La santé numérique, vecteur de démocratisation pour l’accès aux soins sur le continent africain ?

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(CROISSANCE AFRIQUE)-En Afrique, les enjeux de santé sont considérables. Alors que le continent concentre à lui seul 30% des maladies au monde[1], il n’abrite que 1,3% des professionnels de santé[2]. Ce défi majeur sera exacerbé dans les années à venir par la croissance rapide de la population du continent. Selon les prévisions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la population africaine devrait doubler d’ici 2050, passant de 1,2 milliard en 2015 à plus de 2,5 milliards. Cette croissance démographique fulgurante signifie que la demande de services de santé continuerad’augmenter, mettant ainsi une pression considérable sur les systèmes de santé déjà sous-financés et sous-équipés.

La situation est d’autant plus préoccupante que l’Afrique connaît également une transition épidémiologique, avec une augmentation des maladies non transmissibles telles que le diabète et les maladies cardiovasculaires, en sus des maladies infectieuses telles que le VIH/SIDA et la tuberculose. Le recours aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) pour développer les solutions de santé numérique peut dès lors aider à répondre à cette demande croissante de services de santé.

Le déficit d’infrastructures de santé en Afrique

Les avantages de la santé numérique pour l’Afrique sont nombreux, permettant notamment de surmonter les barrières géographiques et temporelles qui empêchent souvent les patients d’accéder à des soins de qualité. En effet, alors que 58% de la population vivait en milieu rural en 2021[3], le déficit d’infrastructures dans ces zones a un impact significatif sur l’accès aux soins de santé. Les hôpitaux, les cliniques et les centres de santé sont souvent insuffisants, voire inexistants dans certaines zones, ce qui rend d’autant plus difficile pour les habitants d’obtenir des soins médicaux de qualité.

Les personnes vivant dans ces régionsdoivent souvent parcourir de longues distances pour se rendre dans des établissements de santé, ceci pouvant être difficile, coûteux et parfois dangereux. Le déploiement du numérique sembles’imposer alors comme un véritable levier face à un tel défi. Par exemple, les plateformes en ligne peuvent permettre aux patients de consulter un médecin à distance, ce qui est particulièrement utile pour les patients vivant dans des régions reculées où les services de santé sont limités. Ainsi, nombreuses sont les start-ups qui se sont développées pour relever le défi de la santé sur le contient. En Tanzanie par exemple, Medikea « propose des consultations en ligne avec des médecins et les complète par des tests de laboratoire et la livraison de médicaments à domicile, afin que les patients puissent obtenir des soins en temps voulu, éviter les longues files d’attente et faire des économies. »[4]

Lors du Mobile World Congress (MWC) 2023 organisé à Barcelone du 27 février au 2 mars, l’entreprise Huawei a notamment organisé une table ronde intitulée « Accélérer le parcours numérique des soins de santé pour créer ensemble une nouvelle valeur », lors de laquelle la question des infrastructures a été centrale. En effet, le géant des télécommunication est convaincu que seule une infrastructure numérique solide couplée à des solutions innovantes pourra accélérer la transformation digitale de l’industrie des soins de santé et ainsi avoir un véritable impact sur les populations.

Relever le défi des coûts de santé sur le continent

En effet, en Afrique, l’un des principaux défis de l’accès aux soins reste le coût élevé des soins de santé lié -entre autres- au déficit d’investissement dans les infrastructures, aux coûts élevés des médicaments et à la pénurie de personnel. Selon un récent rapport publié par le cabinet de conseil McKinsey & Compagny, l’utilisation des outils de santé numérique permettrait de réduire les dépenses de santé de 15% d’ici à 2030[5], rendant de fait l’accès aux soins plus accessible.

La santé numérique permet également de réduire les coûts pour les établissements de santé qui peuvent utiliser des technologies de cloud pour dématérialiser les données. La mise en place du dossier médical électronique permet en effet de réaliser d’importants gains en efficacité sur un continent où les coûts administratifs liés à la gestion des systèmes de santé sont élevés. Au cours du Mobile World Congress (MWC) 2023 à Barcelone, le géant chinois des technologies Huawei a ainsi présenté son infrastructure TIC hospitalière intelligente permettant notamment de réduire les coûts de fonctionnement et d’entretien des systèmes.

La formation aux TIC : un enjeu majeur de la santé numérique

La collecte et l’analyse des données de santé numérique sont un vivier d’opportunités pour aider à mieux orienter les politiques de santé et les décisions en matière de financement. En effet, les données de santé numérique peuvent fournir des informations sur les tendances et les écarts de santé, ainsi que les résultats des interventions, ce qui peut aider les décideurs à évaluer l’efficacité des programmes de santé et à allouer les ressources de manière plus efficace. Ainsi, le développement de la santé numérique est tributaire du déploiement des technologies que sontle cloud, l’Internet des Objets (IoT), l’intelligence artificielle (IA) ou encore la 5G. Dans ce cadre, le rôle des pouvoirs publics sera crucial.

Par ailleurs, la formation aux TIC sera essentielle pour garantir que les professionnels de la santé et les populations soient en mesure d’utiliser ces outils de manière efficace et efficiente, mais égalementpour garantir une maintenance durable des infrastructures numériques. Fin 2022, les experts du Boston Consulting Group (BCG) estimaient qu’il faudrait former près de 650 millions d’Africains d’ici à 2030 pour tirer pleinement parti du boom numérique sur le continent[6]. Acteurs du secteur public et du secteur privé mettent désormais la formation au numérique au cœur de leurs stratégies de développement et travaillent main dans la main dans cette direction. Ainsi est né le programme DigiSchool au Sénégal. Lancé en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, le Bureau régional de l’UNESCO pour l’Afrique de l’Ouest, l’opérateur local Sonatel et l’équipementier chinois Huawei, ce projet visait à fournir une formation à distance aux 20 000 enseignants et 100 000 élèves dans 200 écoles.

Si la santé numérique représente un vivier d’opportunités pour relever le défi de la santé en Afrique, il existe encore beaucoup d’obstacles à sa mise en place pleine et entière. Le déficit d’infrastructures de base empêche notamment d’accéder de manière optimale et durable à l’électricité et à Internet. Cela constitue un frein majeur qui limite tout autant le déploiement des outils numériques au sein des infrastructures de santé, que la capacité des patients à utiliser de telles solutions. Si l’enjeu de la formation est pris à bras le corps, la connectivité et l’électrification du continent seront essentiels au déploiement de la santé numérique, qui elle seule permettra de démocratiser l’accès aux soins sur le continent et ainsi de répondre à l’Objectif de Développement Durable n°3 qui vise à permettre à tous de vivre en bonne santé.

DAOUDA BAKARY KONE


[1] « L’accès aux soins primaires en Afrique : polémique sur le détournement de l’argent de la santé », École de Guerre Économique, mars 2020.

[2] « Les défis de la santé en Afrique : quel rôle pour le numérique ? », Programme des Nations Unies pour le développement, septembre 2022.

[3] « L’Afrique doit atteindre les Objectifs de Développement Durable, seul le numérique pourra l’y conduire », Afriquinfos, septembre 2022.

[4] « Tanzanie : Desire Ruhinda permet aux patients de consulter un médecin par vidéo ou par chat », We Are Tech Africa, février 2023.

[5] « En Afrique, la digitalisation peut réduire les dépenses de santé de 15% d’ici 2030 (rapport) », Agence Ecofin, mars 2023.

[6] « Numérique en Afrique : l’urgence de la formation », Le Point, décembre 2022.

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croissanceafrikhttps://croissanceafrique.com
Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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