Secteur Minier Africain: Simandou 2040, un Couloir Économique S’ouvre à la Guinée

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(CROISSANCE AFRIQUE)-La Guinée, en pleine quête de développement économique, a fait un pas significatif en avant le mardi 11 novembre en lançant officiellement l’exploitation de Simandou, connue pour être l’une des plus vastes réserves mondiales de minerai de fer. Ce projet, selon les études menées par le Fonds monétaire international, a le potentiel de booster considérablement la croissance économique du pays. 

En effet, il pourrait accroître le produit intérieur brut guinéen de pas moins de 26 % d’ici 2030. En parallèle, cette exploitation pourrait également permettre de doubler la valeur des exportations minières du pays, ce qui contribuerait à renforcer significativement l’économie nationale. Cependant, ces chiffres ne donnent qu’un avant-goût du potentiel immense de prospérité et de transformation économique qu’espèrent les autorités guinéennes avec Simandou. Le programme de développement ambitieux, nommé « Simandou 2040 », témoigne de ces attentes élevées. Pourtant, même si cette ressource précieuse semble offrir un avenir prometteur pour l’un des pays les plus démunis du globe, sa gestion diligente et méthodique sera essentielle pour traduire ce potentiel en progrès réaliste et tangible.

À la veille de l’important événement marquant la cérémonie de lancement, les attentes ont été quelque peu réfrénées par la mise en lumière des failles persistantes et de la vulnérabilité de la gouvernance minière en Guinée. En effet, dans un rapport relayé le dimanche précédent par les médias locaux, le Conseil national de transition (CNT) attire l’attention sur une problématique financière significative : un montant impressionnant de 100 millions de dollars, somme correspondant au paiement initial versé par le puissant groupe sidérurgique chinois BAOWU, afin de participer au projet, ne serait toujours pas répertorié dans les comptes publics, soulevant des inquiétudes légitimes sur la transparence financière.

« Dans le cadre plus vaste de l’effort pour renforcer la mobilisation des recettes administratives, le CNT réitère avec vigueur sa recommandation essentielle qui porte sur l’encaissement effectif des ressources financières générées par le ticket d’entrée de BAOWU au sein du projet Simandou. Ces ressources sont estimées à un montant considérable de 864 milliards de francs guinéens, » souligne fermement la Commission du Plan, des Affaires financières et du Contrôle budgétaire, dans un message qui exhorte instamment les départements concernés à non seulement clarifier cette situation, mais aussi à veiller à ce que ces fonds soient dûment régularisés et transférés en temps opportun au Trésor public, garantissant ainsi une gestion financière plus transparente et organisée.

L’exemple historique bien établi de l’extraction et de l’exploitation de la bauxite, ce minerai riche en aluminium, illustre comment l’industrie minière a souvent façonné des économies entières, influençant ainsi le développement socio-économique de nombreuses régions à travers le monde. La bauxite, en tant que ressource stratégique, a catalysé une série de transformations industrielles et économiques, conduisant à la création de complexes industriels, et jouant un rôle crucial dans le commerce international, tout en posant des défis environnementaux et sociétaux considérables.

Avec le projet de Simandou, la Guinée a le potentiel de transformer et de remodeler profondément la hiérarchie mondiale des producteurs de fer, se frayant un chemin parmi les géants du secteur. Conakry a pour ambition de pénétrer même le segment premium du marché international, en se concentrant sur le minerai de très haute qualité extrait de Simandou, qui affiche une teneur spectaculaire de 65 % de fer. Cette caractéristique exceptionnelle offre à la Guinée une incroyable opportunité de se positionner en tant que fournisseur stratégique pour l’industrie mondiale de l’acier bas carbone, un secteur en pleine croissance qui privilégie les matériaux plus propres et plus efficaces. Selon les déclarations de Bouna Sylla, le ministre guinéen des Mines, grâce à cette spécificité, la Guinée peut espérer non seulement augmenter ses exportations, mais aussi cibler des « prix élevés » sur le marché pour le fer de Simandou, renforçant ainsi sa compétitivité économique et sa capacité d’attraction d’investissements étrangers dans le secteur minier.

Nonobstant ces différentes qualités, le fer de Simandou n’est cependant pas le premier produit minier dont la Guinée peut se vanter à l’international. En effet, ce pays ouest-africain est le berceau des plus grandes réserves mondiales de bauxite, un potentiel exceptionnel qui a permis de hisser la Guinée, au cours de ces dernières années, au rang de premier exportateur mondial du minerai indispensable pour la production d’aluminium. Cette matière première cruciale a joué un rôle déterminant dans le développement industriel, et son extraction a vu la filière bauxite contribuer de manière significative à l’économie nationale. Grâce à cet apport majeur, représentant 44 % des exportations minières en 2022 selon les données fournies par l’ITIE, le secteur minier a atteint une place prépondérante dans l’économie guinéenne, pesant 20 % du produit intérieur brut, générant 17 % des recettes de l’État et créant 6,5 % des emplois formels.

Néanmoins, l’exploitation intensive de la bauxite, malgré ses répercussions positives sur l’économie nationale et ses indicateurs macroéconomiques, n’a cependant pas encore engendré de transformations tangibles et durables dans le développement économique général de la Guinée. En dépit d’une croissance annuelle impressionnante dépassant les 5,1 % entre 2019 et 2023, le pays a malheureusement été témoin d’une augmentation inquiétante du taux de pauvreté. En effet, entre 2019 et 2024, le taux de pauvreté a grimpé de 7 points de pourcentage, entraînant dans son sillage 1,8 million de personnes supplémentaires dans les filets de la pauvreté. Cela souligne un paradoxe persistant où la richesse minière considérable ne s’est pas encore traduite par un développement équitable et inclusif pour l’ensemble de la population guinéenne.

Dans un rapport de diagnostic de la corruption dans le secteur minier en Guinée, publié au cours de l’année 2023, plusieurs organisations locales issues de la société civile ont mis en lumière un ensemble complexe et varié de risques de corruption qui pèsent lourdement, non seulement sur la collecte, mais aussi sur la gestion des revenus issus du secteur minier. En se penchant sur les divers problèmes spécifiques à la filière de la bauxite, le rapport révèle que plusieurs de ces problèmes précédemment identifiés portent en eux la possibilité d’être transposés au futur cycle de revenus attendu du projet minier de Simandou. Parmi les dysfonctionnements notables, on retrouve des pratiques de favoritisme qui sévissent dans l’application des annexes fiscales des conventions de base. En outre, il est fait mention de manipulations des volumes et de la qualité des matières premières destinées à l’exportation, ainsi que des manipulations du prix de vente s’articulant autour des pratiques de fixation des prix de transfert. De plus, une collusion inquiétante entre certaines entreprises minières et l’administration fiscale est mise en cause, ayant pour objectif de minimiser les redressements fiscaux. Enfin, le rapport souligne également les interférences politiques qui s’exercent lors des contrôles fiscaux, créant ainsi un environnement propice à la pérennisation de ces pratiques corruptrices.

Ces constats récents illustrent de manière préoccupante que les vulnérabilités structurelles qui avaient déjà été identifiées dans le secteur de la bauxite pourraient très bien se manifester à nouveau dans le cadre de l’exploitation du gisement de fer de Simandou, à moins qu’une réforme profonde et significative de la gouvernance minière ne soit mise en œuvre de manière urgente et efficace. En particulier sur la question cruciale de la transparence, il est à noter que les autorités n’ont toujours pas rendu publique, à ce jour, la convention conclue entre l’État et les différentes entreprises engagées dans le projet Simandou, qui, pour la plupart, sont de nationalité chinoise, représentant 75 % d’entre elles. Bien que l’on s’attende à une augmentation significative des recettes publiques dans un tel contexte institutionnel, cela ne garantit en aucune façon un progrès ou une amélioration tangibles du bien-être des communautés locales. Au contraire, cela pourrait exacerber les pratiques prédatrices qui ont tendance à se développer dans de telles situations, alimenter une mauvaise allocation persistante des ressources et potentiellement précipiter la Guinée dans une nouvelle spirale infernale de la malédiction des matières premières. Ce phénomène est bien connu pour son paradoxe où, paradoxalement, l’abondance de ressources minières alimente et intensifie la fragilité économique du pays au lieu de le renforcer et de le prospérer.

Face au risque potentiel de retomber dans les mêmes erreurs et dysfonctionnements observés dans le passé dans le secteur de la bauxite, la Guinée exprime clairement sa volonté de faire de Simandou un moteur de transformation économique à plus grande échelle. En effet, c’est toute l’essence et la portée du programme ambitieux Simandou 2040, que les autorités ont présenté avec fierté comme un plan d’émergence nationale. Ce plan est destiné à transcender le simple cadre de l’extraction minière et à poser les fondations d’une économie diversifiée et résiliente. Ce cadre stratégique est conçu pour encourager un développement qui soit véritablement inclusif et qui, bien qu’ancré dans l’exploitation des ressources naturelles, soit solidement orienté vers une diversification économique durable et pérenne. Pour ce faire, il s’appuie sur un ensemble cohérent de 122 projets ainsi que sur 36 réformes, organisés autour de cinq piliers essentiels et complémentaires. Ces piliers incluent des secteurs clés tels que l’agriculture et l’industrie alimentaire, mais aussi l’éducation, les infrastructures et les nouvelles technologies, l’économie au sens large, et enfin, la santé publique. En théorie, le programme Simandou 2040 devrait ainsi prévenir la dilution des richesses issues de la rente minière, phénomène observé par le passé, en canalisant une partie des revenus vers les secteurs productifs, vers l’investissement dans le capital humain, et vers le développement des infrastructures indispensables à une croissance économique qui soit créatrice d’emplois et qui contribue réellement à une réduction significative de la pauvreté dans le pays.

Les institutions financières internationales, tout en reconnaissant l’importance de cette ambition, adoptent néanmoins une approche empreinte de prudence face à son potentiel. Le Fonds Monétaire International (FMI) considère que le projet minier de Simandou possède le pouvoir de stimuler la croissance économique, toutefois uniquement si les revenus générés par l’exploitation sont réinvestis avec précision et stratégie. Par le biais de ses modèles et simulations économiques, le FMI démontre de manière approfondie que l’affectation d’une somme équivalente à 3 % du Produit Intérieur Brut (PIB) à l’investissement public aurait la capacité d’accélérer la croissance dans des secteurs autres que celui minier. Cela contribuerait également à réduire le ratio dette/PIB plus rapidement, tout en soutenant dans une certaine mesure l’emploi dans le pays. Le Fonds met, néanmoins, en avant que, sans une politique proactive et bien définie, les bénéfices sociaux du projet resteront très minimes et insuffisants. En effet, les modèles macroéconomiques élaborés avec soin suggèrent que Simandou n’aurait qu’un effet marginal sur la réduction du taux de pauvreté, ne l’abaissant que de 0,6 point, et pourrait par ailleurs conduire à un accroissement des inégalités déjà présentes.

La Banque mondiale a récemment adopté une analyse complémentaire qui souligne l’importance des réformes économiques dans la réalisation du potentiel financier de Simandou. Selon cette institution financière internationale, Simandou pourrait permettre d’augmenter significativement le ratio recettes/PIB, le hissant potentiellement à 17,3 % d’ici 2030. Cela représenterait une hausse notable par rapport au chiffre de 12,8 % enregistré en 2023. Toutefois, la Banque mondiale met également en avant que, même avec de telles améliorations, les performances économiques demeureraient en deçà de celles des pays membres de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) et de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), qui visent un objectif de convergence de 20 %. En y regardant de plus près, l’institution insiste sur le fait que l’effet véritablement transformateur de Simandou reposera moins sur l’exploitation du minerai lui-même que sur la capacité de l’État guinéen à transformer cette rente minière en productivité accrue et en création d’emplois, soulignant l’importance d’une gestion efficace des ressources pour le développement économique du pays.

Entre les intentions affichées de Simandou 2040, qui promettent un développement spectaculaire, et les nombreux avertissements émanant des institutions internationales concernant les pièges potentiels d’un tel projet de grande envergure, un même message d’avertissement et d’espoir émerge de cette situation complexe. Pour veiller à ce que tous les Guinéens puissent réellement bénéficier des retombées positives attendues du projet minier emblématique de Simandou, il est impératif que Conakry s’engage à mettre en œuvre une gouvernance irréprochable. Cela signifie adopter une gestion rigoureuse et transparente des revenus générés par le projet, tout en s’assurant que les investissements soient orientés de manière stratégique vers les besoins réels et pressants de la population. Cela inclut notamment un accent particulier sur la création d’emplois durables et le développement des infrastructures de base, indispensables pour soutenir une croissance équitable. Sans une telle discipline financière et politique, l’arrivée massive de devises étrangères – suscitées par l’exploitation minière – risque non seulement d’exacerber les déséquilibres économiques déjà constatés dans le secteur de la bauxite, mais également d’alimenter les tensions sociales latentes, et de renforcer une dangereuse dépendance à une source de rente instable et volatile. Cette situation contreproductive éloignerait irrévocablement le pays de la construction de l’économie diversifiée et résiliente, aspiration pourtant ardemment souhaitée par les autorités guinéennes et nécessaire à un développement durable. 

Notons que le projet ambitieux dénommé Simandou 2024 représente non seulement une avancée capitale dans le domaine minier, mais constitue également le cœur battant et l’âme économique de la Guinée, avec des répercussions potentielles et significatives qui pourraient se faire sentir dans l’ensemble du pays et transformer son économie d’ici l’horizon 2040. Ce projet promet d’induire des changements économiques profonds tout en renforçant la position stratégique de la Guinée sur la scène internationale grâce à ses riches ressources naturelles.

Daouda Bakary KONÉ

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Croissance Afrique (sarl) est un Média multi-support qui propose plusieurs rubriques axées sur l’actualité économique du continent. Le magazine est un journal (en ligne dont un mensuel disponible dans les kiosques à journaux) qui traite spécialement les informations financières dédiées à l’Afrique. Il est également le premier média malien spécialisé dans la production d’Informations Économiques, financières, Stratégiques, et orienté vers le reste du monde. Le Magazine a été fondé en Novembre 2017 à Bamako.

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