(CROISSANCE AFRIQUE)-Au Sénégal, l’État se retrouve une nouvelle fois confronté à une instabilité financière majeure, exacerbée par l’annonce récente de l’agence de notation S&P Global Ratings. Cette agence a annoncé, ce 14 novembre, une sévère détérioration de la note souveraine à long terme en devises étrangères du pays, la rétrogradant de ‘’B-‘’ à ‘’CCC+ ».
Une telle évaluation place Dakar dans la catégorie des pays confrontés à un risque de défaut ‘’substantiel », ce qui ne fait qu’amplifier la crise de crédibilité à laquelle la nation est déjà confrontée, alimentée par des doutes croissants sur sa capacité à honorer ses obligations financières. S&P justifie cette décision alarmante par la lourdeur croissante du fardeau de la dette ainsi que par des besoins de financement imminents qui ne cessent de s’accumuler.
En réalité, le Sénégal, à la fin de décembre 2024, enregistre un niveau de dette publique atteignant un dangereux 119% du PIB ; à ce chiffre alarmant viennent s’ajouter 9% supplémentaires résultant des engagements des diverses entités publiques. Un tel niveau d’endettement place incontestablement le pays parmi les souverains les plus lourdement endettés de la catégorie spéculative.
En outre, l’agence prédit que les besoins bruts de financement du secteur public d’ici 2026 pourraient grimper à près de 29% du PIB, un indicateur critique soulignant l’urgence économique et financière à laquelle le Sénégal doit maintenant faire face. Ces chiffres illustrent la nécessité impérative pour les autorités sénégalaises de mettre en œuvre des réformes économiques rigoureuses afin de restaurer la confiance des investisseurs et de sécuriser l’avenir financier de la nation.
En conséquence, le pays a été placé sous « CreditWatch » avec implication négative, une procédure qui annonce une potentielle détérioration de sa cote de crédit. Cette mesure met en lumière la précarité de la situation économique actuelle du Sénégal, signalant clairement la possibilité d’une nouvelle dégradation de sa note de crédit si le gouvernement ne parvient pas rapidement à sécuriser le refinancement des échéances commerciales imminentes. Cela soulève un véritable défi pour les autorités qui doivent trouver une solution dans les plus brefs délais afin d’éviter des conséquences financières désastreuses.
Par ailleurs, la situation financière du pays a été encore plus fragilisée par la suspension, en octobre 2024, du programme de 1,8 milliard de dollars du Fonds Monétaire International (FMI). Ce programme, crucial pour le soutien économique du Sénégal, a été mis en pause lorsque des révélations ont exposé des dettes publiques qui avaient été sous-déclarées, ainsi qu’une mauvaise gestion fiscale orchestrée par l’administration précédente. Ces découvertes ont eu pour effet de couper l’accès du Sénégal aux financements concessionnels à faible coût, un coup dur pour les perspectives économiques du pays qui pourrait entraîner des conséquences à long terme si des mesures correctives ne sont pas rapidement mises en place.
Cette conjoncture a placé le Sénégal dans une position délicate où reconquérir la confiance des investisseurs et des organismes financiers devient impératif. Afin de restaurer la confiance des parties prenantes tant internes qu’externes, notamment les investisseurs ainsi que la population, des négociations approfondies et très attendues avec le Fonds Monétaire International (FMI) ont été relancées en octobre 2025, marquant une étape cruciale pour le redressement économique du pays.
Aussi, les autorités, pleinement conscientes des défis à relever, se sont engagées à mettre en œuvre un effort substantiel et ambitieux de consolidation budgétaire. Cet effort vise à ramener le déficit, qui préoccupait tant les observateurs économiques, à un chiffre plus gérable de 3% d’ici 2027, ce qui représenterait une amélioration significative par rapport aux niveaux antérieurs. Parallèlement à ces initiatives, le gouvernement a également inauguré le ambitieux ‘Plan de Relance Économique Jubbanti Koom’.
Ce plan inclut un ensemble de nouvelles mesures fiscales ciblant des secteurs en croissance, telles que l’imposition sur le mobile money, très utilisé, les jeux en ligne, de plus en plus populaires, ainsi que sur le tabac et l’alcool, afin d’élargir la base des recettes fiscales et d’assurer une augmentation durable de celles-ci. Malgré les turbulences et les défis budgétaires de ces dernières années, l’économie sénégalaise semble se diriger vers une dynamique positive encourageante. Notamment, le produit intérieur brut (PIB) du pays a enregistré une hausse spectaculaire et inattendue de 12,1% dès le premier trimestre de 2025.
Cet essor impressionnant a été propulsé en grande partie par le lancement tant attendu de la production des vastes gisements de pétrole de Sangomar et des riches ressources gazières du secteur de Greater Tortue Ahmeyim. Grâce à ces développements prometteurs, le gouvernement reste confiant et maintient ses prévisions optimistes d’une croissance économique solide et soutenue de 6,8% pour l’ensemble de l’année 2025, une perspective qui devrait rassurer les observateurs et les investisseurs sur la viabilité à long terme de l’économie du Sénégal.
Néanmoins, malgré les efforts déployés par le Sénégal pour stabiliser son économie, le financement provenant de l’État reste extrêmement précaire et fragile, posant de sérieuses inquiétudes pour l’avenir économique du pays. Le Sénégal n’a réussi qu’à exécuter 70% de son ambitieux programme de financement pour l’année 2025, se trouvant ainsi contraint de se tourner vers le marché de la dette régionale pour combler cette lacune financière significative. Selon le cabinet d’analyse financière S&P, cette stratégie, bien qu’elle offre une solution à court terme, n’est pas viable à long terme.
Notons que les émissions obligataires sur le marché régional se réalisent à un coût plus élevé, avec des rendements supérieurs à 7%, et assortis de maturités plus courtes comparativement aux prêts concessionnels multilatéraux qui sont généralement préférés pour leur flexibilité et leurs conditions plus avantageuses. Ce choix stratégique impose donc au pays des contraintes budgétaires supplémentaires, rendant la gestion de la dette plus complexe et susceptible d’engendrer des tensions économiques supplémentaires à l’échelle nationale.
Moussa KONÉ

