(CROISSANCE AFROQUE)-La première c’est de viser à satisfaire exclusivement ceux qui ont pris des armes en oubliant les préoccupations aussi de la grande majorité des populations du Nord. Ce qui dans une certaine mesure a encouragé d’autres groupes à se constituer et à détenir des armes avec l’espoir de se faire entendre également (très souvent se faire entendre signifie avoir quelque chose pour soi-même , une part du gâteau en quelque sorte et pas forcément pour la communauté au nom de laquelle on se bat).
La deuxième erreur c’est d’avoir fermé l’élargissent de la représentativité des populations du nord dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord aux seuls groupes signataires. Ces groupes signataires étant tous constitués sur une base essentiellement ethnique ou tribal , l’accord encourage à tort ou à raison les divisions ethniques et tribales dans le pays. Il y a ainsi une menace de créer un état composé de plusieurs régions à base ethnique ou tribale où va régner une politique d’apartheidisation. Chaque ethnie ou tribu va chercher à se replier sur son identité et sa communauté. Ce qui fera peser une menace de guerre civile dans le pays comme c’est le cas actuellement en Libye.
La troisième erreur c’est d’avoir fermer les yeux sur le caractère féodal et pro islamiste de la philosophie qui anime beaucoup de leaders des groupes armés signataires. Nous ne devons pas oublier que dans un passé récent ils ont presque tous pactisé avec les terroristes ( je préfère ce mot au mot djihadistes qui peut prêter à confusion pour ceux qui comprennent l’islam ). Ainsi Plusieurs d’entre eux ne croient pas aux principes et valeurs de la république et de la démocratie. Ils ne croient pas à l’égalité de tous les maliens ( les communautés bellah et autres tribus dont une grande partie qui vivent au Nord font encore l’objet de discrimination , sont considérées comme inférieures selon leur tradition) et ne croient pas au vote comme le meilleur moyen de départager les projets de sociétés des leaders politiques . Ils ne crois qu’à l’usage des armes pour s’imposer.
Quatrième erreur de l’accord c’est d’être resté très flou sur certaines questions ce qui rend leur interprétation à géométrie variable. Un exemple c’est le choix des autorités intérimaires pour remplacer des élus simplement sur la base d’un partage de postes entre les parties signataires de l’accord.
La cinquième erreur c’est d’avoir mis le développement au second rang et d’avoir privilégié seulement le cessez-le-feu sans désarmement. Cette erreur a encouragé la prolifération des armes dans le pays et à aggraver l’insécurité freinant du coup tous les investissements et autres actions de développement. Prendre des armes et les utiliser pour gagner sa vie : trafic de tout genre, banditisme, prises d’otages etc.. voilà les activités rentables mais très risquées pour les jeunes au Nord et au centre du Mali.
À cause de l’insécurité et de l’absence de l’état tous les grands projets d’investissements et beaucoup d’activités économiques et sociales au Nord y compris l’éducation et la santé sont à l’arrêt. L’aide d’urgence est également fortement ralentie à cause du risque de prises d’otages et tout ça malgré la signature de l’accord.
La sixième erreur c’est d’avoir aliéné la souveraineté de l’état du Mali en le mettant sur le même pied d’égalité que les leaders des groupes armés. Pire l’état est rendu presque seul ou principal responsable de la mise en œuvre de l’accord sachant bien qu’il lui faut des moyens financiers et qu’il n’a pas et qu’il ne peut rien contre les promesses non tenues des PTFs concernant le volet développement de l’accord qui devait être la prioritaire.
Après presque 7 ans de la signature de l’accord en dehors du cessez-le-feu avec les rebelles séparatistes ont ce demande qu’est-ce qu’il a apporté aux populations en terme de bien-être ?C’est bien là la question. Il n’a même pas pu rétablir la confiance entre les parties signataires dont certains sont fortement soupçonnés de ne pas jouer franc jeu.
L’application aveugle de l’accord d’Alger sans la prise en compte des principes et valeurs de la république et de la démocratie est un danger et une menace pour la paix et la sécurité au Mali dans son ensemble ( dans une république et une démocratie : la couleur, la région, la religion ne doivent pas compter au delà des droits garantie à tout citoyen. Seule la valeur intrinsèque du citoyen, sa compétence et son travail comptent pour sa réussite.Tous les citoyens sont égaux et ont les mêmes chances de réussir).
Je voudrais terminer mon analyse en indiquant les autres menaces qui pèsent sur le pays :
1) La baisse de la qualité de l’éducation et des formations à laquelle il faut ajouter la fermeture de plusieurs écoles dans certaines zones ainsi que l’absence de débouchés pour les produits des écoles coraniques et médersas. Il est urgent compte tenu de leur importance croissante en terme d’enrôlement que l’état formalise leur création et leur programmes de formation en y intégrant des formations professionnelles aux métiers porteurs et / ou en créant des passerelles avec le système de l’éducation nationale.
2) l’immixtion des leaders religieux dans le champ politique . Peut-être qu’il faut à l’instar des militaires et autres professions créer une incompatibilité entre des postes politiques et le métier d’imam ou de Precheur religieux ( interdire les cumuls )
3) le manque de rigueur, de discipline, de transparence dans la gestion des ressources publiques. Que certains nomment la bonne gouvernance. Son absence ou sa faiblesse est une menace pour la paix et la stabilité.
Pourquoi par exemple ne pas publier chaque année la liste avec les montants de tous les bénéficiaires des marchés publics et des exonérations et subventions en précisant les services de l’état concernés par les transactions et en les classant par ordre d’importance et par département.
.
4) la trop forte dépendance de l’aide extérieure et la grande influence des politiques extérieures d’autres pays puissants sur nos décisions importantes et même souvent sur notre façon d’être. Loin de moi de prôné le nationalisme ou patriotisme aveugle mais il y a besoin de rééquilibrage des influences sur la conception et la mise en œuvre de nos politiques , programmes de projets publics. Nous devons affirmer notre leadership sur les domaines prioritaires de l’aide publique au développement, favoriser l’exécution nationale ( ce qui suppose d’améliorer la qualité, l’efficacité et la transparence de la gestion de l’aide par nos administrations)et se doter d’une stratégie de développement à long terme bien conçue , claire et fortement internalisée. Mettre en place un système de suivi / évaluation performant et période des politiques et programmes du gouvernement.
Tout cela devra se faire dans le cadre de nos engagements au plan régional et international ( UMOA, CDEAO, UA, ZLECAF, OMC NU etc…)
5) la mauvaise répartition des financements publics. Une meilleure allocation des ressources de l’état entre les différentes régions pour permettre à chaque région de développer au moins un ou deux pôles de croissance pour tirer son économie régionale tout en veillant à leur intégration judicieuse dans les filières et chaînes de valeurs nationales et internationales d’approvisionnement .
Bamako doit cesser d’être le seul centre de développement de nos entreprises et de notre économie. Il nous faut plusieurs locomotives dans les régions pour tirer notre économie et cela doit être une priorité pour l’état.
La concentration de toutes les activités à beaucoup doit être perçue comme une menace potentielle à notre stabilité et à notre développement tout court. 6) l’insuffisance du rôle de la société civile dû à son manque d’autonomie financière et de formation aux techniques de lobbying et autres mécanismes d’influence démocratique sur les décisions et les politiques publiques.
Les associations se multiplient et sont le plus souvent instrumentalisées par des leaders politiques pour des intérêts individuels au lieu de l’intérêt général. Faire des associations du bétail électoral sans éthique, ni morale est une grande menace pour la démocratie et la république.
7) la mauvaise mentalité du malien d’aujourd’hui qui se caractérise par le goût du gain facile, le manque de discipline et du travail, le non respect des textes, l’indifférence vis à vis des affaires de la cité, la tendance à ne pas respecter des engagements, l’impatience dans la satisfaction des besoins, la propension à rendre toujours les autres responsable de ses échecs. Un exemple patent est celui des travailleurs maliens selon certains chefs d’entreprises qui font tout y compris voler l’entreprise dans laquelle ils travaillent sachant bien que celle-ci risque d’aller en faillite.
Cette attitude et mentalité d’un grand nombre de maliens sont une menace pour la compétitivité de notre économie et pour notre développement en général. Elles vont à l’encontre de cette vérité qui dit que le travail, la persévérance,l’ordre et la discipline sont essentiels à toute réussite. Nous devons donc œuvrer pour inverser cette tendance négative en inculquant aux maliens une mentalité de gagnant et de bon citoyen.
8) Mettre en place une diplomatie ouverte , non alignée et capable d’utiliser notre culture, nos potentialités et autres atouts pour promouvoir nos intérêts et notre leadership en Afrique et dans le monde. Le Mali doit jouer un rôle de premier plan dans l’unification de l’Afrique libre et non alignée pour qu’elle occupe la place qui lui revient dans le concert des nations. Faire de l’Afrique une future puissance mondiale autonome mais ouverte au reste du monde doit être le credo de tous les africains et des amis de l’Afrique.
Voilà humble l’opinion d’un citoyen lambda qui est dite en toute objectivité et franchise.
Plaise à Dieu que les maliens choisissent réellement la paix , la sécurité , la bonne gouvernance et le développement en général comme les seules voies qui garantissent le bonheur et la prospérité pour tous les maliens dans l’unité et la liberté.
Par Harouna Niang, Ancien Ministre de la République du Mali