Contribution
Depuis quelque temps, une revendication citoyenne forte s’exprime au Mali : celle de soustraire notre administration publique à l’influence des intérêts politiques partisans.
Cette exigence, légitime et salutaire, puise sa pertinence dans les dérives observées au cours des dernières décennies, où la progression dans la carrière administrative a souvent été conditionnée par l’affiliation politique ou la proximité avec l’élite dirigeante, reléguant le mérite et la compétence au second plan.
Il convient ici de clarifier une confusion fréquente : dépolitiser l’administration ne signifie nullement interdire aux fonctionnaires de s’intéresser à la politique. En vertu du Statut général des fonctionnaires du Mali, ces derniers disposent pleinement de la liberté d’opinion politique. L’article 17 est explicite à ce sujet :
« Le fonctionnaire est libre de ses opinions politiques, philosophiques et religieuses. Aucune mention de ces opinions ne doit figurer dans son dossier. Il lui est toutefois demandé de les exprimer en dehors du service et avec la réserve appropriée aux fonctions exercées. »
L’article 44 du même statut précise même que le fonctionnaire engagé dans une campagne électorale peut bénéficier d’un congé d’intérêt public. En clair, il est garanti à tout agent public la liberté de conviction, mais cette liberté doit s’exercer dans le respect de l’impartialité et de la neutralité du service public.
La dépolitisation, dès lors, ne vise pas à bâillonner le fonctionnaire, mais à garantir que ses promotions, ses affectations et l’évolution de sa carrière soient exclusivement fondées sur ses compétences, ses performances et son éthique professionnelle et non sur son allégeance politique.
Aujourd’hui, un parlementaire a interpellé le Premier ministre sur les voies et moyens de concrétiser cette dépolitisation. En tant que citoyen engagé, je me permets de proposer quelques pistes concrètes pour enrichir cette réflexion :
- Interdire la participation des gouverneurs, préfets et sous-préfets aux activités à caractère politique, étant donné leur statut de représentants de l’État dans leurs circonscriptions. À titre d’exemple, un préfet ne saurait être présent à une campagne référendaire sans compromettre la neutralité administrative.
- Exclure les autorités administratives des processus décisionnels à forte connotation partisane, afin de préserver leur rôle institutionnel et leur impartialité.
- Mettre en œuvre la Loi de 2014 instituant les appels à candidature pour les postes stratégiques de l’administration. Cette réforme vise à institutionnaliser une culture de mérite, à garantir la transparence dans les nominations, et à limiter les dérives liées au clientélisme. Malheureusement, cette loi reste inapplicable faute de décret d’application. Il revient aux législateurs de la transition de faire le nécessaire pour combler ce vide juridique.
Des pays comme le Sénégal, avec le duo Sonko-Diomaye, ont récemment pris des décisions courageuses en ce sens. Le Mali peut et doit s’en inspirer pour bâtir une administration moderne, compétente et au service exclusif de l’intérêt général.
Le renouveau tant espéré du Mali passe inévitablement par l’instauration d’une culture de l’excellence dans la fonction publique. Cela suppose que chaque nomination, chaque promotion, chaque responsabilité soit justifiée par les qualifications et les résultats, et non par des connivences politiques.
La neutralité de l’administration ne signifie pas que le fonctionnaire doive s’interdire toute opinion. Au contraire, la Loi n°02-053 du 16 décembre 2002, en son article 15, rappelle que :
« Tout fonctionnaire est lié par l’obligation de discrétion professionnelle concernant les documents, faits et informations dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.»
C’est cela, le véritable sens du devoir de réserve : protéger la confidentialité de l’État, sans réduire le fonctionnaire à un « esclave d’opinion ».
Un pays ne se construit pas dans l’uniformité intellectuelle, mais dans la confrontation sereine et constructive des idées. Être en désaccord avec une décision gouvernementale ne signifie pas être opposé à l’intérêt national. Il est essentiel que cette nuance soit mieux comprise et intégrée dans notre culture politique.
Que Dieu veille sur le Mali et éclaire ses dirigeants sur le chemin du mérite, de la justice et de la vérité.
Dieu bénisse le Mali et son peuple
Moctar Ousmane SY
Citoyen malien engagé