La BCEAO dézingue Kako Nubukpo qui veut porter plainte (le verbatim)

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A Lomé, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) a répondu le 19 février 2019 aux “détracteurs” du franc CFA depuis les locaux de sa direction nationale. A commencer par le Togolais Kako Nubukpo, ancien ministre de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques, qui se « donne le droit d’attaquer le directeur national de la BCEAO pour diffamation ».


Tout est parti d’une question de Financial Afrikaux responsables de la BCEAO qui étaient face à la presse à Lomé. Elle est ainsi libellée : « dans une tribune publiée en juillet 2017 et intitulée Mon combat sur le franc CFA, Kako Nubukpo disait ceci : ‘ comment leur [nos enfants] expliquer demain que nous avons laissé faire ? Que nous avons nourri les caisses du Trésor Public français ? Tandis que les réserves qu’il nous impose avec notre pleine allégeance pourraient être réinjectées dans nos économies pour construire des écoles, des dispensaires, pour électrifier les zones rurales, construire des infrastructures modernes, dignes du 21e siècle, permettre aux jeunes d’accéder au crédit bancaire et financer des activités génératrices de revenus’Mais la BCEAO soutient que les réserves de change lui appartiennent. Pourquoi ne pas organiser un débat avec ce pourfendeur reconnu comme tel de la monnaie que vous émettez pour situer l’opinion ? ».


‘‘ Populisme ’’

« C’est ça le danger des discours des populistes. Quand il dit qu’on nourrit les caisses l’Etat français. Voyez la taille de la France et de nos pays ; est-ce que vous croyez vraiment que c’est avec ces 5 mois de réserves de change dont on a parlé, que la France a besoin de nous pour se nourrir ? », a répondu Danielle Benoist, la conseillère en communication du gouverneur Koné.

« C’est créer inutilement du ressentiment là où on n’en a pas besoin. On souffre de beaucoup de choses dans nos pays, c’est vrai (…). Au bout d’un moment, peut dire que la monnaie est responsable de tous nos maux. Mais, pourquoi les autres pays qui ont leur propre monnaie ne s’en sortent pas mieux ? Et c’est ça le problème des populistes ; ils activent l’émotionnel. Et une fois que l’émotionnel est activé, le discernement recule. On réagit, on ne réfléchit plus ».

« Le problème, c’est qu’on est en train d’amener le débat dans le domaine du racial, du ressentis envers l’autre. Beaucoup de français sont nos amis. Donc, je ne comprends pas d’où est venu ce réveil de la colonisation (…). Qu’est ce qui nous arrive autant d’années après les indépendances à ramener ce débat ? C’est le populisme qui active ça parce qu’ils savent que c’est un passé qui est récent, qui est encore douloureux. Et en l’activant, on se créé des amis. »

« Aujourd’hui, la BCEAO est un bouc-émissaire. Les populistes nous font passer pour des gens qui n’ont rien compris et qui desservent leur pays. J’aimerais bien qu’on soit aussi bêtes, qu’on soit des asservis volontaires. Mais on est trop nombreux pour l’être tous.

« Le problème qui se pose, c’est que depuis longtemps on veut réagir ; mais il y a ce que appelle le devoir de réserve. Tu ne peux pas tout dire. Les gens nous accusent de ne rien dire, alors que nous ne sommes ni les gouvernements, ni les autorités monétaires. On ne peut pas parler à leur place. Mais les pourfendeurs n’ont pas ce droit de réserves, ils disent tout ce qui bon leur semble et ils passent tout leur temps à travestir tous les faits. (…) Il faut à un moment que les gens qui nous insultent nous respectent. On ne peut pas être si bêtes aussi depuis longtemps ».

« La création de richesse et la monnaie, ça fait deux. L’ambition, on la trouve partout. Mais si on veut dormir et être riche, ce n’est pas possible. Si on veut toujours désigner des faux coupables pour ce qui ne va pas chez nous, ça ne va jamais se construire. Pour soigner son mal, il faut le nommer. C’est trop facile de désigner la France comme la mère de tous nos maux. »

« Kako sait que quand les gens ont faim, tout ce qu’on leur dit, ils avalent. Il sait que quand on leur dit que pendant que vous êtes là, vous avez faim, on nourrit les caisses de l’Etat français, ils croiront. Ça, c’est absolument ignoble de dire parce que c’est créer du ressentiment là où on n’a pas besoin de le mettre. »

« Jusqu’ici ça ne l’arrangeait pas qu’on soit sur le même plateau que lui. Sinon, nous, on en demande [le débat contradictoire]. (…) Il fut un temps, les banquiers centraux étaient persuadés qu’il ne faut même pas qu’ils s’aventurent dans ce débat. Mais avec le temps, on s’est rendu compte que malheureusement l’intox a pris vraiment des proportions qui deviennent alarmantes. Ça devient de la xénophobie parfois.»

« Le discours qu’il véhicule quand on est là et quand on n’est pas là est tellement opposé que je ne comprends pas son obsession sur le franc CFA. »


Aminata Fall Niang, directeur général de l’organisation et des systèmes d’information de la BCEAO : « dépassons la colonisation »

« Nous nous sommes sentis très atteint pas tout ce qui se dit et qui ne tiennent pas, le plus souvent, la route. Ce que nous sommes en train de vous avancer est vérifiable par toute personne mue par une volonté de connaitre la vérité, de connaitre comment on fonctionne, quels sont les mécanismes de gestion de la monnaie de la manière la plus objective qui soit. »

« Monsieur Nubukpo dont vous parlez sait très bien de quoi on parle, c’est un ancien fonctionnaire de la BCEAO. Nous tairons comment il a quitté, ce qui s’est passé, ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est simplement que nous, nous sommes prêts à tout débat technique sur la question. Si on nous amène sur des débats techniques sur la monnaie et comment la faire évoluer, et faire progresser notre zone, nous sommes totalement preneurs. C’est là qu’on l’attend. Sans passion, sans d’autres éléments derrière la tête. De manière professionnelle, qu’il vienne nous dire voilà ce qui pourrait faire progresser le franc CFA et je tiens à ce que la banque centrale débatte avec moi. Si ce faisant, nous ne venons pas, là, on aurait compris. »

« Cette question d’héritage coloniale, c’est vrai et on ne peut pas renier notre histoire. Je pense que c’est à la limite dégradant pour nous-mêmes que de remuer notre histoire. Elle est là, on ne peut pas l’effacer (…). Ce que disent les activistes, c’est que c’est une monnaie héritée de la colonisation. C’est la seule chose de vrai. Mais après cela, non. Dépassons la colonisation. On a passé ce temps depuis longtemps, les accords monétaires ont été révisés ».


Le directeur national de la BCEAO, Kossi Tenou, dénonce une « mauvaise foi »

 « Par rapport à la citation de Kako, on va essayer d’apporter une réponse technique. Mais il faut qu’on garde à l’esprit une chose. Sur le franc CFA, ce que nous essayons de faire, c’est de vous expliquer de façon concrète, le mécanisme. Et nous pensons que vous êtes de bonne foi. Sur le sujet, je pense que si quelqu’un est de mauvaise foi, nous, on ne peut rien. Il faut qu’on soit clair dessus. Monsieur Kako, avec tout le respect que j’ai pour lui, nous avons eu personnellement à échanger avec lui chaque fois qu’il dit, excusez-moi l’expression, des contre-vérités sur le franc CFA. Et à chaque fois, Monsieur Kako dit ‘grand-frère, vous avez raison, je ne savais pas. Je vous remercie’. Mais quand il sort, il répète les mêmes choses. C’est comme quelqu’un qui dit 1 + 1 = 3. Vous l’appelez, vous lui dites que non, ça fait 2, et il vous dit ‘ah, merci. Vraiment. Je ne savais pas’ ; mais il sort, il répète encore que 1 + 1 = 3. Vous appelez ça comment ? C’est la mauvaise foi. Mieux, nous avons échangé avec lui. Le gouverneur de la banque centrale, quand il a pris fonction, l’ayant écouté à plusieurs reprises pensait que c’est quelqu’un de bonne foi mais qui peut-être ne connaissait pas le bon fonctionnement du franc CFA. Le gouverneur l’a appelé. Ils ont discuté. A la fin, il a remercié le gouverneur de lui avoir expliqué les choses. Mais ça n’a pas empêché qu’il sorte et répète les mêmes choses ».

« Il faut que demain, lui il puisse expliquer à ses enfants comment il a pu être de mauvaise foi pendant longtemps. C’est ça la vérité. En réalité, ce sujet est devenu un fonds de commerce pour lui. Il a tellement dit de contre-vérités qu’il ne peut plus revenir en arrière. C’est devenu son fonds de commerce. La monnaie est une chose sérieuse et il faut qu’on comprenne bien le fonctionnement. »

« Que Monsieur Kako dit qu’on peut rapatrier les réserves de changes, nous nous disons que ce n’est pas un économiste. Nous nous disons que c’est des âneries. Ça fait partie du B A BA qu’on enseigne aux étudiants de première année de sciences économiques. On ne crée par de la monnaie comme ça. Elle est créée en contrepartie de quelque chose. Soit des avoirs extérieurs nets, c’est-à-dire des réserves de change, ou des crédits. C’est ça la réalité des choses. Quand quelqu’un dit ça, on se dit mais, il a fait ses études où, et qui ont été ses professeurs. »

« Les réserves de change sont à nous. Toute banque centrale au monde a des banques correspondantes dans des pays avec lesquels on entretient beaucoup plus de relations commerciales. La Banque centrale a son compte d’opération au niveau du trésor (français). On aurait pu ne pas avoir ce compte d’opération là, mais on aurait obligatoirement ouvert un compte ailleurs pour faire nos opérations. »

« Les montants dans ces comptes sont à nous. La France nous offre une garantie. Elle nous dit que si jamais il nous arrive que nous n’ayons plus de réserves de change, elle se porte garante pour nous fournir la quantité désirée de réserves de change. Bien entendu, ce n’est pas gratuit. Mais il n’y aura pas de discontinuité dans les paiements. Le temps qu’on puisse procéder à des ajustements. Gardons à l’esprit que par rapport à cette garantie, la seule condition, la France nous dit qu’il faut déposer 50 % des réserves de change sur ce compte. C’est des écritures. Des dépôts qu’on peut encore retirer. C’est comme une banque qui vous demande de virer 50% de votre salaire sur votre compte et vous obtiendrez du crédit quand vous le désiriez. A tout moment, vous pourrez retirer les 50%. C’est à vous. Seulement qu’il y a un jeu d’écriture. C’est tout ».

« Il ne faut pas que quelqu’un vous raconte des histoires. Kako n’a qu’à aller expliquer à ses propres enfants comment il peut dire des bêtises pendant des années (…). Il y a certains soi-disant intellectuels qui discutent de la monnaie ; mais il va y avoir, si jamais on veut les suivre, un impact considérable sur des milliers de personnes. La monnaie est une chose sérieuse qu’il faut laisser aux spécialistes. »


Réponse écrite de Kako Nubukpo avec qui notre rédaction est entrée en contact tôt ce mercredi

« J’ai appris tout ce que Tenou a dit en ce qui me concerne et je peux vous assurer que c’est entièrement faux. Je ne l’ai jamais rencontré dans son bureau à la BCEAO depuis qu’il a pris fonctions à Lomé. J’ai eu à croiser le gouverneur lors d’événements internationaux mais il ne m’a jamais reçu dans son bureau à Dakar. Je proposerai un débat contradictoire à Tenou et s’il en est d’accord, ce débat sera télévisé et radiodiffusé. Ce débat peut avoir lieu à l’endroit qu’il souhaite. Et même avec le Gouverneur de la Bceao s’il accepte. Je nie donc formellement avoir rencontré le directeur national et le gouverneur de la BCEAO dans leurs bureaux respectifs. Il m’est, en revanche, arrivé de croiser le gouverneur de la Bceao lors des assemblées annuelles du FMI et de la banque mondiale à Washington mais jamais dans un cadre formel. Je me donne le droit d’attaquer le directeur national de la BCEAO pour diffamation suite aux propos qu’il a tenus à mon endroit hier lors de la conférence de presse ».

Omar Traoré

Source : Croissanceafrique.com

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Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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