Montée en puissance de l’extrémisme violent au Sahel: Dr Moussa SISSOKO: « Ce sont des groupes armés et les mouvements djihadistes qui sont les acteurs de cette pratique au Mali »

Date:

Selon les statistiques des Nations Unies, envrons 763 millions d’individus vivent en dehors de la région du sahel où ils sont nés et nous observons actuellement les plus hauts niveaux de déplacements jamais enregistrés, avec 65,6 millions de personnes déplacées de force à travers le monde. C’est pourquoi, pour savoir plus de précision sur la question, nous avons tendu nos micros à De Moussa Sissoko, un expert qui traite des sujets brûlants dans le domaine de l’extrémisme violent au Mali mais aussi au sahel. Lisez

1- Croissanceafrique.com Pouvez-vous, vous présentez à nos lecteurs ?

Dr Moussa SISSOKO: Je suis Dr Moussa SISSOKO, Expert de l’Organe Central de Prévention et de Lutte contre l’Extrémisme Violent et le Terrorisme au Mali du Ministère des Affaires religieuses et du Culte

2- Croissanceafrique.com: Est ce que vous pouvez nous faire un état des lieux de l’extrémisme violent au Mali ?


De Moussa SISSOKO
: Le Mali, confronté à une double crise politico institutionnelle et sécuritaire marquée par le coup d’état de Mars 2012 et l’occupation des régions du nord et d’une partie de celles de Mopti et de Ségou par les groupes armés et les djihadistes. L’accord pour la paix et la réconciliation signé entre les groupes armés et le gouvernement du Mali devrait mettre fin aux violences, aux dérives séparatistes et de jeter les bases d’une refondation de l’Etat à laquelle tous les Maliens doivent participer à travers leurs représentants légitimes et légaux.
Après tout, le Mali malheureusement, continue toujours à vivre dans une situation d’insécurité permanente dans toutes les localités du pays caractérisée par des attentats, des enlèvements, des assassinats à caractère religieux, des recrutements de jeunes et d’enfants soldats par des djihadistes.
C’est dans ce contexte que de nombreux maitres et élèves coraniques ont subi l’influence négative des groupes armés constituant ainsi des forces hostiles. De milliers d’enfants et jeunes vulnérables sont en danger moral si des actions ne sont pas entreprises en leur faveur .A ce lot s’ajoutent les femmes, mères de familles particulièrement touchées par cette crise sécuritaire et identitaire d’où la nécessité d’intervenir à leur endroit.
Les régions de Gao, Mopti et le District de Bamako et sa périphérie ont durement été éprouvées par la crise sécuritaire qui a frappé le Mali avec à l’occupation des régions du Nord par des groupes armés et les mouvements djihadistes notamment Ançar Dine, MUJAO, Boko -Haram et AQMI. La crise a eu des conséquences graves sur l’économie, l’emploi et le comportement des populations. Cette situation a entraîné dans les régions du nord, celle de Mopti et une bonne partie de la région de Ségou, la faillite économique, le chômage, les frustrations et l’intégrisme religieux avec comme corolaire l’endoctrinement religieux, les enrôlements forcés, les violences physiques, les assassinats et les enlèvements. Avec le retour de la paix, certains réfugiés et déplacés internes ont volontairement décidé de regagner leur bercail où tout est à reconstruire; les capacités de résiliences des populations surtout les jeunes de 20 à 35 ans sont à renforcer, les initiatives de réconciliation et de consolidation de la paix à promouvoir et le niveau économique de la population jeune à relever.

3- croissanceafrique.com: Qui sont à la base de cette pratique ? Quels sont les acteurs concernés ?


Dr.Moussa SISSOKO: Ce sont des groupes armés et les mouvements djihadistes notamment Ançar Dine, MUJAO, Boko -Haram et AQMI.


4- Croissanceafrique.com: oQuelles sont les actions entreprises par les autorités maliennes ?


Dr Moussa SISSOKO: En réponse à cette menace qui sort des formes habituelles de l’insécurité et qui transcendent les frontières d’un seul État, le Gouvernement de la République du Mali a pris un certain nombre de mesures législatives, institutionnelles, administratives, opérationnelles et judiciaires pour endiguer ce phénomène et les crimes y afférents. Il s’ agit de son adhésion au Commandement Opérationnel Conjoint (CEMOC); de l’établissement du programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement dans le nord du Mali (PSPSDN) ; de l’opération conjointe Mali-Mauritanie dans la forêt de OUAGADOU en 2011; de la Loi n ° 08-025 du 23 juillet 2008 relative à la lutte contre le terrorisme au Mali; de la Loi n ° 2016-008 du 17 mars 2016 relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme; de la création du Pôle judiciaire spécialisée (PJS) pour lutter contre le terrorisme et le crime transnational organisé; de la création du Ministère des Affaires religieuses et du Culte ; et, plus récemment, des initiatives du Sahel (G5-Sahel et l’Alliance Sahel) et du plan de sécurisation intégrée des régions du centre (PSIRC), etc.
De suite, il est apparu nécessaire pour le gouvernement du Mali d’élaborer une politique nationale en vue d’harmoniser les efforts intellectuels, matériels, humains et financiers à l’intérieur du pays et entre le Mali et ses partenaires en vue d’une optimisation dans la lutte contre ce fléau.
Cette politique dénommée « Politique Nationale de Lutte contre l’Extrémisme violent et le Terrorisme » (PNLEVT), a pour vision la construction d’« Une communauté nationale solidaire, dépositaire et promotrice d’une culture de paix, de dialogue et de partage, symbole d’une dynamique de fraternité, de cohésion sociale, de vivre ensemble, d’échanges multiples et multiformes, et agissant ensemble avec les partenaires pour la sécurité et le bien- être collectifs ».
Elle s’appuie sur les principes suivants :
● le caractère sacré de la vie humaine et l’inviolabilité de son intégrité physique ;
● la garantie de la laïcité de l’Etat, de la liberté de religion et du culte, et de la liberté d’expression ;
● l’égalité de tous les citoyens devant la loi et l’égal accès pour tous à la justice ;
● le droit pour tout citoyen de participer à la production de la richesse nationale et d’en jouir conformément aux lois et règlements ;
● la coopération avec les Etats voisins et la communauté internationale dans la prévention et la lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme.
La PNLEVT s’appuie sur cinq piliers pour assurer la lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme notamment les quatre piliers de la stratégie internationale de lutte contre le terrorisme à savoir la prévention, la protection, la poursuite et la réponse auxquelles s’ajoute un cinquième pilier qui est la cohésion sociale en conformité avec le contexte national malien.
Le pilier « PREVENTION » vise à détecter, à évaluer les menaces et à éliminer toutes les conditions propices au développement du terrorisme, de la radicalisation et de l’extrémisme violent sur le territoire national, dans le respect des droits de l’homme, de l’Etat de droit et conformément aux lois nationales et Conventions sous régionales, régionales et internationales.
Le pilier « PROTECTION » vise la préservation de l’intégrité du territoire, la sécurité des personnes, des biens et du patrimoine national. Il s’agit de façon plus spécifique de préserver la forme républicaine de l’Etat, la laïcité et d’assurer le respect des droits humains, notamment la liberté de mouvement, d’opinion et de culte.
Le pilier « POURSUITE » vise à empêcher la répétition de ces crimes et dissuader d’éventuels adhérents aux idéologies des groupes et mouvements extrémistes.
Le pilier « REPONSE » vise à apporter des réponses justes, proportionnées et diligentes, en cas d’attaque terroriste ou d’actes d’extrémisme violent perpétrés sur son territoire dans le respect des droits humains et l’Etat de droit. A cet effet, il mettra en place les outils et les structures appropriés d’évaluation, d’intervention et de coordination de l’assistance humanitaire et de secours aux victimes.
Le pilier « COHESION SOCIALE » vise à contribuer à la régénération d’une identité collective qui permette de recréer les liens et les solidarités nationales.
Pour la mise en œuvre de cette Politique, 14 départements ministériels sont concernés avec à leurs côtés des organisations de la société civile. Elle est pilotée par un comité de pilotage dirigé par le premier ministre chef du gouvernement et les 14 ministres concernés.
Sa mise en œuvre est assurée par un comité de coordination et de suivi-évaluation dirigé par le ministre des Affaires religieuses et du culte et composé des représentant des 14 ministères concernés, de la société civile, des confessions religieuses et des populations locales.
Le comité de coordination et de suivi-évaluation s’appuiera sur un secrétariat permanent qui sera rattaché au secrétariat général du MARC et dirigé par un secrétaire permanent.
En vue donc de la mise en œuvre effective de cet engagement holistique dont le but ultime est de lutter contre toutes les formes de discrimination et d’exclusion à l’effet de consolider l’unité nationale et le vivre ensemble des populations liées par plusieurs siècles de vie commune et emporter l’adhésion et l’accompagnement efficiente de nos partenaires,coordonner et mutualiser leurs efforts, un plan d’action sur trois ans a été élaboré. Pour atteindre les objectifs fixés, la PNLEVT sera conduite simultanément dans tous ses piliers avec emphase sur certains axes en fonction de l’évolution de la menace.
Il a été mis en œuvre un projet-pilote vise à court terme à initier et à formaliser un mécanisme national de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent, par L’opérationnalisation de structures assurant la mise en place de la stratégie nationale de prévention de l’extrémisme violent et son plan d’action, la formation et la sensibilisation aux dangers de l’extrémisme violent. Le projet bénéficiera aux autorités locales, aux représentants religieux et à la société civile, en particulier les jeunes, dans les communautés urbaines de Bamako, Mopti et de Gao.
Les messages de sensibilisation vont porter essentiellement sur : le rôle des jeunes et des leaders dans la prévention et le règlement des conflits. Ces acteurs (jeunes, religieux) sont des pionniers et des agents de changement essentiels, leur contribution doit être activement soutenue, sollicitée et considérée comme faisant partie intégrante de l’édification de communautés pacifiques. Leur participation promeut l’engagement civique et la citoyenneté active.
Le projet-pilote a pour but d’appuyer le dispositif mis en place par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre l’extrémisme violent et de contribuer à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Il s’agit aussi de renforcer les capacités du MARC et de fournir aux autorités nationales un cadre formel de lutte contre l’extrémisme violent en impliquant les leaders d’opinion, les leaders religieux, les autorités locales, les enseignants et la société civile dans la promotion du dialogue social dans les communautés exposées aux dangers lies au phénomène de l’extrémisme violent, ainsi que l’encadrement et l’orientation des jeunes radicalisés ou à risque.
Il s’agira pour le projet de :
• Former les leaders religieux pour les inciter à tenir des langages modérés de lutte contre l’extrémisme violent et son plan d’action à Bamako et dans les régions.

• Créer une dynamique régionale de prévention et lutte contre le radicalisme et l’extrémisme violent, dans la région de Gao et de Mopti. Ces dynamiques régionales sont des représentations du MARC qui assurera et coordonnera les activités du projet dans la région et servira de centre de formation pour les acteurs religieux et les jeunes au niveau régional.

5- Croissanceafrique.com Quel appel à l’endroit de la population malienne ?


Dr Moussa SISSOKO: Nonobstant ces résultats tangibles, l’équipe du projet a relevé quelques difficultés d’ordre opérationnel qu’il convient de remédier par la prise en compte de propositions de solution dans le cadre d’une nouvelle phase de projet, en vue de consolider les acquis des deux phases antérieures, et éventuellement, conforter les perspectives d’avenir.


Il s’agit de contribuer à la prévention et à la lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation par la mise en œuvre d’actions relatives à la lutte contre le chômage, l’analphabétisme et l’intégrisme religieux. Dans les villes et communes cibles du projet, le vivre ensemble, la cohésion sociale et les initiatives de paix seront renforcées ; le développement économique social et culturel sera impulsé. Le dialogue inter et intracommunautaire et, le dialogue inter religieux seront promus.


Au regard du contexte actuel, il est impératif que le Gouvernement et ses partenaires redoublent d’efforts afin de réduire au minimum l’impact des différentes crises sur la situation déjà assez précaire des jeunes de 20 à 35 ans aussi bien au nord qu’au sud du Mali. Il est donc nécessaire de soutenir les activités génératrices de revenus (AGR) visant la création d’emplois jeunes, de petites entreprises et/ou coopératives, la diversification de revenues, le développement de l’entreprenariat féminin, l’appui à la micro finance afin de faciliter l’accès au crédit et visant dans le long terme à réduire la vulnérabilité à l’extrémisme violent.


Les populations locales notamment les femmes, jeunes, les chefs religieux et traditionnels, les élus communaux seront désormais des acteurs engagés dans la lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation. Ils feront partie de la solution et non du problème. Nous avons besoin de leur accompagnement dans une dynamique de complémentarité d’initiatives et d’actions.

Propos receuillis par Daouda Bakary KONE

Source: Croissanceafrique.com

NB: Toutes tentatives de reproduction de cet article est interdite et peut aboutir à une poursuite judiciaire.


.

croissanceafrik
croissanceafrikhttps://croissanceafrique.com
Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Partager:

Populaires

Lire aussi
RELATIFS

Sénégal: la CENA déclare vainqueur Bassirou Diomaye Faye avec 54,28% des suffrages exprimés

(CROISSANCE AFRIQUE)-Au Sénégal, l’opposant Bassirou Diomaye Faye a été...

Mali: l’Etat recherche 80 milliards de FCFA sur le Marché Financier de l’UMOA 

(CROISSANCE AFRIQUE)-Au Mali,  la direction générale du trésor et...

Côte d’Ivoire: GE Vernova lance un logiciel de gestion des émissions de carbone 

(CROISSANCEAFRIQUE)-- Le logiciel de gestion des émissions de carbone...