Mali: Interview exclusive avec l’ancien ministre Cheick Oumar Sissoko

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Dans cette interview, l’ancien ministre Cheick Oumar Sissoko, figure emblématique du Mouvement du 5 juin Regroupement des Forces Patriotiques (M5-RFP) s’exprime sur la situation sociopolitique du Mali.

Croissance AfriqueM. Le ministre, comment se porte le M5-RFP ?

Tout le monde se pose la question aujourd’hui sur le M5-RFP, nous sommes inquiets. Vous savez sans doute que je suis un des signataires de la lettre qui demande tout simplement que nous nous réunissions autour des problèmes à résoudre pour donner à M5 sa force, ses objectifs et participer au renforcement de la Transition dans le cadre du soutien aux autorités de la Transition. Nous avons une personnalité qu’il faut maintenir qui doit évoluer avec le temps, avec les exigences politiques de la Transition de notre pays. Parce que nous sommes et nous voulons continuer à être une alternative politique crédible pour que cette transition réussisse et pour préparer l’après transition. Car nous ne voulons plus retourner à la case départ. Ce pays depuis le 19 novembre 1968 est régi par un système politique, économique social et culturel qui ne fait que le plonger dans l’archaïsme économique social. Alors que le Mali a des ressources naturelles immenses et des ressources humaines importantes. Et il faut que cela change. Alors c’est ce besoin que nous avons. 

Le document (la lettre) que nous avons envoyé n’était pas destiné aux réseaux sociaux. Nous avons déposé la lettre physique auprès du président par intérim du comité stratégique du M5-RFP, Boubacar Karamoko Traoré. Nous avons été surpris de voir cela sur les réseaux. Alors donc nous attendons. Je ne sais pas si vous avez vu sur les réseaux sociaux, les insultes à l’endroit de Me Mountaga Tall. Ces insultes ne sont pas à leur première. Toute personne qui ose émettre une idée, je ne dis pas une critique, sur la Transition qui n’est pas le fait du premier ministre Choguel Kokalla Maiga qui est notre choix à la primature, se fait insulter, matraquer par ceux que j’appelle les « chiens méchants ».

Croissance Afrique : Mais qui sont derrière ces insultes, vous avez une idée de leurs identités ?

Cheick Oumar Sissoko, ancien leaders du M(-RFP

Mais c’est de cela que nous voulons discuter au niveau du comité stratégique. Voir quelles sont les entraves à l’épanouissement du M5. Quelles sont les entraves à une plus grande contribution du M5 à la réussite de la transition. Le M5 ne donne pas un chèque en blanc à la Transition. Quand nous avons désigné le premier ministre en la personne du président du comité stratégique, nous avons bien dit que nous resterions une veille citoyenne pour apporter notre contribution. Nous avons dit pour que cela soit aussi, le PM ne peut pas rester président du comité stratégique. D’abord parce que, il est aux affaires de l’Etat, il n’aura pas le temps pour travailler à l’organisation et à l’orientation du M5. Ensuite, il ne saura pas être la veille citoyenne. Parce que la veille citoyenne c’est dire quand ça va, on soutient, on applaudit, quand ça ne va pas on fait des observations on fait des critiques. 

Aussi on a fait savoir que tous ceux qui sont dans l’action gouvernementale comme les ministres ne peuvent pas être dans le comité stratégique. Ils ont suffisamment à faire pour être là. La preuve malgré le fait qu’on a aménagé nos réunions, c’était les mercredis, on a décidé de les tenir les jeudis. On voit de temps en temps deux ministres notamment Bakary Doumbia et Bréhima Kamena. Et le second n’était pas dans le comité stratégique. Toute la question est là, on craint que si nous continuons comme cela, que notre grande alternative politique, crédible ne disparaisse. Les gens peuvent penser que c’est la mauvaise foi qui nous guide mais on a l’habitude de cela. 

Croissance Afrique : Après la rectification entre guillemets de la trajectoire de la Transition, la primature vous a été confiée. Est-ce qu’aujourd’hui cette Transition marche avec l’idéologie ou encore la voie tracée par le M5-RFP ?

Le M5 a effectivement élaboré un document. C’étaient des axes de travail en 10 points et 17 mesures. Dans ces 10 points et 17 mesures ce qui est en train d’être fait et qui nous rassure c’est la question de la sécurité, la question de la guerre. Nous avions en premier point demandé à s’attaquer à cette guerre. On n’a pas cessé de mettre l’accent là-dessus. EMK (Espoir Mali Koura), lui-même a fait un document de 32 pages sur la solution de sortie de crise que nous avons intitulé « la mobilisation générale des maliens contre la guerre qui nous est imposée ».

Croissance Afrique : Entretenez-vous une bonne relation avec le premier ministre ?

Les relations sont bonnes. Nous, on ne va pas à l’affrontement, absolument pas.  Nous soutenons la Transition, nous demandons tout simplement que le M5 ait voix au chapitre aujourd’hui. Le M5 n’a pas voix au chapitre. Le mouvement ne s’exprime plus que dans l’attente des décisions des autorités pour être une caisse de résonnance. C’est comme un président de parti politique qui monte au pouvoir il a une base sociale. Il demande d’applaudir à chaque fois qu’il y a des choses qui se passent. Nous, nous disons, nous applaudirons aux choses effectives pour les intérêts du pays mais nous apporterons notre contribution par nos idées, par nos réflexions. Et les maliens savent que nous avons apporté des idées, des réflexions. Nous avons été cette expression politique du mouvement populaire qui s’est enclenché dans le pays. 

Croissance Afrique : Depuis le 9 janvier 2022, le Mali est sous sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA. Quel est votre avis ?

L’illégalité de ces sanctions est une réalité quand on regarde le protocole de gestion de la bonne gouvernance sur la démocratie dans la sous-région. Dans les textes mêmes de la CEDEAO, nulle part il n’est question de ces sanctions. Et au regard de ce protocole on en vient à voir que la CEDEAO des chefs d’Etat a fermé les yeux sur la mauvaise gouvernance au Mali, en Guinée, en côte d’Ivoire etc., sur le non-respect des règles démocratiques inscrites dans nos constitutions. Je ne suis pas surpris par ces sanctions. Elles sont inhumaines. Parce que la CEDEAO que nous voulons vraiment doit pouvoir travailler à défendre tous les pays et à ne pas permettre de demander le développement de quelle situation. Ces sanctions, je ne suis pas surpris. Rappelez-vous-en 2012, Alassane Dramane Ouattara (président de la côte d’Ivoire) avait pris déjà des sanctions contre le Mali avant la réunion de la CEDEAO. Raison pour laquelle nous avions dit qu’il faut se préparer contre toutes les éventualités. Des éventualités d’une guerre prolongée et massive. C’est pourquoi nous avions élaboré un document en disant dans chacun des 49 cercles, il doit y avoir un recrutement de 1500 jeunes dans les communes et créer un bataillon militaire de 500 personnes. Et avoir des gens dans chaque commune pour faire des patrouilles afin d‘éradiquer des bandits. Nous avions aussi parlé de partenariat avec tous les pays qui respectent notre souveraineté et le programme de développement économique.

Croissance Afrique : Le délai de la Transition constitue le principal blocage. Votre avis ?

C’est les autorités qui doivent décider de la Transition. Il faut instaurer le dialogue. Moi, je n’étais pas d’accord qu’on ferme nos frontières. Parce que le Mali appartient à tous les africains. Je pense que dans toutes les constitutions, nous avons fait noter que le Mali, est prêt à renoncer à sa souveraineté. Donc c’était plutôt une leçon de morale. Tout comme le ministre des affaires étrangères Abdoulaye Diop vient de faire une grande leçon de morale politique à la France. Cinq (5) ans c’est excessif. Mais ils l’ont dit en donnant un programme cohérent. Mais je pense que ce programme aurait dû faire l’objet d’une discussion avec la CEDEAO. Le Mali semble-t­-il proposer deux (2) ans et l’Algérie seize (16) mois. A mon avis, les deux (2) ans c’est une très bonne proposition.

Croissance Afrique : Nous assistons à un durcissement de ton entre Paris et Bamako. Qu’en pensez-vous ?

La diplomatie malienne est en train de s’affirmer dans le sens de la défense de notre souveraineté et de la défense des intérêts de l’Etat du Mali. L’affaire du contingent danois et celle de l’aéronef français en sont des exemples. Sans oublier la demande de révision de l’accord de coopération de défense et le choix d’autres partenaires. Ce choix nous a permis d’acquérir des matériels militaires que nous payons. Aujourd’hui la peur a changé de camp. Nos forces armées ont un encadrement russe et non Wagner.

Interview réalisée par Ibréhima Koné

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