Selon plusieurs sources, les États-Unis envisageraient de donner les fonds russes gelés en Occident à l’Ukraine. Officiellement, les États-Unis n’en font pas cas. Une décision qui serait lourde de conséquences. Même si l’on sait que par le passé, ils se sont emparés des fonds souverains de plusieurs pays notamment de l’Irak et de la Libye.
La Russie n’est ni l’Irak, ni la Libye. Mais, à y voir de près, le scenario est classique. La saisie des fonds souverains des pays en conflit avec les puissances occidentales a toujours été une arme de recours pour ces puissances qui s’en emparent comme des butins de guerre au mépris de toute éthique et de toute morale.
Souvenez-vous, durant la guerre contre l’Irak, en 2003, les réserves de la Banque nationale irakienne ont disparu sans laisser de trace. Washington a accusé Saddam Hussein, d’avoir lui-même cambriolé sa banque, mais n’a pas retrouvé son butin.
Puis, en 2011, ce fut le pillage de la Banque centrale libyenne. 150 milliards de dollars US volatilisés. Les experts avaient parlé de la « casse du siècle ». D’autres ont parlé du festival des brigands (allusion au titre de l’ouvrage du célèbre Philosophe, universitaire et intellectuel panafricaniste malien le Professeur Issa N’Diaye)
Concernant la Libye : après l’embargo de 2004 et le retour des grandes compagnies pétrolières occidentales, la Libye disposait d’un surplus commercial faramineux de plus de 30 milliards de dollars annuels destiné en partie aux investissements étrangers.
En 2006, les autorités libyennes créent l’Autorité Libyenne d’Investissement qui disposait de 40 milliards de dollars. En cinq ans, elle a réalisé des investissements considérables dans plusieurs sociétés en Afrique du Nord et au Sud du Sahara, en Asie, en Europe, en Amérique du Sud et aux Etats-Unis notamment dans des holding, banques, compagnies pétrolières, dans l’immobilier, l’Industrie, l’Hôtellerie, le tourisme, l’agriculture.
Les États-Unis, anticipant sur le scenario d’une invasion de la Libye avaient sommé ses alliés du Goupe de Contact lors du sommet d’Istanbul en Turquie, de recenser tous les avoirs libyens se trouvant sur leur sol et de les mettre à la disposition du CNT. L’invasion était l’occasion rêvée pour les dirigeants occidentaux de s’emparer sans coup férir des dépouilles de la Libye. Après la chute du Colonel Mouammar El Kadhafi, et afin de donner corps à son projet, Washington crée une structure n’ayant aucun statut juridique nommée Mécanisme Libyen d’échange d’information chargée de la supervision de l’opération. Ce scenario rappelle étrangement celui de l’Irak où l’Administration Bush avait crée secrètement le Bureau de Reconstruction et d’Assistance Humanitaire dirigé par le Général Jay Garner.
Par la suite, ce Bureau de reconstruction va être littéralement noyé par l’Autorité Provisoire de la Coalition qui, une fois installée, s’est livrée à un pillage systématique des ressources du pays, allant même jusqu’à obtenir du futur Gouvernement irakien, qu’il accorde de larges concessions aux multinationales qui obtiennent le droit d’exploiter toutes les richesses du pays pendant un siècle !
C’est ainsi que plusieurs sociétés qui avaient financé la campagne présidentielle de Bush fils ont été bombardées par de juteux contrats. A l’exemple de la United Technology qui a vendu des armes au Pentagone, notamment les Hélicoptères Black Hawk et autres Sheahowk pour une valeur de près de 5 milliards de dollars US ou encore la General Dynamics qui a vendu des sous-marins, des chars Abrams, des missiles Hydra pour un montant de près de 9 milliards et demi de dollars US. Citons également la Northrop Grumman avec son porte-avion, ses Cuirassés, ses avions bombardiers F14 Tomcat et F18 Hornet et avions sans pilote Global Hawk pour la somme de près de 13 milliards de dollars. Également la société Raytheon avec ses missiles Patriot et Tomahawk, sa bombe géante Blu 109 décrocha près de 13 milliards de dollars US.
Il faut souligner que les deux sociétés qui ont décroché la lune ont été : Boeing avec ses Hélicoptères Apache et Chinook, ses avions Awacs, ses bombardiers B 52 et F 22 Raptor pour près de 19 milliards de dollars et Lockeed Martin le fleuron de l’industrie d’armement fabricant des avions furtifs F 117, U2 espions et C130 Hercule pour près de 25 milliards et demi de dollars.
En outre, Mme Susan Rice, la Représentante Permanente des Etats-Unis auprès de l’ONU a l’époque, dans une lettre adressée au Comité des sanctions mise en place par la résolution 1970, y indiquait que son Gouvernement avait l’intention de dégeler 1 milliard 500 millions de dollars US appartenant à la Banque centrale de Libye, à l’Autorité Libyenne d’Investissement, à la Banque étrangère de Libye, au Portefeuille d’investissement libyen en Afrique et à la Compagnie Nationale Libyenne de Pétrole.
La Représentante Permanente des États-Unis à l’ONU s’était appuyée sur l’article 19 de la résolution 1970 (qui stipule qu’un dégel est légal lorsque les fonds sont destinés à des fins humanitaires) pour amener le Comité des sanctions à accorder une suite favorable à sa requête. Pour les États-Unis, la partie était gagnée à l’avance au sein du Comité des Sanctions. Puisque la Libye ne pouvait pas s’opposer à ce vol, car elle n’y siégeait pas. Son ancien Ambassadeur avait fait défection, et en violation de l’accord de siège, le Département d’État américain n’a pas délivré de visa au nouvel ambassadeur de Libye. Cette manœuvre a été mise en échec par l’ambassadeur d’Afrique du Sud Baso Sangqu qui livra une bataille héroïque qui restera gravée dans les annales des relations internationales.
C’est bien plus tard, après la chute de Mouammar El Khadafi que les Etats-Unis obtiendront le feu vert du Comité des Sanctions pour ce dégel, mais dans des termes moins favorables puisque le CNT, arrivé dans les fourgons de l’OTAN n’a pas eu la reconnaissance officielle pour gérer ces fonds.
Cependant, malgré ce fait, les États-Unis ont réussi la tour de force d’accorder aux organisations humanitaires de son choix cette importante manne pour « répondre aux besoins humanitaires actuels et à ceux que l’on peut anticiper, dans la ligne de l’appel des Nations-Unies et de ses mises à jour prévisibles» comme l’USAID, avec 500 millions de dollars, aux sociétés d’approvisionnement en fuels et biens humanitaires nécessaires comme par exemple la tristement célèbre Haliburton, géant de l’équipement pétrolier également 500 millions de dollars, le mécanisme temporaire de financement pour payer les salaires et les dépenses de fonctionnement des fonctionnaires libyens, des dépenses alimentaires de l’électricité et d’autres achats humanitaires pour 500 millions de dollars.
De cette somme, 100 millions de dollars ont été provisionnés pour des « besoins humanitaires des libyens qui ne seront pas dans les zones sous contrôle du CNT ».
Du côté européen, l’action des Etats-Unis a été une source d’inspiration. Plus de 45 milliards de dollars de ces fonds souverains se trouvaient dans leurs banques. Et pour avoir pris la tête du leadership médiatique de la coalition anti khadafiste, la France et l’Angleterre n’entendaient pas jouer les seconds couteaux auprès de l’ogre Sam. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy comme Barak OBAMA, tous deux candidats à l’élection présidentielle dans leurs pays respectifs, entendaient récompenser les entreprises qui les ont apporté leurs soutiens financiers pour obtenir le change.
Sarkozy, au plus bas des sondages, mais porté au pinacle par la presque totalité de classe politique française pour avoir endossé sa tenue de guerre, s’est transformé en VRP afin que les entreprises françaises obtiennent le pactole.
Quant à Barak OBAMA, la récession qui frappait de plein fouet l’économie américaine la amené à injecter frauduleusement ces fonds souverains libyens dans l’économie américaine. Une opération sans risque, d’autant plus que le coût de la guerre en Libye sera porté par les libyens eux-mêmes à travers l’intrusion des Institutions financières Internationales (FMI et Banque Mondiale) pour la reconstruction de la Libye ou tout au plus par les Nations-Unies, devenue par la force des choses, la roue de secours de l’OTAN.
De nos jours, aucune institution de contrôle ou d’enquête de l’ONU n’a fait un rapport sur la gestion de ces fonds. Certaines sources indiquent que les 150 milliards de dollars investis à l’étranger par l’État libyen sont toujours « gelés » sur mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, que sur les 16 milliards d’euros de fonds libyens, bloqués à l’Euroclear Bank en Belgique, 10 milliards ont déjà disparu sans aucune autorisation de prélèvement. Même constat dans plusieurs autres banques européennes et américaines. Comme Goldman Sachs, Citigroup Inc., Unicredit, Santander, BNP-Pariba etc…
Pendant ce temps en Libye les recettes fiscales de l’export énergétique sont descendues de 47 milliards de dollars en 2010 à 14 milliards en 2017.
De 2018 à 2022, elles se rétrécissent comme une peau de chagrin. De nos jours, les recettes fiscales sont partagées entre groupes de pouvoir et multinationales. Le dinar libyen continue à se déprécier tandis que les biens de consommation courante doivent être importés en les payant en dollars, entrainant une spirale inflationniste particulièrement élevée.
Notons que le niveau de vie de la majorité de la population s’est écroulé, par manque d’argent et de services essentiels. Il n’existe plus de sécurité, ni de réel système judiciaire.
Nouhoum keita, Journaliste