(CROISSANCE AFRIQUE)- Depuis plus d’une décennie, nous avons défendu un nouveau concept économique à savoir l’image du « seau troué » pour mettre en garde contre les plans de redressement économique mal conçus : on ne verse pas de l’argent dans un récipient percé sans avoir d’abord bouché les trous, sinon tout effort est vain.
Cette métaphore illustre l’absurdité de verser des ressources dans un système sans avoir corrigé ses failles structurelles. Aujourd’hui, cette idée commence à faire écho jusque dans les débats internationaux, ouvrant la voie à sa reconnaissance comme un véritable concept économique de gestion des crises.
Dans sa dernière prise de parole, Michel-Édouard Leclerc, président du comité stratégique des centres Leclerc, a exprimé la même réserve en des termes très proches : « On taxe les plus riches, les moins riches, pour mettre dans un seau dont on n’a pas bouché les trous. Je trouve ça vraiment absurde. »
Cette convergence de vues montre que la métaphore du « seau troué » n’est pas seulement une formule pédagogique. Elle pourrait demain constituer un véritable concept économique, un cadre d’analyse universel pour comprendre pourquoi certains plans échouent et pourquoi d’autres réussissent.
En effet, chaque pays en crise fait face à des fuites structurelles : corruption, gabegie, dépenses improductives, endettement désordonné, fuite des capitaux, inefficacité des administrations. Injecter des ressources dans un système qui n’a pas colmaté ses brèches revient à entretenir un cycle permanent d’échec. À l’inverse, reconnaître ce « cycle du seau troué » comme un mécanisme économique à part entière permettrait d’imaginer de nouveaux indicateurs et de nouvelles politiques publiques pour orienter les réformes.
Nous avons là l’opportunité de transformer une image simple en un concept académique et opérationnel, susceptible de s’imposer dans les débats internationaux. L’idée du « seau troué », si elle est approfondie, pourrait devenir un outil précieux pour analyser et gérer les crises financières et budgétaires actuelles, et demain faire école dans la littérature économique.
C’est aussi un appel aux universités, aux États et aux entreprises pour s’approprier ce concept, le creuser, et en faire un levier de gestion et de réforme au service de nos sociétés.
Magaye GAYE
Économiste international
Ancien cadre de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD)
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