Lors d’une sortie médiatique récente, Adji Sarr a donné le ton, et elle s’est expliquée aux medias dakarois « Tout le monde me disait de changer de nom, pour ne plus être reconnue, mais j’ai refusé, car je suis fière d’être qui je suis », lance la jeune femme, qui a accusé l’opposant politique Ousmane Sonko en 2021 de viols répétés dans le salon de massage où elle était employée.
Il s’agit d’une affaire judiciaire avait embrasé le Sénégal, provoquant des émeutes violentes et meurtrières à travers le pays, alors que le dirigeant du parti le Pastef dénonçait un complot pour l’écarter de la scène politique. Au total, 13 morts selon les chiffres officiels et 590 blessés ont été comptés par la Croix rouge. Un an plus tard, Adji Sarr sort de son silence « pour que la vérité éclate », accordant quelques entretiens à des médias triés sur le volet.
Le visage caché par de larges lunettes et un masque chirurgical, elle est arrivée discrètement selon la radio France Internationale dans un lieu tenu secret où se tient la rencontre, toujours accompagnée de trois policiers qui assurent sa sécurité. Une protection obtenue face aux risques d’agression alors que la jeune femme est devenue l’ennemie numéro un des sympathisants d’Ousmane Sonko.
« Je ne dormais pas, je ne mangeais pas… Tout le monde m’insultait, j’avais tout le temps peur des violences ; même en allant à la douche, je portais mes habits par peur d’être attaquée. Et même ma propre famille avait peur de s’identifier à moi et craignait de m’appeler au téléphone ou de venir me voir, de peur d’être tués après. Je redoutais de sortir et d’être reconnue… ce qui continue jusqu’à aujourd’hui », témoigne la jeune femme. Ses anciennes collègues du salon de massage n’ont donc pas souhaité témoigner dans le cadre de l’enquête, de peur de se mettre elles-mêmes en danger.
Notons que Adji Sarr raconte vivre avec sa tante et des sœurs, avec qui elle déménage régulièrement pour ne pas être repérée. Seule une association – qui souhaite garder l’anonymat pour des raisons de sécurité – l’aide au quotidien pour assurer ses dépenses. Enfermée entre la chambre et le salon, elle ne peut même pas aller sur le balcon ou hausser la voix, de peur d’éveiller les soupçons et d’être reconnue. « Je ne fais rien à part prier », explique la jeune femme, qui se raccroche aussi à l’écriture d’un livre autobiographique. Mais elle dort « très mal » et est obligée de prendre des médicaments pour trouver le sommeil, moment où elle a constamment l’impression d’être agressée. Elle raconte souffrir de stress post-traumatique et dénonce le fait de n’avoir aucune aide de l’État.
Pour rappel, Ousmane Sonko a été élu maire en janvier 2022 de Ziguinchor, l’une des plus grandes villes au sud du pays, et se prépare aux élections législatives de juillet prochain alors qu’il est l’un des leaders principaux de la coalition de l’opposition Yewwi Askan Wi. « Quand Sonko a été élu maire, j’ai pleuré toute la nuit. Quelqu’un qu’on a accusé de viol et qui devient maire… Alors qu’avant d’être accusé de viol, il n’était rien du tout seulement un simple député… Ce qui me fait le plus peur, c’est qu’il a de plus en plus de pouvoir », redoute Adji Sarr, qui craint de le voir un jour président de la république.
Moussa Koné