Chers amis,
Ce jeudi 15 octobre 2025, j’ai eu l’honneur de participer à un panel organisé par la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM) sur le thème: » Mois du Consommer Local : de 2019 à nos jours, bilan, défis et perspectives ».
Dans mon intervention, j’ai salué les efforts constants du Gouvernement du Mali, à travers le ministère de l’Industrie et du Commerce, pour son engagement en faveur du développement industriel — notamment le soutien accordé aux unités de fabrication de pâtes alimentaires, un secteur en pleine expansion.
Cependant, j’ai également souligné que, malgré ces avancées, le Mali doit renforcer sa base industrielle afin d’atteindre une véritable autonomie productive.
Selon la Direction nationale de l’Industrie, notre pays compte aujourd’hui plus de 1 000 unités industrielles, dont 60 à 70 % de boulangeries, 127 huileries et une centaine d’imprimeries.
En réalité, le Mali ne disposerait que d’environ 200 véritables entreprises industrielles, contre 6 000 au Sénégal et 8 000 en Côte d’Ivoire.
Cette différence considérable s’explique en partie par le fait que le Mali, pays enclavé, reste peu attractif pour les investisseurs étrangers, notamment à cause des coûts logistiques élevés et de l’insuffisance des infrastructures industrielles.
Ce constat doit encourager la mise en œuvre de réformes ambitieuses et cohérentes pour soutenir la production nationale et stimuler la transformation locale.
J’ai cité l’exemple de la Chine, dont la réussite industrielle repose sur la constance et la détermination de l’État à valoriser la production locale.
Il y a trente ans, les produits chinois étaient considérés comme bas de gamme.
Aujourd’hui, la Chine fabrique certains des meilleurs produits au monde et est devenue le premier fabricant automobile mondial.
Ce tournant décisif est le fruit d’une politique économique audacieuse : le gouvernement chinois a protégé ses industries nationales, en limitant les importations et en imposant des droits de douane pouvant atteindre 300 à 400 %.
Ces mesures ont poussé de nombreuses multinationales à s’installer directement en Chine pour produire localement — créant ainsi des millions d’emplois et un tissu industriel solide.
C’est simple à comprendre : là où il y a de l’intérêt, les investisseurs viennent.
Il revient donc à l’État de protéger ses industriels, ce qui incitera naturellement les commerçants à créer des industries locales et à investir dans la production. Car importer, c’est aussi importer le chômage et affaiblir notre économie locale.
À l’inverse, au Mali, nos entreprises locales ne peuvent pas rivaliser à armes égales avec les multinationales.
Aujourd’hui, une seule grande entreprise étrangère peut être plus riche que l’État malien lui-même, voire que plusieurs pays de la sous-région réunis.
Cela illustre à quel point le rapport de force économique est déséquilibré.
Si l’État ne prend pas des mesures courageuses et volontaristes, il sera très difficile de maintenir — encore moins de développer — une véritable industrie nationale.
À terme, le Mali risque de ne plus avoir d’industries locales et de dépendre entièrement des importations étrangères, car importer devient plus rentable que produire localement. Il va donc de soi que beaucoup préféreront importer plutôt que de créer des industries.
Si les États-Unis pratiquent le protectionnisme pour protéger leurs industriels, le Mali doit aussi protéger son économie, sans complexes, afin de lutter contre le chômage et la pauvreté, qui sont les conséquences directes de l’insécurité que nous vivons actuellement.
Ibrahima Diawara

