIATION AKWABA CULTURE : « AUCUNE SOCIÉTÉ NE PEUT SE DÉVELOPPER SI ELLE NE LIT PAS, SI ELLE SE PASSE DU LIVRE »

Date:

Par Elisée Charles Gonçalvès

La 11e édition du Prix Ivoire de littérature en Côte d’Ivoire aura lieu cette année à Abidjan les 8, 9 et 10 novembre. La présidente de la fondation Akwaba culture, principale organisatrice de l’évènement éclaire le public sur la façon dont la sélection du lauréat du Prix chaque année. Et, elle se prononce également sur l’utilité du livre pour la société de façon générale.

Présentez-nous votre structure et l’événement que vous organisez en novembre …
L’association Akwaba culture organise depuis bientôt 12 ans le Prix Ivoire pour la littérature africaine d’expression francophone, qui est un prix littéraire organisé à partir de la Côte d’Ivoire et qui veut en quelque sorte faire la promotion des lettres africaines francophones. C’est parti d’un constat. On s’est dit qu’après plusieurs années il n’y avait pas de prix littéraires aussi importants qui partaient du continent et qui s’adressaient au continent. Et c’était comme si on attendait chaque année des bonnes notes de nos amis européens. Je veux parler entre autres du Grand prix littéraire d’Afrique noire qui a été créé depuis les années 1960. On s’est dit que plus de 50 ans après les indépendances, il est temps que la tendance s’inverse et que nous Africains, à partir de nos us et coutumes, notre façon de voir les choses on est à même de pouvoir jauger une œuvre à partir de nos réalités, nos sensibilités. Donc, c’est un peu de cette révolte qu’est né ce prix littéraire. Cette année, il est à sa onzième édition. Chaque fois qu’il est organisé c’est aussi l’occasion pour nous de faire venir de grands noms de la littérature africaine d’expression francophone. Je veux parler des auteurs comme Seydou Badian Kouyaté, Djibril Tamsir Niane, Henri Lopez, Alain Mabanckou… Vraiment des sommités de la littérature pour ne citer que ceux-là. On a même pu faire venir des auteurs comme Amadou Koné qui n’était plus revenu dans son pays depuis plus de 20 ans. Cette année nous avons l’honneur d’inviter Emmanuel Boundzéki Dongala, le célèbre auteur qui a été sacré grand prix littéraire d’Afrique noire. Il est très connu pour son ouvrage Jazz et Vin de palme ainsi que plusieurs autres ouvrages. C’est un grand auteur congolais qui vit aux Etats-Unis. Nous le faisons venir ainsi que Yvon Amar qui est un acteur culturel, un éminent journaliste de RFI. C’est un peu cela. C’est la fête du livre à partir de la Côte d’Ivoire. Au moment de la remise de ce prix littéraire, on fera de la Côte d’Ivoire, la capitale des belles lettres francophones.

Quel est votre objectif en organisant cet événement ?
Notre objectif c’est de faire rayonner les belles lettres francophones. Faire de la Côte d’Ivoire la capitale des belles lettres francophones, puisque c’est un prix littéraire qui consacre une œuvre africaine francophone qu’elle soit publiée sur le continent africain ou pas. Nous l’avons ouverte à la cinquième région de l’Afrique conformément aux vœux de l’Union Africaine. Donc, on a associé les Caraïbes et les autres îles. On a eu une auteure haïtienne et un autre originaire de ces îles. C’est un prix qui embrasse plusieurs littératures. C’est un foisonnement de littérature qui se retrouve dans ce pôle- là que j’appelle littérature africaine d’expression francophone. Parce que c’est plusieurs réalités, plusieurs ouvrages qui sont passés au peigne fin et le jury a vraiment un travail très important.

Revenez sur la chronologie des événements ou sur le processus qui a abouti à la nomination des lauréats….
Le Prix Ivoire, en général est lancé chaque début du mois de mars avant le salon du livre de Paris. Et à la faveur de ce lancement nous activons nos réseaux, les gens, les éditeurs ou les écrivains peuvent y participer. Ils nous envoient les exemplaires des livres ou des ouvrages à une adresse que nous leur communiquons. C’est au moins une bonne cinquantaine d’ouvrages venant du monde entier que nous recevons. Ces ouvrages concernent la littérature générale dans son entièreté. Ne peuvent participer à ce salon que des ouvrages qui relèvent de la littérature générale comme le roman, la poésie, le théâtre, les essais, les recueils de nouvelles et même les recueils de biographies. Quand nous recevons ces ouvrages, nous avons un travail de fourmi que nous faisons avec un premier jury qui est constitué de critiques littéraires, de professeurs d’université et de férus de littérature. Ce jury se met en place, présélectionne les livres, lit et dégage un short -liste, une liste de cinq, six ou sept ouvrages finalistes. Ces ouvrages sont remis au jury final qui lui est présidé par la célèbre Wèrè-wèrè Liking. Dès lors, le grand jury se réunit, détermine le lauréat du prix ivoire. C’est un peu comme cela que l’on procède depuis le début.

Isabelle Kassi

La lecture a un rôle important dans l’éducation. Selon vous, comment peut-on développer l’accès au livre aux Ivoiriens ?
Je pense que c’est un travail de longue haleine. Un travail collégial qui doit provenir de la chaîne du livre, c’est-à-dire des éditeurs, des libraires, des écrivains. Mais à la base et en amont, il doit être aussi encadré par les parents qui y ont un rôle à jouer. Et, il y a aussi les encadreurs pédagogiques qui y jouent un rôle important. Je veux parler précisément des écoles. Il faut qu’il y ait des bibliothèques dans les écoles où se tiendront des temps de lecture aménagés pour les enfants. Bref, il faut qu’on inculque le goût de la lecture aux enfants. On ne naît pas maçon, on devient maçon. C’est pareil pour la lecture, on ne naît pas grand lecteur, on le devient. C’est vrai qu’il y a certaines personnes qui ont des aptitudes plus que d’autres aux belles lettres. Et d’autres qui se croient plus scientifiques que d’autres. Mais je crois que l’histoire nous l’a prouvé. Les meilleurs scientifiques sont aussi ceux qui lisent beaucoup.
Ce n’est pas seulement aux enfants qu’on doit dire de lire. C’est dire que les parents doivent aussi lire. Je les exhorte à acheter plus de livres aussi bien comme cadeaux de fin d’année et d’anniversaires qu’avoir dans nos maisons des bibliothèques où sont exposées des casseroles, des assiettes de luxe et autres. L’enfant doit être dans un environnement propice aux livres. C’est ce que nos frères européens font. Ils l’ont si bien compris. Aucune société ne peut se développer si elle ne lit pas, si elle se passe du livre, si elle se passe du savoir. Ce n’est pas possible. Ça va être une société qui va se développer mais qui va être dangereuse. Parce que quand on n’est pas cultivé, quand on n’a pas suffisamment de background intellectuel, quand ses cadres ne sont pas bien formés ou instruits. On n’est pas de bons cadres, on peut devenir négatifs pour notre propre société parce que la lecture permet d’aller au-delà des frontières. La lecture sans même voyager est une fenêtre sur le monde comme l’a dit ce célèbre écrivain. La lecture nous permet d’accepter l’autre dans sa différence parce qu’on le comprend. On arrive à voyager à travers les livres. On arrive à apprendre d’une culture, à apprendre du voisin, à connaître, à s’approprier son histoire. On arrive à se retrouver.

D’après votre expérience, comment faire pour que l’auteur du livre en Côte d’Ivoire arrive à vivre de son travail ?
C’est une question qui se pose à toutes les maisons d’édition du monde entier. C’est pareil que la problématique d’un artiste de vivre de son art. Je dirai qu’il faut que la population d’érudit soit plus importante, que les populations aient les moyens de s’acheter un livre. Il faut que les auteurs écrivent des ouvrages de bonne facture qui puissent être lus au-delà des frontières et il faut aussi faire la promotion des livres. Je crois qu’il y a aussi, la possibilité de l’édition numérique pour les auteurs. Nous les éditeurs professionnels, devrons numériser les ouvrages afin de leur permettre d’être lus et d’aller au-delà des frontières, d’aller dans le monde entier, télécharger un livre et d’être rémunérés. Nous venons de signer une convention dans ce sens avec une bibliothèque numérique. A chaque fois qu’on va consulter nos ouvrages, les auteurs seront rémunérés. C’est dire qu’il y a un travail de longue haleine à faire.

Votre mot de fin ?
Le forum littéraire est ouvert à tout le monde. Il n’y a pas de carte d’invitation exigée. C’est pareil pour la dictée. Venez, nous allons nous amuser autour du livre. En revanche, pour le diner-gala qui aura lieu le 10 novembre au Golf hôtel où le prix ivoire sera décerné le ticket d’accès est à 25 000 F CFA. Le concours de culture littéraire des écoles verra son apothéose cette année le 8 novembre à l’Institut français, en présence des invités que nous faisons venir dans le cadre du Prix Ivoire 2 018. En marge de ce concours il y aura le 9 novembre à 16h à la bibliothèque nationale, une dictée. Il s’agit de la dictée d’Isabelle, ambassadeur de l’OIF, qui va voir compétir les acteurs du livre en Côte d’Ivoire, précisément les libraires, les écrivains, les professeurs de lettres. Je voudrais dire que toutes ces actions sont menées pour créer une belle fête autour du livre, pour faire en sorte qu’il y ait pignon sur rue malgré l’actualité abondante, malgré les problèmes de la vie. On se dit qu’on doit apporter quelque chose au livre parce que le livre nous a tout apporté. Au final, je lance un appel à tous les passionnés du livre, les amoureux de la littérature à y participer.

Source: Neoafricanews.com

Mail:croissanceafrik@gmail.com

croissanceafrik
croissanceafrikhttps://croissanceafrique.com
Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Partager:

Populaires

Lire aussi
RELATIFS

Une expansion impressionnante : Airtel Money enregistre une croissance record en 2024

(CROISSANCE AFRIQUE)-En 2024, Airtel Africa a annoncé une performance...

Au Mali, l’UNESCO soutient le développement de l’Education aux Médias et à l’Information

(CROISSANCE AFRIQUE)-Avec l'appui de l'UNESCO, la Maison de la...

Mariem Maiga : un nouvel horizon pour BIA Group

(CROISSANCE AFRIQUE)-L'annonce de l'arrivée de Mariem Maiga au comité...