(CROISSANCE AFRIQUE)-Malgré le boom de l’exode rural que connaît l’Afrique depuis de nombreuses décennies, la population rurale du continent est amenée à continuer de croître dans un contexte de croissance démographique fulgurant. Dès lors, de nouveaux défis émergeront.
Le développement du secteur agricole peut être l’un d’entre eux, cherchant ainsi à répondre à un double enjeu : celui de la sécurité alimentaire tout d’abord, puis celui de la croissance économique des campagnes.
Dans l’accélération de cette transformation des zones reculées, le déploiement des services numériques devra constituer un point d’attention majeur des gouvernements et acteurs privés évoluant dans cet écosystème. Le numérique permettra ainsi de réduireles disparités territoriales, notamment en matière d’accès aux services essentiels,un prérequis nécessaireà la participation de ces territoires à la croissance nationale et, in extenso, au développement du continent. Ce faisant, ladémocratisation du numérique apparaît comme un allié de taille à un meilleur développement des zones rurales en Afrique.
Les technologies numériques pour désenclaver les zones rurales
En 2021, 58% de la population africaine vivait en milieu rural selon la Banque mondiale[1]. Or, en raison du déficit en termes d’infrastructures, voire de la faiblesse de ces dernières, l’accès à la connectivité s’en trouve limité et empêche donc aux populations d’accéder de manièreoptimale aux services publics essentiels.
Le numérique semble donc ici jouer un rôle salvateur puisqu’il permet aux habitants de ces zones reculées de bénéficier d’un certain nombre de services à distance, tels que l’éducation, la santé ou encore l’accès à l’énergie. Ce faisant, les nouvelles technologies s’imposent donc comme unleviermajeur pourle désenclavement des territoires en Afrique.
Pour autant, le continent détient encore l’écart de connectivité entre zones rurales et urbaines le plus important au monde avec un taux de pénétration d’Internet de 16% en milieu rural contre 40% en zone urbaine en 2020, selonl’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA)[2]. Pourtant, si le droit à la connectivité est un droit humain fondamental et la pierre angulaire du progrès économique, le manque d’accès aux technologies numériques en zones rurales est une source d’inégalités de genre. Selon l’Union internationale des télécommunication, en 2020, la proportion de femmes utilisant Internet était inférieure de 12% à celles des hommes en Afrique. Cela leur est ainsi préjudiciable, les empêchant de pleinement profiter des bénéfices de la transformation numérique, mais également de gagner en indépendance via la possibilité de se lancer, par exemple, dans l’aventure entrepreneuriale.
Afin de permettre aux populations vivant dans en zones rurales – que certains qualifient de blanches – de bénéficier des opportunités que revêt le numérique, il importe doncd’accélérer le déploiement et derenforcer l’accès de tout un chacun à la connectivité, celle-ci constituant un enjeu majeur pour le développement socio-économique de ces territoires, et de facto, du continent africain. C’est tout particulièrement cette affirmation qui a été mise en avant lors du CSD Forum organisé par l’entreprise Huawei le 23 novembre dernier.
Pour ce faire, il est tout d’abord essentiel d’investir dans des infrastructures fiables, de qualité et durables. L’énergie solaire étant abondante et illimitée en Afrique, de nombreux acteurs privés et publics ont fait de la ressource solaire la clé du déploiement d’infrastructures numériques.L’équipementier chinois Huawei a ainsi développé la solution RuralSolar Power, conçue spécifiquement pour les zones rurales et fonctionnant en dehors du réseau central. La solution repose sur la combinaison de l’énergie solaire et du réseau Internet. Cette solution devrait permettre la construction de 1 000 micro-réseaux photovoltaïques pour 1 000 villages isolés d’ici à 2025[3]. L’Agence Française de Développement (AFD) a également déployé un projet de Smart grids, de concert avec la Société Tunisienne d’Électricité et de Gaz (STEG).Celui-ci permettra d’intégrer les énergies renouvelables au mix électrique tunisien, de digitaliser les services et infrastructures de la STEG et de favoriser une meilleure maîtrise de la demande électrique tunisienne.
Il importe donc de réduire la faible, voire le manque de connectivité ces espaces, ceci ayant dès lors un impact sur le développement socio-économique de ces zones pourtant essentielles à la croissance économique des pays.
Vers une e-agriculture : le numérique comme vecteur de développement économique dans les zones rurales
Si l’Afrique connaît une urbanisation galopante, celle-ci ne s’accompagne pas toujours inévitablement d’une industrialisation de son économie, le secteur agricole constituant à titre d’exempleune part majeure de l’économie africaine. En 2019, l’agriculture comptait près de 60% de la population active sur le continent[4], pesant à hauteur de 30% sur le PIB de l’Afrique[5].
Tandis que le continent possède 60% des terres arables disponibles sur la planète[6], l’Afrique continue d’importer chaque année plus de 45 milliards de dollars de denrées alimentaires[7], majoritairement du riz. Le constat est évident, l’agriculture africaine semble souffrir d’un manque important de productivité qui est en majorité le fait d’une agriculture essentiellement familiale. Cette dernière génère, en effet, très peu de bénéfices et relève majoritairement de l’économie informelle, quand bien même elle constitue un vivier économique majeur. Dans ce contexte, l’apport des nouvelles technologiques pourrait se révéler hautement bénéfique, renforçant la productivité et dès lors la rentabilité de ce secteur pourtant essentiel à l’économie nationale et continentale.
Afinque les populations opérant dans le secteur agricole puissent bénéficier des avantages et opportunités offerts par les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), y comprisdans les zones les plus reculées, des programmes ambitieux doivent être développés. Acteurs privés et publics ont tous leur rôle à jouer dans cette démocratisation des innovations numériques, l’amélioration du bien-être et de la vie quotidienne des populations devant constituer le principal objectif.
Au Maroc, les sécheresses subies par le pays depuis deux ans, dont les conséquences pourraient être désastreuses. Le déploiement de systèmes numériques tels que la « Smart Irrigation » de Huawei, permet ainsi d’irriguer à distance et avec précision, via l’utilisation de capteurs au sol qui collectent des données en temps réels sur l’humidité des sols, leur température, leur salinité, etc. En utilisant la juste quantité d’eau nécessaire, cette technologie permet aux agriculteurs d’avoir un fort taux de rentabilité tout en économisant leurs ressources en eau. On estime ainsi qu’une économie d’eau de plus de 60% peut être réalisée grâce à ce système d’irrigation intelligent. L’entreprise américaine Microsoft s’est également emparée du sujet aux côtés de la Société Financière Internationale (SFI) pour soutenir la transformation numérique du secteur agricole en Afrique[8].
Le numérique permettra donc de sortir le continent d’un modèle d’agriculture familiale, encore trop peu rentable, pour favoriser le développement de plateformes permettant aux acteurs opérant dans cet écosystème de se structurer davantage et de moderniser leurs chaînes d’approvisionnement.
Mais alors que l’âge moyen des agriculteurs est d’environ 50-55 ans en Afrique selon la fondation Rabobank[9], la formation aux enjeux du numérique des populations les plus jeunes sera primordial afin de stimuler ce secteur d’activité et d’impulser sa transformation numérique. Le secteur privé s’est imposé comme un moteur clé dans le développement de l’éducation numérique. Nombreux sont les projets de formation déployés par les géants du numérique en Afrique : centres de formation au digital avec Orange, le programme Tech4All de Huawei ou encore les multiples formations initiées par Google à destination des développeurs. L’offre est multiple et répond à une seule réalité : seule une population qualifiée et formée aux outils numériques sera en mesure de répondre pleinement aux défis présents et futurs sur le continent, et ainsi de réduire la fracture numérique existant entre les zones urbaines et rurales.
[1] « L’Afrique doit atteindre les Objectifs de Développement Durable, seul le numérique pourra l’y conduire », Afriquinfos, septembre 2022.
[2]Rapport, « The State of Mobile Internet Connectivity 2020 », GSMA, 2020.
[3]« Philippe Wang : “En Afrique, la lutte contre le changement climatique passera par sa transformation numérique” », La Tribune Afrique, novembre 2022.
[4]Rapport, « The State of Mobile Internet Connectivity 2020 », GSMA, 2020.
[5] « Afrique : l’alliance gagnante du digital et de l’agriculture », Le Point, octobre 2019.
[6] « Accès à l’électricité et terres arables en Afrique : deux affirmations de Macky Sall examinées », Africacheck, octobre 2022.
[7] « Afrique : l’alliance gagnante du digital et de l’agriculture », Le Point, octobre 2019.
[8] « Microsoft et la SFI collaborent pour multiplier les produits numériques dans le secteur agricole en Afrique », We Are Tech Africa, novembre 2022.
[9]« Microsoft et la SFI collaborent pour multiplier les produits numériques dans le secteur agricole en Afrique », We Are Tech Africa, novembre 2022.
DAOUDA BAKARY KONE